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Pouvoirs du titre. Genèse et enjeux de l'intitulation artistique à l'époque contemporaine (XIXe-XXIe siècles)

Pouvoirs du titre. Genèse et enjeux de l'intitulation artistique à l'époque contemporaine (XIXe-XXIe siècles)

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Bibiane Fréché)

Lieux et dates: 11-12 mai 2012 à Bruxelles et 11-12 mars 2013 à Clermont-Ferrand 

Argumentaire:

L'oeuvre  n'acquiert sa pleine identité que par la magie du nom qui lui est donné. De quel ascendant le titre est-il détenteur dans la création artistique ? On cherchera à répondre à cette question à travers, d'une part, une réflexion menée à partir de René Magritte et du Surréalisme et, d'autre part, une exploration plus transversale qui privilégie le croisement entre les corpus, les méthodes et les interprétations en interrogeant des historiens de l'art, des artistes, des historiens de la littérature, et des musicologues.

Qu'est-ce que nommer une oeuvre ? Comment définir un titre surréaliste ? En quoi les titres de Magritte inaugurent-ils un nouveau processus d'intitulation ? En quoi le fait de donner un titre modifie le geste créateur, selon quel processus ? Jusqu'à quel point les mots conduisent-ils à transformer les formes ? Comment Magritte joue-t-il de la tension entre similitude, ressemblance ou dissociation entre les mots et les images ?

Le cas de René Magritte est emblématique de la présence insistante de l'univers textuel à l'intérieur même de l'univers visuel qui permet d'interroger avec un regard nouveau la relation du titre à l'écriture. Une telle perspective trouve naturellement sa place dans une approche qui renouvelle la connaissance des oeuvres artistiques à la lumière des notes autographes d'artistes, d'écrivains et de musiciens en déplaçant l'analyse de l'oeuvre vers sa genèse, de la forme définitive vers le processus. L'intitulation embrasse l'ensemble du parcours créatif, depuis les premiers moments de la genèse jusqu'à la réception de l'oeuvre.

L'ouverture récente du Musée Magritte permet de réévaluer l'importance des écrits de Magritte (lettre, tract, interview, aphorisme, scénario, écriture collective, etc.) et des documents de travail (agenda, carnets d'atelier, carnet de voyage, album de croquis, portfolio, liasse de brouillon, etc.) dans la genèse de ses oeuvres et des titres qui leur sont associés. Magritte n'envisage-t-il pas le genre de la correspondance comme des archives de la création propice à l'élaboration des titres par un jeu d'échange de lettres avec des écrivains ? Aux missives accompagnées de croquis et d'esquisses de travaux en cours répondent des titres suggérés par ses correspondants. Mais Magritte s'empare aussi de l'écriture des intitulés qu'il modifie fréquemment. Quels sont les enjeux de métamorphoses telles que L'Expérience du Miracle en Découverte ou bien L'Esprit de la géométrie en Maternité ?

Il s'agit d'envisager une réévaluation des rapports de Magritte au Surréalisme (des comparaisons avec Max Ernst, Joan Miró, Roberto Matta seront bienvenues) par le biais du phénomène d'intitulation dans une perspective diachronique du mouvement qui s'étend des peintres symbolistes aux pratiques les plus contemporaines de la production artistique. Penser le lien de Magritte au processus d'écriture implique une enquête des pratiques collectives du titrage notamment avec ses amis écrivains et poètes (Louis Scutenaire, Marcel Lecomte, Paul Nougé, Paul Colinet, E.L.T. Mesens). Mais l'univers livresque est aussi pour l'artiste une bibliothèque d'images mentales où se croisent Stevenson, Conrad, Jules Verne, Verhaeren, Maeterlinck, Lautréamont, Mallarmé. 

Le fonds du musée devrait aussi être l'occasion de repenser la relation que Magritte entretient à une véritable réflexion sur l'intitulation. Avec dérision, Marcel Duchamp considère que le titre est « une couleur invisible », tandis que Jean Dubuffet en fait un acte central de la création : « la fonction de l'artiste consiste, autant qu'à créer des images, à les nommer ». Magritte, lui, pointe les enjeux théoriques de la nomination : « Le titre entretient avec les figures peintes le même rapport que ces figures entre elles. Les figures sont réunies dans un ordre qui évoque le mystère. Le titre est réuni à l'image peinte selon le même ordre ». Mais il nous met en garde : « Les titres de tableaux ne correspondent pas aux noms des objets dont il est question dans l'image peinte ou le poème. Appeler Arbre l'image d'un arbre est une erreur, une "confusion sur la personne", puisque l'image d'un arbre n'est pas assurément un arbre. L'image est séparée de ce qu'elle montre ». 

Cette approche sera prolongée par une mise en perspective comparatiste entre les arts. Il s'agira de donner une profondeur de champ à la question des relations entre écriture, peinture et musique par les « traces » de la création des titres.  Cette dimension interdisciplinaire, qui sera développée lors de la deuxième phase du colloque à Clermont-Ferrand, a pour projet d'établir une cartographie du phénomène de l'intitulation.

Les artistes, les écrivains et les musiciens s'emparent des mots et du langage pour donner un nom à leur travail c'est-à-dire pour l'expliciter ou, au contraire, pour souligner sa valeur énigmatique et parfois pour en faire la substance même de l'oeuvre. Ce phénomène touche pratiquement tous les domaines de la création plastique de notre temps mais s'avère particulièrement lisible dans certains mouvements de création avec des singularités et des conséquences parfois très contrastées, comme dans l'Art brut, dans l'Art conceptuel ou dans la musique (Erik Satie par exemple) ou encore dans une tendance assez large des arts plastiques qui font de l'écriture et du signe l'enjeu d'un questionnement strictement plastique. Cette présence insistante de l'univers textuel à l'intérieur même de l'univers plastique et musical permet d'interroger avec un regard nouveau la relation du titre à l'écrit. 

Cette présence du texte à travers le titre se joue aussi dans ce qui pourrait apparaître comme une absence au XXe siècle qui voit apparaître la forme singulière du « sans titre ». On peut tenter de comprendre comment cette forme accompagne le processus d'abstraction, comme une manière de se débarrasser de la figure ou d'un possible de l'interprétation mais aussi comment, dans l'art d'aujourd'hui, elle perdure. La présence de titre ou son absence peuvent constituer la marque à des champs d'appartenance, une manière de se situer dans le champ historique notamment dans le cadre de la post-modernité. 

A cette forme d'absence de titre est venue s'ajouter, celle des titres sériels, de numérotations, d'inventaire ou encore d'archivage qui ne font pas texte au sens premier mais qui font sens. Le titre comme temps comptable inscrit l'oeuvre dans une durée, dans une temporalité.

Ces formes contemporaines du titre ne sont pas une absence de titre mais ses nouvelles formes qui vont changer les points de vue sur l'oeuvre et sur ce texte singulier.

Dans la continuité d'autres journées d'études et colloques, récents ou à venir, comme La fabrique du titre (2007-2008) Les lettres d'artistes ou l'art des correspondances (Namur, Musée Rops, 27-28 octobre 2011) le présent colloque se propose de poursuivre le questionnement en conviant des spécialistes issus de différentes disciplines et des acteurs institutionnels à confronter leurs points de vue et leurs approches sur cet objet problématique. 

Ce colloque vise à examiner l'ampleur et la diversité du phénomène de l'intitulation à partir des thématiques suivantes : 

  • Ceci n'est pas une pipe : un texte fondateur et ses enjeux
  • Rupture et continuité dans l'histoire de l'intitulation : de l'époque symboliste (Gauguin, Redon, etc.) à l'époque surréaliste (Max Ernst, Joan Miró, Roberto Matta, Marcel Duchamp, etc.) 
  • Les artistes actuels face aux titres de Magritte 
  • Détournement, récupération et usage publicitaire dans les titres de Magritte
  • Intitulation et art en Belgique
  • Jeux de mots, jeux avec les mots
  • Psychanalyse, lapsus, mots d'esprit, travail du rêve
  • La relation entre les titres, les images et les mots 
  • Matérialité du titre (carnet d'atelier, document de travail, partition, etc.)
  • Images visuelles du titre (le titre peint)
  • Titres autographes, allographes et collectifs
  • Les faux-titres et les titres fictifs (processus de transposition, de transformations et de réappropriations d'un domaine de création à l'autre)
  • Métamorphose du titre (censure, autocensure)
  • La question du « sans-titre »
  • Titres et sérialité
  • Le titre comme oeuvre
  • Le titre comme forme littéraire, l'artiste comme écrivain 


Chaque proposition de communication comprendra les éléments suivants :  

  • Nom et prénom
  • Affiliation institutionnelle
  • Bio-bibliographie (au maximum 700 caractères, espaces compris)
  • Adresse postale, téléphone et adresse électronique 
  • Titre proposé de la communication 
  • Résumé, de 500 à 800 mots maximum, qui précise le sujet, les objectifs de la communication et la méthodologie employée 
  • Bibliographie sélective et sources utilisées y compris les archives. 

Les dossiers devront être envoyés pour le 24 octobre 2011 au plus tard en fichiers joints (format WORD) aux adresses suivantes :

  • lbrognie@ulb.ac.be 
  • marianne.jakobi@free.fr 
  • mlepage@esacm.fr 

En fonction des propositions, les communications se tiendront à Bruxelles, du 11 au 12 mai 2012 (aux Musées Royaux des Beaux-Arts, en parallèle à l'exposition Surréalisme), ou à Clermont-Ferrand, du 11 au 12 mars 2013. Pour Bruxelles, nous privilégierons les interventions sur Magritte, le surréalisme et l'art belge, et, pour Clermont-Ferrand, les interventions sur l'art des années 1960 à nos jours et celles susceptibles de s'inscrire dans la perspective interdisciplinaire (arts plastiques, littérature, musique) décrite ci-dessus.

Comité scientifique

Pierre-Marc de Biasi (CNRS, ITEM, Paris) Laurence Brogniez (Université libre de Bruxelles) Virginie Devillez (Musée Magritte) Michel Draguet (Musée Magritte) Valérie Dufour (FRS-FNRS / Université libre de Bruxelles) Bibiane Fréché (FRS-FNRS / Université libre de Bruxelles) Marianne Jakobi (Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, ITEM, Paris) Denis Laoureux (Université libre de Bruxelles) Ségolène Le Men (Université Paris Ouest – Nanterre La Défense, IUF, ITEM, Paris) Muriel Lepage (Ecole Supérieure d'Art de Clermont Métropole)