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Appels à contributions
« Quand finit le XXe siècle ? », Revue ELFe XX-XXI

« Quand finit le XXe siècle ? », Revue ELFe XX-XXI

Publié le par Natalie Maroun (Source : Sabrina Parent)

Appel à contribution
« Quand finit le XXe siècle ? », Revue ELFe XX-XXI
Date limite : 28 janvier 2011

À l'orée du XXIe siècle, le deuxième numéro de la revue ELFe XX-XXI (publication annuelle de la Société d'Étude de la littérature du XXe siècle, SELF XX, avec comité de lecture) se propose d'explorer les divers sens que peut revêtir la notion de « fin du XXe siècle » pour des champs d'études et de recherches aussi variés que l'histoire, la philosophie, la sociologie, la littérature, et au sein de cette dernière, la poésie, le roman, le théâtre, etc. À partir d'un événement symbolique pour leur domaine de spécialisation, dans la mesure où cet événement marque un tournant crucial, les collaborateurs du numéro sont invités à mener une réflexion sur l'évolution du champ concerné. En d'autres termes, la question qui se pose est celle de savoir comment un événement, temporellement déterminé (fin du XXe siècle) et retentissant pour un domaine particulier, peut indiquer la fin d'une perspective, l'achèvement d'un certain mode de penser, d'agir ou d'écrire. Les contributions se focaliseront donc bien sur le « quand finit » avec un regard rétrospectif, en forme de bilan, sur la période ou le siècle qui se clôt. Seront également bienvenues les propositions qui associeraient la littérature et d'autres arts, l'analyse littéraire et d'autres disciplines ainsi que celles orientées vers les pratiques littéraires, les transformations des conditions et des voies de la littérature à la fin du XXe. Les différentes contributions pourront s'attacher aux domaines et aspects suivants (la date du 11 septembre 2001 n'est qu'indicative et la liste non exhaustive):

Quand finit le XXe siècle ? La date du 11 septembre 2001 vient tout de suite à l'esprit ; catastrophe spectaculaire et mondiale, vécue en direct sur les écrans du média qu'a développé le siècle, anéantissement du symbole le plus hardi de la modernité par un retour stupéfiant de la barbarie. Les tours jumelles semblaient bien relayer la bergère-Tour Eiffel d'Apollinaire, mais voici que cette poésie ne chante plus, et que la prose des journaux énonce l'horreur. De quoi se souvenir qu'elle avait déjà occupé le centre de ce siècle dont une guerre – « jolie » ? ‑ avait constitué le lever de rideau. Allait commencer la longue série des romans ressassant ces malheurs, et en 2006, c'est encore un roman consacré à cette tragédie, Les Bienveillantes de Jonathan Littell, qui allait apparaître, dans le domaine de la littérature française, comme un des premiers grands livres du XXIe siècle.
Après une période d'euphorie, liée au secteur de l'immatériel dans l'économie et à l'orientation d'une épargne excédentaire, celle de la génération d'après guerre, qui songe à sa retraite, la bourse s'effondre en 2000 (explosion de la bulle Internet). Les valeurs boursières perdent plus de 60% en trois ans. La spéculation sur les nouvelles technologies, les effets d'une « nouvelle économie », l'entrée sur le marché de « start up », les rachats et investissements au-delà des capacités de financement, tout portait à croire à une nouvelle civilisation, à de nouvelles sources de richesses et à une nouvelle ère de communication. Les valeurs traditionnelles du capitalisme d'entreprise s'effondrent pour laisser la place à un capitalisme financier. Huit ans plus tard, la « bulle de l'immobilier » entraînera un second krach...
Mais c'est aussi en 2001 que paraissait Le Tramway de Claude Simon, dernier livre d'un romancier dont une grande partie de l'oeuvre avait consisté à interroger ce qui lui était arrivé en 1940 sur une Route des Flandres, et qui avait réussi avec cela à intéresser suffisamment le monde pour obtenir le Prix Nobel. Cette même année mourait son éditeur, Jérôme Lindon, qui avait hébergé aux Éditions de Minuit sous l'étiquette de « Nouveau roman » une remise en question majeure des pratiques narratives, reprise et continuation des questions qu'avaient déjà posées l'oeuvre de Proust, Les Faux Monnayeurs de Gide, et les réflexions de Sartre sur l'imposture que constituait l'omniscience du romancier.
On en aurait presque oublié que les Éditions de Minuit devaient leur nom à une tout autre circonstance : la clandestinité dans laquelle avait été publié sous l'occupation, en 1943, le recueil collectif de résistance intitulé L'Honneur des poètes, préfacé par Paul Éluard, auquel avaient collaboré tous ceux qui allaient compter dans la poésie de la seconde moitié du siècle, et qui s'effaçaient l'un après l'autre dans sa dernière décennie : André Frénaud (1993), Jean Tardieu (1995), Eugène Guillevic (1997). Yves Bonnefoy était trop jeune pour en faire partie, mais son recueil Les Planches courbes, publié en 2001, apparaît un peu comme le chant du cygne de ces poètes que Jean-Claude Pinson a rassemblés dans l'habitation poétique du monde.
En 2001 encore meurt Léopold Sédar Senghor, dont le nom évoque tout le tumulte qui a entouré la décolonisation au XXe siècle : la fin de l'aveuglement condescendant et de l'exotisme esthétisant du siècle précédent, la dénonciation de l'oppression économique et idéologique, les valeurs de la négritude, l'émergence d'une littérature qui dans un même mouvement dénonce et s'agrège à l'ensemble déconcertant de la francophonie.
Un autre mort, sur le mode mineur, la même année : Charles Trenet est le dernier des chanteurs-poètes qui ont marqué toute la deuxième moitié du XXe siècle. Les noms les plus célèbres sont Georges Brassens, Jacques Brel, Léo Ferré, mais il y en eut beaucoup d'autres, ils eurent des émissions à la radio, telles celles de Luc Bérimont, et certains poètes qualifiés tels qu'Aragon, Queneau, Prévert n'hésitèrent pas à leur prêter leurs paroles, voire, tel Boris Vian, à se faire un nom dans les cabarets. Le XXe siècle a d'ailleurs été celui des noces des ondes et la littérature : qu'on songe au cas de Jean Tardieu, animant à partir des années 40 Le Club d'Essai de la RTF, et ne le quittant qu'au moment où il devient France-Musique ; et qu'on considère l'événement culturel et le formidable moteur de diffusion du livre qu'a été l'émission Apostrophes de Bernard Pivot : 2001 voit la dernière de Bouillon de culture, qui lui a succédé.
C'est encore en 2001 que meurt Jean Bazaine, un des peintres les plus éminents de ce groupe informel qui, grâce à l'activité du mécène Aimé Maeght, entretint avec la littérature une effervescence qui relayait la fusion des arts voulue par les surréalistes. À l'occasion des quarante ans de la fondation Maegth à Saint-Paul-de-Vence, une rétrospective intitulée De l'écriture à la peinture a été organisée, et le bilan est éblouissant : Alechinski, Bazaine, Ernst, Estève, Fautrier, Giacometti, Picasso, Ubac pour les peintres, Cioran, Du Bouchet, Dupin, Bonnefoy, Esteban, Butor, Frénaud, Char, Tardieu, Ponge pour les écrivains, on regrette de ne pouvoir citer que quelques noms.
Le théâtre est le seul genre littéraire à avoir immédiatement pris en compte le 11 septembre, avec la pièce aussitôt écrite par Michel Vinaver 11 septembre 2001/11 septembre 2001 (elle sera créée au Festival d'Avignon en 2003). Mais l'auteur lui-même en est aux bilans : il vient de publier en 2000 la nouvelle édition complétée de ses Écrits sur le théâtre. Il est un représentant de ce qu'on a appelé le théâtre du quotidien, après le théâtre de l'absurde, qui se trouve décimé dans les dernières années du siècle par la mort prématurée de ses auteurs les plus brillants : Bernard-Marie Koltès (1989), Jean-Luc Lagarce (1995). La mauvaise santé du théâtre à texte est un constat répandu. Faut-il voir un symbole dans le fait que le Théâtre du Soleil d'Ariane Mnouchkine monte pour le dernière fois en 1999 un texte d'auteur, Tambour sur la digue d'Hélène Cixous, et qu'il se consacrera ensuite aux créations collectives?
Et les intellectuels ? Roland Barthes a proclamé la mort du grand écrivain, celui qui, selon sa définition, dit ce qu'il sait. Sartre est mort en 1980, provoquant sans doute le dernier grand cortège suscité par un événement de ce type, et Aragon l'a suivi deux ans plus tard. Mais c'est justement à partir de ces années 80 que s'est développée dans les universités américaines avec grand succès ce qu'on a appelé la French theory, appuyée sur l'étude de Michel Foucault, Jacques Lacan, Jacques Derrida, Louis Althusser, Gilles Deleuze, Jean Baudrillard, Jean François Lyotard. La cohérence conceptuelle n'était évidemment pas la vertu première de tels assemblages, qui ont d'ailleurs été dénoncés à la fin du siècle par Alan Sokal et Jean Bricmont, notamment dans un livre intitulé Impostures intellectuelles (1997 et 1999). De fait, un ensemble aussi hétérogène ne pouvait se développer en France, la plupart de ces auteurs étaient morts dans la seconde moitié du XXe siècle, Jacques Derrida et Jean Baudrillard fermant la marche en 2004 et 2007. Il reste que si de tels engouements peuvent faire sourire, le début du XXIe siècle apparaît peu susceptible de produire des intellectuels de cette stature.

Merci de bien vouloir adresser vos propositions (300 mots) accompagnées d'une courte notice bio-bibliographique, avant le 28 janvier 2011, à bruno.curatolo@wanadoo.fr, jean-yves.debreuille@univ-lyon2.fr, sabrina.parent@gmail.com ou michele.touret@wanadoo.fr

Le Comité de coordination d'ELFe 2: Bruno Curatolo, Jean-Yves Debreuille, Sabrina Parent, Michèle Touret