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Prévost et les débats d’idées de son temps

Prévost et les débats d’idées de son temps

Publié le par Amandine Mussou (Source : Équipe CERR-CERCLL)

Prévost et les débats d’idées de son temps

Colloque organisé par le Centre d’Études du Roman et du Romanesque

(CERR/CERCLL) de l’Université de Picardie Jules Verne

Les 14-15 novembre 2012.

 

La biographie de Jean Sgard a donné l'ampleur des lieux, géographiques ou intellectuels, que parcourut Antoine Prévost, cet « être ambulant » dont Soalhat de Mainvilliers fit dans une comédie de 1752 l'un des huit « philosophes aventuriers de ce siècle » et qui se dota lui-même du pseudonyme « d’Exiles ». Formé jusqu'aux classes de philosophie dans la grande tradition jésuite puis bénédictine, il put confronter ce savoir classique à des idées nouvelles lors de ses voyages en Angleterre et en Hollande ; rentré en France, il devint une figure appréciée des salons et autres « cercles savants ». Son goût pour le débat intellectuel transparaît dans ses romans lorsqu'il fait dialoguer ses personnages avec des figures marquantes de la littérature ou de la philosophie : Racine et Boileau discutant réforme littéraire avec Rosambert, Descartes marquant de « l'empressement » à répondre aux lettres de Cleveland...

La carrière littéraire de Prévost va de la publication de Pomponius en 1724 jusqu'en 1763, date où il meurt en laissant Le Monde moral inachevé. Elle englobe une oeuvre tout aussi voyageuse dans sa diversité générique, à la fois romanesque, historique, mais aussi géographique, traductrice et journalistique. Et c'est l'ancrage, voire l'implication de cette oeuvre plurielle dans l'histoire de la pensée qui mobilisera notre attention.

Nous voudrions en effet consacrer ce colloque à la façon dont les textes de Prévost s'articulent aux idées de son temps. Précisons d’emblée que l’expression « débats d’idées » ne se réduit pas aux débats philosophiques, mais que nous entendons par là toute discussion mettant en jeu des discours ou représentations issus des champs philosophiques, moralistes, scientifiques, critiques ou artistiques (étant entendu que ces distinctions sont elles-mêmes forcées au sujet du XVIIIe siècle). Sans nous réduire à la question des sources et refusant la conception d’une littérature qui ne ferait que refléter des idées contemporaines, nous voudrions voir selon quelles modalités les textes de Prévost entrent en résonance avec les débats de son époque ou s’en font le laboratoire.

La critique de ces dernières années s'est particulièrement intéressée à la dimension narratologique et poétologique de l'oeuvre de Prévost (Érik Leborgne et Jean-Paul Sermain (dir.), Les Expériences romanesques de Prévost après 1740, Louvain, Paris, Peeters, 2003 ; Alexandre Duquaire, Les Illusions perdues du roman : l’abbé Prévost à l’épreuve du romanesque, Amsterdam, Rodopi, 2006), y compris sur Le Pour et le contre (Jan Herman et Paul Pelckmans (dir.), Prévost et le récit bref, Amsterdam, Rodopi, 2006). Si Cleveland a été récemment l'objet d'une investigation plus large (Christophe Martin, Éducations négatives : fictions d'expérimentation pédagogique au dix-huitième siècle, Paris, Classiques Garnier, 2011 ; Colas Duflo, Florence Magnot et Franck Salaün (dir.), Lectures de Cleveland, Louvain, Paris, Peeters, 2010 ; Érik Leborgne, Figures de l’imaginaire dans le Cleveland de Prévost, Paris, Desjonquères, 2006 ; Jean-Paul Sermain (dir.), Cleveland de Prévost : l’épopée du XVIIIe siècle, Paris, Desjonquères, 2006 ; Paul Pelckmans, Cleveland ou l’impossible proximité, Amsterdam, Rodopi, 2002), il semble qu'il faille convoquer les travaux d’Alan J. Singerman (L’Abbé Prévost : l’amour et la morale, Genève, Droz, 1987) et Jean Deprun (La Philosophie de l’inquiétude en France au XVIIIe siècle, Paris, Vrin, 1979) sur l'influence augustinienne et malebranchienne, les colloques de Nottingham (Richard A. Francis et Jean Mainil (dir.), L’Abbé Prévost au tournant du siècle, actes du colloque tenu en septembre 1997 à l’Université de Nottingham, Oxford, Voltaire Foundation, 2000) et d'Aix (L'Abbé Prévost : actes du colloque d'Aix-en-Provence, tenu en décembre 1963 à l’Université d'Aix, Aix-en-Provence, Ophrys, 1970) ainsi que les recherches de Marie-Rose de Labriolle (Le Pour et Contre et son temps, Genève, Institut et Musée Voltaire Les délices, 1965), pour trouver des actes ou des ouvrages qui explorent dans leur ensemble, à l'instar du fondateur Prévost romancier (Jean Sgard, Prévost romancier, Paris, José Corti, 1989 [rééd.]), les implications contextuelles de l'oeuvre de Prévost. 

Les contributions pourront questionner un ou plusieurs des axes suivants.

  • En s'intéressant aux ressources heuristiques offertes par un genre précis, ou en suivant un objet de pensée dans les différents genres – même si le romanesque constitue l'objet privilégié de notre équipe de recherche –, on pourra s'attacher à un débat d'idées en particulier : philosophique (cartésianisme, malebranchisme, empirisme, matérialisme...), moral (libertinage, définitions du bonheur, de la vertu, de la nature humaine), théologique ou religieux (entre Jésuites, Jansénistes ou déistes), culturel et esthétique (querelle des Anciens et des Modernes, querelle du roman...), politique (réflexions sur l’absolutisme, question jacobite), social (place des femmes, valeurs nobiliaires), pédagogique (dans une filiation qui élude souvent Prévost entre Fénelon et Rousseau), scientifique (Newton...), etc.
  • On pourra également se demander dans quelle mesure il est pertinent de parler de « romans philosophiques » à propos des romans de Prévost, ou plutôt envisager, ainsi que le fit Vincent Descombes à propos de La Recherche du temps perdu (dans Proust : philosophe du roman, Paris, Éditions de Minuit, 1987) la possibilité d’une « philosophie du roman » chez Prévost.
  • Si Prévost ne s'est jamais associé au « groupe des Lumières » tel qu'il s'est constitué autour des encyclopédistes, il a convoqué dans ses romans nombre de thèmes connexes, qu'il s'agisse de la critique du despotisme, (point de dialogue avec les Lettres Persanes, parues au tout début de sa carrière) ou du traitement ambigu du catholicisme. Nous voudrions ainsi réfléchir à la façon dont l'oeuvre de Prévost s'articule à un mouvement qui prendra plus tard le nom générique de « Lumières ».
  • Passeur de culture, Prévost a partagé avec les auteurs des Lumières une passion pour le voyage, envisagé autant comme motif littéraire que comme enjeu éthique. On pourra s'intéresser à son rôle dans la circulation des idées européennes, en particulier autour de la matière anglaise, et à la façon dont les idées venues de pays voisins entrent en tension avec le champ des idées reçues de son lectorat.
  • Enfin, l'oeuvre de Prévost, qui a elle-même fait débat, peut s'envisager sous un angle polémique (Bougeant, Desfontaines). Dépassant le simple moment contextuel, ce débat influe directement sur la constitution diachronique de l'oeuvre, si l'on replace les différentes stratégies préfacielles et paratextuelles dans un système de réponses aux contemporains.

Le colloque se tiendra les 14 et 15 novembre 2012 à l’Université de Picardie - Jules Verne et sera suivi d’une publication.

Les propositions de communication (titre et résumé) sont à envoyer avant le 20 juillet à l’adresse colloqueprevost@gmail.com.

Organisation :

Coralie Bournonville

Colas Duflo

Audrey Faulot

Sergine Pelvilain