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Appels à contributions
Pour une approche narratologique du roman historique

Pour une approche narratologique du roman historique

Publié le par Marielle Macé (Source : Marc Marti)

 

Le C.N.A. de l'Université de Nice-Sophia Antipolis organisera du jeudi 19 mai au samedi 21 mai 2005 , à la bibliothèque de la Faculté des Lettres de Nice, un colloque international intitulé « Pour une approche narratologique du roman historique ». Les propositions (sous la forme d'une synthèse d'une page, à adresser à A. Déruelle ou à A. Tassel, U.F.R. Lettres, 98, bd E. Herriot, 06200 Nice, au plus tard le 30-11-2004) seront examinées par le comité de lecture. 21 communications sur les trois jours (durée de chaque intervention : 30 minutes). Ces communications seront publiées.

Ce colloque pluridisciplinaire réunira des universitaires qui s'interrogeront sur les enjeux épistémologiques et poétiques du roman historique, sur ses rapports avec l'Histoire, sur sa facture et ses modes de lecture. Sans limitation de période ou de domaine géographique, les communications revêtiront l'aspect de contributions théoriques, d'études monographiques et d'approches comparatistes. Elles seront présentées en français.

« Qu'est- ce que le roman historique ? » se demandait Jean Molino, qui, face à la multitude de configurations narratives possibles (par ex : personnages historiques au premier plan ou à l'arrière-plan), finissait par en déduire qu'il s'agit d'un « macrogenre » (le roman scottien est un modèle parmi d'autres). S'il est impossible de réduire le roman historique à une formule unique, il s'agit pourtant de penser la valeur de ces différents choix poétiques. Quelques pistes de recherche, non limitatives, afférentes au statut du roman historique, à ses modalités d'écriture, à ses enjeux et à sa réception, constitueront la problématique narratologique de ce colloque.

On considère généralement que le roman historique est un roman qui prend en charge la narration d'événements passés, et qu'il y a donc un intervalle temporel substantiel (en terme de décennies, de siècle, sans que cette échelle soit définie) entre la date de l'action fictionnelle et la date de l'écriture. Mais, tandis que certains romanciers tendent à nier cette distance, et ce afin de faire revivre le passé (c'est sans doute l'optique de Dumas), d'autres cherchent à tirer du passé des leçons applicables au temps présent : la distance temporelle permet alors le jugement. Bien plus, n'existe-t-il pas un roman historique du présent ? Balzac s'érigeait ainsi en historien des moeurs présentes : Lukacs considère qu'il est le digne héritier de Walter Scott. Et la critique malrucienne a forgé la notion de « roman historique contemporain » pour désigner les romans historiques dont les éléments narratifs ne sont distants que de quelques années du temps de l'écriture. De fait, comprendre le processus de l'Histoire, c'est en définitive percevoir le présent comme temps historique, penser de manière historique le contemporain. Mais n'est-ce pas délayer outre mesure la notion que d'étendre ainsi le genre du roman historique ? Car écrire le présent ou le très proche passé ne revient sans doute pas à écrire un passé distant de plusieurs siècles. Sand disait ainsi qu'elle écrivait non des romans historiques, mais des « romans dans l'histoire » , des récits écrits dans ce temps si labile qu'est le présent.
Que penser des définitions du roman historique qui le présentent comme un genre hybride, au croisement de l'histoire et de la fiction, en se fondant sur un intervalle temporel substantiel entre la date de l'action fictionnelle et la date de l'écriture ?

Quels rapports s'instaurent entre les énoncés fictionnels stricts et les énoncés référentiels ? Comment l'examen minutieux des textes permet-il d'apprécier la validité et les limites des hypothèses de Searle et de J.M. Schaeffer ? On sait que pour le premier cette coprésence s'appréhende sous la forme d'une contiguïté non belligérante, alors que pour le second elle ressortit à un rapport d'ordre dialectique. Par ailleurs, les énoncés référentiels (anthroponymes, toponymes, noms d'événements historiques, propos attestés, etc.) intégrés dans un contexte fictionnel perdent-ils leur propriété référentielle jusqu'à être affectés par un processus de « déréalisation complète » (Paul Ricoeur) ? Plus précisément, peut-on affirmer, comme certains narratologues, que les personnages historiques déployés dans un récit fictionnel sont distincts de leurs référents historiques au point de former des « entités parallèles » ? À quelles conditions et jusqu'à quel point la thèse d'une absorption, d'une vampirisation des « îlots référentiels » par l'univers fictionnel est-elle pertinente ? Sous quelles formes et avec quelles incidences s'effectue la confrontation des personnages relevant de domaines différents, les « autochtones » et les « immigrants » pour reprendre les termes de Terence Parsons ?

Si l'on envisage la collecte des documents, la construction d'un modèle d'explication, la démarche du romancier ne présente-t-elle pas certaines convergences avec celle de l'historien ? Comme l'ont montré les philosophes de l'Histoire, l'explication historique ne fait pas l'économie d'une recherche des possibles. Ainsi Raymond Aron a écrit que « tout historien, pour expliquer ce qui a été, se demande ce qui aurait pu être » (Introduction à la philosophie de l'histoire, Gallimard, coll. Tel, 1981, p.202). L'historien construit une intrigue, élabore des scénarios possibles à l'aide desquels il évalue et interprète les événements réels. Le roman historique appréhende l'Histoire de manière partielle, latérale : est-ce à dire que cet angle d'attaque ne procure aucune connaissance spécifique sur les transformations qui ont affecté les comportements sociaux, sur les représentations mentales des acteurs comme des spectateurs des crises de l'Histoire ? Est-il légitime de considérer le roman historique comme un « interlocuteur de l'Histoire » (Jacques Dubois dans Les Romanciers du réel, Seuil, coll. Points, p.150) ?

Les communications retenues seront regroupées au sein de quatre axes de recherche :

1)Le statut générique et les modalités d'écriture du roman historique
Comment se déclinent ses différentes factures en fonction des aires culturelles et des périodes de l'Histoire ? Quelles sont les incidences des rapports variables entre le temps de la diégèse et le temps de l'écriture sur l'économie et sur les enjeux du roman historique ? Quelles différentes représentations de l'Histoire en découlent ?

2)La substance du roman historique
Quels types de relations se tissent entre les énoncés fictionnels stricts et les énoncés référentiels ? Comment le personnage historique est-il intégré au personnel romanesque ?

3) Les enjeux du roman historique
Quelles convergences et quelles divergences se dessinent entre les démarches respectives du romancier et de l'historien ? Quel intérêt présente « la recherche des possibles » sur le plan cognitif comme sur le plan esthétique ?

4) La réception du roman historique
Quelles sont les conséquences de la coprésence des énoncés fictionnels et référentiels sur leur réception ? Dans quelle mesure les attentes du lecteur peuvent-elles être spécifiques ?