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Pratiques linguistiques et urbanité au Cameroun : constructions – complexités – contextualisations

Pratiques linguistiques et urbanité au Cameroun : constructions – complexités – contextualisations

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Feussi Valentin)

APPEL À CONTRIBUTIONS POUR UNOUVRAGE COLLECTIF

Pratiqueslinguistiques et urbanité au Cameroun : constructions – complexités –contextualisations

DepuisLabov (1976), la variation en linguistique ne renvoie plus seulement à des« trivial matters », mais à des « matters on concern »(Latour, 2006), ce qui suppose des choix conscients et assumés / revendiquésdes différents acteurs sociaux dans leurs rapports aux langues. L'analyse desreprésentations à travers des discours épilinguistiques ainsi que des pratiquesobservables et contextualisées va ainsi devenir un focal des réflexions. Onassiste alors à la naissance d'une autre manière de faire de la linguistique,qui ne se contente pas seulement des descriptions structurales amorphes etasséchantes. Mais des analyses contextualisées découlant des pratiques socialesréelles de type interactionnel ou de type constructiviste (analysesethno-sociolinguistiques ou bien altéro-réflexives) qui visent toutes àdévelopper une véritable ethnographie de la communication.

Les« descriptions » des langues sur des terrains urbains en Afriquevont, jusqu'à un certain point seulement, suivre cette dynamique. Un desdomaines les plus actifs a été la description « du » français, etplus récemment encore, des « parlers (des) jeunes ». Depuis lestravaux salutaires de l'IFA (et IFACAM), presque toutes les descriptions despratiques linguistiques dans des lieux et espaces de ville s'évertuent àadopter l'approche différentielle, en mettant en valeur emprunts,interférences, calques, etc. bref des phénomènes qui permettent de considérerla langue (le français par exemple) standard comme la référence. Ce choix etles modélisations subséquentes ont pour incidence de minorer les pratiques deslangues dans une Afrique par essence plurilingue, et plus particulièrement dansles lieux les plus dynamiques que sont les villes. On est d'ailleurs sansignorer l'intérêt de plus en plus croissant d'une sociolinguistique diteurbaine héritière de la théorie sociologique de la ville comme « laboratoiresocial » de l'Ecole de Chicago (Grafmeyer, 1992) où la ville est à la foisun terrain de (dé)construction de pratiques complexes et un objet derecherche.

La ville en effet est, pour la recherche linguistiqueen Afrique, un terrain assez contemporain, allant de paire avec le passage,comme l'a écrit P. Renaud (1998), d'une linguistique en Afrique (appliquantà la situation linguistique africaine des méthodologies et des approchesconstruites en contexte occidental, et qui, pour schématiser, s'est avant toutattaché à tracer des frontières entre systèmes linguistiques, nommés langues, àles décrire chacun de manière autonome et à les cartographier) à unelinguistique de l'Afrique (substituant à une catégorisation exogène unecatégorisation endogène, et prenant en compte l'hétérogénéité linguistiquecomme étant constitutive de la pratique langagière en Afrique). Lieu del'hétérogène et de la mise en présence de langues différentes, la villeafricaine est le terrain privilégié pour observer des pratiques langagièresplurilingues quotidiennes, notamment à travers l'observation de pratiquessociales et de pratiques de l'espace, qui impliquent rencontres, traversées,passages d'un quartier à l'autre (Juillard, 1995) (Dorier-Aprill et Van DenAvenne, 2002).

Celasuscite en même temps des questionnements : pourquoi continuer deconsidérer comme modèle par exemple un français défini et conçu par deschercheurs (dont la plupart sont en situation d'insécurité linguistique) commeun fantasme (Robillard, 2003) ? Cette norme (qu'on pourrait présentercomme « écrite » et manifestée à travers les livres de grammaire) estsurtout une connaissance des spécialistes (du français). La considérer commesupérieure reviendrait de facto àplacer leurs détenteurs sur un piédestal différent, parce que supérieur, decelui des autres acteurs de la société. Pourquoi stabiliser la variation ensupposant qu'elle ne s'opère que sur le plan des formes linguistiques ?L'urgence est donc pressante de concevoir les « faits » de langues etpartant, de faire la (socio)linguistique autrementsur le terrain Cameroun dont la spécificité exige de nouvelles compétences.

Cetappel à contributions voudrait inviter les chercheurs à interroger leursreprésentations vécues ou senties, leurs expériences aux langues et cultures auCameroun, à réfléchir sur les représentations sociales et linguistiques dedifférents acteurs sociaux à travers différents discours épilinguistiques(locuteurs, politiques et chercheurs) dans le respect d'une dynamique fondée surdes perspectives constructivistes. Une attention particulière sera attachée àla variabilité des critères d'identification des (variétés de) langues (formes,choix identitaires, motifs pragmatiques entre autres), moyen de montrer que lacommunication n'est pas l'unique rôle de la langue. En observant les pratiquesde la société, on se rend parfois compte que tout procède d'un(dés)ordre apparent et qu'aucune forme ne saurait être donnée commestable, figée ou décontextualisée. Si l'on veut donc avoir une idée de ladynamique des (variétés de) langues au Cameroun, il faudrait absolumentcontextualiser les pratiques linguistiques, surtout quand celles-ci émanent des« terrains » urbains où les acteurs sont par essence plurilingues etpluriculturels.

Les propositions decontributions devront s'intéresser aux axes suivants :

Théorie et épistémologie : Décrire, comprendre une (variété de) langue : comment procéder ? Cet axe devra être le fondement de l'ensemble des analyses de l'ouvrage. Quels modèles articuler pour décrire / comprendre / agir (dans et avec) les langues en contexte plurilingue ? Comment mettre en lien différents angles de perception des (variétés de) langues ? On questionnera alors des modèles théoriques qui permettront de comprendre ce qu'est une (variété de) langue dans un contexte plurilingue. Dans la même logique, on inscrira les langues dans un ensemble social plus global qui considère parfois individu et société comme une entité unique. Dès lors, l'espace de vie et les langues « pratiquées » apparaîtront comme des manifestations des différentes représentations d'acteurs sociaux à travers leurs gestions complexes de l'altérité.

Pratiques (socio)linguistiques : Descriptions des (variétés de) langues et des situations linguistiques. On verra ici comment croiser des méthodes d'analyse structurale et des constructions empiriques, à travers des modèles qui permettent de comprendre la dynamique (in)stabilisée des « langues », qui seront à la fois des usages de scientifiques et de locuteurs ordinaires. On comprendra en dernier ressort que la variation existe aussi à l'intérieur d'une même « langue ».

Représentations et marquage spatio-linguistiques (rapports aux langues et aux espaces) : Langues, identités, urbanité : des pratiques circulantes. Il sera question d'une part, d'interroger la complexité des constructions langagières en rapport avec la culture dite urbaine. Un rapprochement entre la géographie sociale et la (socio)linguistique (urbaine) permettrait de comprendre le poids des discours dans la gestion, l'administration et la construction linguistique des espaces et des identités urbains, en rapport notamment avec le marquage (identitaire, signalétique ou langagier) de l'espace et des « lieux de ville » (leur mise en mots), les discriminations, les ségrégations et la mobilité spatio-linguistiques. D'autre part, il sera question d'étudier la façon dont les représentations linguistiques et leur verbalisation par des groupes sociaux différents (discours épilinguistiques) sont territorialisées et contribuent à la mise en mots de l'identité urbaine (Bulot et Tsekos, 1999) comme garants de la mémoire sociolinguistique de la ville.

Lesobservables (dont on indiquera avec soin les mécanismes de production) viendrontdu discours littéraire, du discours ordinaire, bref de toutes les interactionssusceptibles de mettre en avant la dynamique de construction, d'occultation oud'individuation desdites productions.

Modalitésde soumission

Lesrésumés des contributions (1 page maximum) devront parvenir en versionnumérique par courriel à Valentin FEUSSI (valfeussi@yahoo.fr)et à Jean-Benoît TSOFACK (tsofackb@yahoo.fr) au plus tard le 30 juin2009.

31 juillet2009 : date deréponse pour acceptation de la proposition de contribution.

Publication.

30 octobre 2009 : date limite d'envoi des versions définitives des contributions, quiseront publiées par L'Harmattan dansla collection Espaces Discursifs.