Essai
Nouvelle parution
R. Williams, Culture & matérialisme

R. Williams, Culture & matérialisme

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Polartblog)

Raymond Williams

CULTURE & MATÉRIALISME

Traduit de l'anglais par Nicolas Calvé et EtienneDobenesque

Paris: Les Prairies ordinaires, coll. "Penser/croiser", 2009, 246 p.

  • ISBN-10: 2350960323
  • ISBN-13: 978-2350960326
  • 15 €.

 7 articles de Raymond Williams écrits entre 1960 et 1988.


Présentation de l'éditeur:

L'introduction récente, en France, des Cultural Studies, semble s'êtrefaite au prix de l'oubli de leur hétérogénéité : cette étiquetteenglobante recouvre en effet des postures intellectuelles, des contenusthéoriques et des rapports au politique fort différents. En ce sens, lapremière traduction française de Raymond Williams se voudrait uneintroduction à un versant bien spécifique de cette pensée critique. Sice dernier est souvent présenté, à juste titre, comme l'un desfondateurs des Cultural Studies, il faut immédiatement préciser qu'ilenvisage ces dernières comme devant donner lieu à une théoriematérialiste de la culture. La pensée de Williams doit en outre êtresaisie comme un effort permanent pour articuler travail théorique - eninscrivant son oeuvre dans un dialogue avec la tradition marxiste - etprojets d'émancipation. Si ce recueil ne peut constituer qu'une brèveintroduction à l'oeuvre prolifique de Williams, elle dessine néanmoinsles multiples directions et objets de son travail. De son analyse desmouvements d'avant-garde à la réélaboration des notions centrales de lapensée marxiste - qu'il s'agisse du couple base / superstructure ou dela nécessité de penser les " moyens de communication comme moyens deproduction " - en passant par la considération de l'imaginaire produitpar la ville capitaliste, ce recueil entend donner à lire une oeuvretout à la fois plurielle - par ses objets, ses préoccupations - etdotée d'une forte unité théorique et politique - le matérialisme d'unepensée toujours articulée à la nécessité d'élaborer de nouvellespratiques politiques. Les Cultural Studies n'ont cessé d'étudier laculture, pour Williams il s'agit également de la transformer.

Source: http://polartblog.blogspot.com/2009/11/culture-et-materialisme-raymond.html

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On peut lire sur le site laviedesidees.fr un compte rendu de l'ouvrage:

"Aux origines des cultural studies", par E. Neveu

Et dans:

LE MONDE DES LIVRES | 05.11.09

"Culture & Matérialisme", de Raymond Williams : la culture comme jeu de forces

http://www.lemonde.fr/livres/article/2009/11/05/culture-materialisme-de-raymond-williams_1263006_3260.html


l.gifelivre numérique et la musique techno, les blogs et la télé-réalité, ledéclin de la presse écrite et la violence au cinéma, la fortune de lapornographie et les nouveaux modes de financement privés de latélévision, les consoles de jeux vidéo et le dernier best-seller de DanBrown : ces faits culturels contemporains entraînent toujours avec euxleur lot de déplorations partagées par les conservateurs comme par lesprogressistes. 35313333323931383461646436366630?&_RM_EMPTY_
Lespremiers voient la culture comme une hiérarchie d'oeuvres plus ou moinsnovatrices ou universelles, et en appellent au bon goût contre lesravages de l'indistinction actuelle. Les seconds considèrent que lescontenus culturels sont au contraire déterminés de l'extérieur par laquête de profit économique ou par le point de vue d'un groupe socialspécifique - la bourgeoisie - imposant ses valeurs à toute lapopulation pour la divertir de ses maux ; aussi craignent-ilsl'abrutissement des masses et la perte du sens critique. Mais les unscomme les autres se retrouvent derrière un même pessimisme face au développement des nouvelles technologies de communication et des industries culturelles.

Poursaisir la signification et la dynamique de la culture contemporaine, ilfaut sans doute se débarrasser de ces représentations symétriques. Sanspour autant céder à un optimisme béat face à toute innovation nià un relativisme qui met tous les produits de l'esprit sur un mêmeplan. Il s'agit donc de fonder à la fois une nouvelle théorie de laculture et un regard critique original. Telle fut l'ambition del'écrivain et universitaire anglais Raymond Williams (1921-1988).

Nouveau domaine de savoir

Etudiantpuis professeur de littérature et d'études théâtrales à Cambridge,auteur de nouvelles, de romans, de pièces et de plus de trente ouvragesthéoriques, il fut à l'origine, outre-Manche, du développement des Cultural Studies("études culturelles"). Depuis le début des années 1960, ce champd'études pluridisciplinaire s'intéresse à la fonction politique de laculture et aux traductions idéologiques des relations de pouvoir. Ilreprésente aujourd'hui un nouveau domaine du savoir connaissant uneexpansion mondiale, et qui a permis d'étendre le spectre des oeuvressusceptibles de faire l'objet d'une recherche savante. Désormais, il neparaît pas incongru de consacrer une thèse à la musique punk ou auxréseaux sociaux d'Internet.

Si Williams a contribué à ouvrir lesétudes littéraires aux cultures médiatiques et populaires, c'est endéveloppant une théorie de la culture comme jeu de forces antagoniques.La culture d'une société n'est pas, selon lui, un tout homogène. Sesdivisions internes ne sont pas déterminées par les différences dequalité entre oeuvres classiques et oeuvres marginales, mais parl'organisation des pratiques de création et de communication. A chaqueépoque, en effet, des conventions esthétiques et des forcesinstitutionnelles variables s'imposent aux créateurs comme aux publics.Williams définit ainsi la "culture dominante" non pas comme une idéologie qui s'imposerait de l'extérieur aux individus, mais comme "la substance et la limite" deleur sens commun : dans notre société, cette perception naturelle dumonde est véhiculée par la publicité. Face à ce bloc, il y a des "cultures résiduelles", par exemple la culture ouvrière, et des "cultures émergentes", comme celle des nouveaux médias. Minoritaires, ces pratiques peuvent rejoindre la culture commerciale ou former des espaces "oppositionnels" ou "alternatifs" : les uns contestent les institutions de la culture dominante ; les autres survivent à leurs côtés.

"Dissidents bourgeois"

Intellectuelpublic de premier rang en Angleterre et auteur internationalementreconnu dans les sciences humaines, Williams n'avait jamais été traduiten français. Rassemblant sept articles écrits entre 1960 et 1988, lerecueil qui paraît aujourd'hui offre une bonne introduction à son cadred'analyse. Ces essais n'ont rien perdu de leur pertinence, tant s'ymanifeste la capacité visionnaire de Williams, en particulier sur lestechnologies de communication.

Malgré une argumentation un peuéclatée, deux aspects retiennent l'attention : l'analyse du poidscroissant de la culture commerciale et la réflexion critique surl'héritage des avant-gardes artistiques et littéraires modernes.L'auteur montre comment la publicité, d'activité marginale et peurespectable dans l'Angleterre de 1850, est devenue "l'art officiel de la société capitaliste moderne" et une source de "valeurs sociales et personnelles".Non seulement les créateurs et les médias sont de plus en plusdépendants de la publicité, mais la culture commerciale a pénétré laculture d'élite.

En retraçant l'histoire des groupes d'avant-garde depuis la fin du XIXesiècle, Raymond Williams montre en effet, outre leurs ambivalencespolitiques (voir le futurisme italien), leurs contradictions vis-à-visde la culture marchande. "Dissidents bourgeois", les jeunesinnovateurs du modernisme ont souvent défendu, contre leurs familles,les mêmes valeurs individualistes que celles de la publicité. De plus,le "répertoire de l'art moderne", où domine l'image d'un sujet déraciné, a été absorbé par la culture dominante. "Certaines techniques auparavant expérimentales (...) sont devenues les conventions professionnelles d'un art commercial largement diffusé",note-t-il. Aussi, loin d'être opposées, comme le pensent lespessimistes culturels de droite comme de gauche, la culture d'élitemoderne et la culture de masse ont aujourd'hui des contenus semblables.Pour expliquer ces convergences, et de manière originale par rapport àce qu'a produit la sociologie française en ces domaines (notammentBourdieu), Williams insiste sur la concentration de la vie culturelledans les grandes métropoles modernes.

La récupération de l'artnovateur par le spectacle publicitaire et ses dépendances est-elleaujourd'hui totale ? Non. Williams cherche les cultures alternatives etoppositionnelles de demain dans les pratiques populaires émergentes "qui n'ont pas le marché pour origine"et dans des réseaux de communication autogérés : ainsi de certainsusages d'Internet et des télévisions locales. La domination culturellen'est jamais absolue, la déploration et la nostalgie se révèlentmauvaises conseillères. Le jeu de forces de la culture contemporainerestera encore longtemps ouvert.