Édition
Nouvelle parution
R. Pinget, Mahu reparle (inédit)

R. Pinget, Mahu reparle (inédit)

Publié le par Marc Escola

Mahu reparle
Robert Pinget


Paru le : 30/10/2009
Editeur : Editions des Cendres
ISBN : 978-2-86742-166-2
EAN : 9782867421662

Prix éditeur : 9,00€

Mahu reparle : il prend de nouveau la parole pour raconter des histoires déjà amorcées dans Le Fiston, Clope au dossier, L'Inquisitoire et Quelqu'un. Le retour de Mahu, narrateur de Mahu ou le matériau publié en 1952, marque la reprise d'un matériau romanesque comme celle d'une voix et d'une tonalité. La voix du personnage réapparaît comme revient, dans une sonate, la ligne mélodique, diversement modulée et néanmoins clairement reconnaissable. Le lecteur familier de l'univers pingétien s'y trouvera en terrain familier, reconnaissant des silhouettes et des lieux, retrouvant des intonations, des dérapages verbaux et des incidents drôles ou tragiques, qui font la singularité de l'univers de Pinget.

Ce texte conservé dans le fonds Robert Pinget de la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet a probablement été écrit dans les parages du Libera publié en 1968, et avant 1969 qui marque un tournant dans l'écriture de Pinget, avec la publication de Passacaille. Le manuscrit et les 22 feuillets qui forment le dactylogramme renseignent de manière précise sur le projet de Mahu reparle : une attention particulière à la ponctuation, des déplacements de fragments, caractérisent le passage du manuscrit à sa version tapuscrite, elle-même corrigée soigneusement – le personnage de Monsieur Songe y apparaissait. Tout donne à penser que Pinget a procédé par amplification à partir d'un noyau initial qui s'accroît et fait proliférer la fable en libérant peu à peu la parole de Mahu. La continuité du flux de la parole conditionne celle du récit ; le travail de l'écriture témoigne d'une grande attention portée à la respiration, au rythme d'une voix qui raconte et constitue par son regard naïf et dans sa langue précise et fautive à la fois le monde si particulier des fables de Pinget. La question du format est sans doute un élément essentiel pour comprendre pourquoi ce texte n'a pas été publié par Pinget : condensé miniature si on le compare à Quelqu'un et a fortiori à L'Inquisitoire, il est un roman en puissance. La relative brièveté y est encore très différente de celle qui caractérisera la série des Carnets de Monsieur Songe, du Harnais à Taches d'encre. Le quotidien le plus banal acquiert ici une densité rare. Mahu reparle et sa parole est décapante jusque dans ses failles et ses bégaiements. Il s'agit, selon toute probabilité d'un projet abandonné, dont nous disposons d'une esquisse remarquablement cohérente au point de constituer une sorte de nouvelle. La matière, proliférante et disséminée à l'extrême dans Mahu ou le matériau, se trouve resserrée ici sur une parole singulière et errante, dégagée de l'impitoyable logique comminatoire de L'inquisitoire, dépourvue des délimitations narratives strictes de Clope au dossier et de Quelqu'un, sans interlocuteur surtout, fût-il inaccessible comme dans Le Fiston, puisqu'on ignore en définitive à qui Mahu s'efforce de reparler.

Demeure la réussite indéniable de ce court texte, qui tient à sa qualité de précipité narratif des principales qualités des textes de Robert Pinget des années 1950 à 1968, de Mahu ou le matériau au Libera.