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Quelle place pour les objets dans les sciences du langage et les sciences de la communication ?

Quelle place pour les objets dans les sciences du langage et les sciences de la communication ?

Publié le par Pierre-Louis Fort (Source : Fred Dervin)

 GERFLINTAppel à articlesSynergies Pays Riverains de la Baltique,

Volume no. 9, 2012 (Revue internationale francophone indexée, avec comités de lecture et d'évaluation - principe du « blind peer review »)

http://www.gerflint.eu/publications/synergies-des-pays/synergies-pays-riverains-de-la-baltique.html

Date limite de réception des résumés (300 mots) : 1.4.2011

Quelle place pour les objets dans les sciences du langage et les sciences de la communication ?

Coordination : Fred Dervin, Marie-Anne Paveau

Argumentaire

Ce numéro propose de parcourir le champ encore inexploré en sciences du langage et sciences de la communication du rapport entre les discours et les objets. Nous parlons bien des objets matériels de notre univers, qu'ils soient naturels ou culturels (arbres ou bâtiments), quotidiens ou exceptionnels (carnet d'adresse ou médaille de légion d'honneur), sacrés ou profanes (ciboire ou couteau de boucher), émettant des sons ou silencieux (sirène ou tableau)…Les objets doivent être en effet considérés comme des contextes pour les discours, même si leur contribution à la formation et à la circulation des productions verbales ne se laisse pas saisir explicitement – ou peut-être pas du tout. La notion de contexte, largement travaillée en sciences du langage depuis un siècle, n'a pas encore été examinée du point de vue de la matérialité des objets, des techniques et de l'environnement, à l'exception de deux courants, qui n'ont cependant pas poursuivi leurs explorations dans ce domaine : la praxématique au moment où elle est définie dans les années 1970 et 1980 par R. Lafont, qui donnait une place de type anthropo-linguistique aux objets matériels (Lafont 1978, 1984) et le réseau « Langage et travail  », qui a par exemple pris en compte les artefacts discursifs du travail en usine (listes, tableaux, petits papiers, voir Borzeix, Fraenkel 2001) . On notera aussi que certains éléments « non-humains » (mais pas forcément des objets) ont été travaillés en linguistique : l'interaction humain-robots-machines (ex : le Traitement automatique du langage naturel ; cf. le numéro 42 (2010) de la revue Pragmatics mais aussi la revue Interacting with computers), la communication entre les animaux et l'Homme (ex : Lyn, Greenfield, Savage-Rumbaugh 2010) ou les interactions avec des formes virtuelles telles que les avatars dans les métaverses (ex : Palomares & Lee 2010). Ce sont surtout jusqu'à présent les philosophes (Kapp 2007, Simondon 1958, de Vries, 2007), les anthropologues et sociologues (Borzeix et al. 1998, Conein 2005, Lahlou 2000, Latour 1994, 1997, Livet 1994, Livet, Ogien 2000, Turkle 2007, 2008, Cerulo, 2009) et les psychologues sociaux et cognitifs (Brassac 2004, 2007, Sinha 2009) qui ont pris en compte le rôle des objets dans la construction de la vie sociale et culturelle, en particulier à partir du courant d'origine américaine de la cognition sociale (Gibson 1977, 1979, Norman 1988, Hutchins 1995). En sociologie dite de la traduction, la Théorie de l'Acteur-Réseau, proposée entre autres par Callon, (1986, 1987), Latour (1987, 1996, 2005) et Law (1987, 1992), place les objets au centre des travaux de recherche. Les objets sont ainsi considérés comme des actants (acteurs) qui selon Latour (1997) « can literally be anything provided it is granted to be the source of an action » (cf. l'étude de Dant 2004 qui illustre cette « méthode »). La cognition sociale dans ses différentes versions privilégie les interactions entre l'homme et son environnement au détriment volontaire des cadres internes à la conscience du paradigme cognitif dit « classique », afin de rendre compte de la manière dont les êtres humains élaborent les connaissances nécessaires à l'organisation de leur vie et à leur développement in situ. Les objets intéressent également les sémioticiens (Fontanille, Zinna (dir.) 2005), qui essaient de comprendre comment ils contribuent à la création du sens.Les propositions en analyse du discours de M.-A. Paveau autour des notions de « technologie discursive », d'« outil discursif » et d'« objet discursif » s'inspirent de ces travaux, en particulier de la théorie des affordances, pour proposer une description de la contribution des objets à la production des discours (Paveau 2007, 2009, 2010a et b). Les travaux de F. Dervin sur les « technologies numériques du soi » examinent les apports, entre autres, des podcasts et des médias sociaux dans les co-constructions identitaires en ligne (Dervin & Abbas 2009).Nous souhaitons approfondir cette question dans ce numéro en présentant des approches théoriques, méthodologiques et pratiques de l'articulation entre les discours et les objets, approches qui tenteront de répondre aux questions suivantes : – quels sont les objets qui contribuent à la production du discours ? Mais aussi quelle(s) combinaison(s) d'objets participe(nt) au discours ?– ont-ils des caractéristiques particulières ou tout objet peut-il être un contributeur cognitivo-discursif ? – quel est le mode matériel de leur rapport avec le discours (objets porteurs d'écrits, de voix/sons ou non, objets explicitement destinés à fabriquer du discours ou non) ? – de quelle nature est cette contribution des objets, qui prescrivent par exemple des genres de discours (cas du césar, molière ou autre récompense ou décoration qui contraint un genre épidictique ou un remerciement), des formes graphiques (cas du monument aux morts qui implique la forme verticale de la liste), des contraintes interactionnelles (cas du briquet ou du verre qui en contexte mondain pèse sur les formes de l'échange ; téléphone portable), des formes de mémoire discursive (cas de la photo de famille qui constitue une sorte de déclencheur discursif narratif et mémoriel) ?Les propositions proposeront par exemple :– une réflexion sur les apports des théories en sociologie cognitive aux sciences du langage pour traiter cette question, en particulier le cadre de la cognition distribuée (Hutchins 1994), la théorie américaine des affordances de Gibson, et la théorie française des attracteurs cognitifs de S. Lahlou (2000) ; – des propositions théoriques pour construire l'objet, le corpus et les observables nécessaires à l'analyse linguistique, afin de décrire et définir ce qui apparaît comme une véritable technologie discursive (Paveau 2006, 2007, 2009, 2010a et b) ;– des études de cas permettant de nourrir la réflexion et d'ouvrir la discussion : statut thématique de certains objets qui complètent de manière extra-linguistique le rhème formulé linguistiquement ; formes de circulation clandestine des discours via certains objets-cachettes ; rôle et fonction de certains artefacts dans la construction discursive (le cas du dictionnaire dans sa matérialité), constructions identitaires par/avec les objets, etc.

*****Les auteurs sont priés de faire parvenir un résumé de 300/350 mots (bibliographie exclue) aux deux coordinateurs (freder@utu.fi et ma.paveau@orange.fr) pour le 1er avril 2011.

La date limite de réception des articles après évaluation des résumés est fixée au 1er septembre 2011. Les articles seront évalués par les comités scientifique et de lecture de la revue.

La sortie du numéro est prévue au printemps 2012.

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