Questions de société

"Pour négocier, Pécresse trie ses interlocuteurs sur le volet", par Chloé Leprince (Rue89, 04/03)

Publié le par Florian Pennanech

Mercredi matin, on apprenait par l'AFP que ValériePécresse et "les syndicats" étaient sur le point d'arriver à uncompromis sur la réforme du décret de 1984 sur le statut des enseignants.Ayant négocié une partie de la nuit de mardi à mercredi, la ministre del'Enseignement supérieur et de la Recherche et quatre syndicats del'enseignement supérieur annonçaient avoir avancé sur les principauxpoints de blocage.

"On a très bien travaillé, on a avancé sur toute unesérie de sujets", annonçait la ministre à l'issue de la réunion,relayée à peu près sur le même ton par les syndicats présents - àl'exception tout de même d'Autonomes Sup, plus sceptique dans soncommuniqué matinal. Les partenaires réunis parient sur une issue pourvendredi.

Ni Snesup, ni collectifs

Mais le casting de cette négociation pousse plutôt àrelativiser en partie la déclaration d'intention. Autour de la table,ne figuraient en effet ni le Snesup(Syndicat majoritaire dans le supérieur avec sept des quatorze siègesaux instances représentatives). Ni les collectifs qui ont su se hisseren figure de proue dans ce mouvement, en particulier Sauvons la recherche et Sauvons l'université.

A ce jour, Valérie Pécresse ne négocie plus qu'avec FO, Autonome Sup, Sup'Recherche Unsa et la Sgen-CFDT.Lesquels comptent respectivement deux sièges chacun au CTPU (le ComitéTechnique Paritaire des Personnels enseignants titulaires et stagiairesde statut Universitaire, qui compte quatorze sièges au total côtéenseignants), à l'exception de Force Ouvrière qui n'en a qu'un.

L'absence de ces collectifs n'est pas une surprise :interrogée le 24 février, sur France Inter, Valérie Pécresse avaitd'emblée dit que, sur la réforme du décret, elle choisirait de négocieravec les seuls syndicats. Voici, en images, un extrait de l'interview (Voir la vidéo).

"Valérie Pécresse veut atomiser le conflit"

Une heure et demie après son passage sur France inter,son cabinet tentait d'ailleurs de déminer le terrain, proposant auxcollectifs de les recevoir... "même si ce ne sera peut être pasexactement en même temps que les syndicats".

Si Pécresse boude les collectifs, quid du Snesup,alors ? Son absence mine en effet considérablement la représentativitédes organismes qui sont en quête d'un compromis avec la ministre. Cesyndicat était bien convié et, mardi, Valérie Pécresse a même envoyé unnouveau courrier pour leur proposer de rejoindre la table ronde.

Or le Snesup a posé pour cela un certain nombre deconditions, et notamment que l'approche du conflit soit globale, et passeulement limitée au statut des enseignants-chercheurs. Marc Champesmeest secrétaire national du syndicat :

"Le ministère tente d'atomiser les discussions enouvrant de micro-discussions sur de micro-dossiers : les chercheursd'un côté, les syndicats de l'autre sur le statut... Or il faut unevision d'ensemble. En faisant cela, elle cherche le pourrissement duconflit : aller vite sur le statut des enseignants en espérant que celaéteindra la mobilisation."

Plusieurs enjeux, "pas une mobilisation corporatiste"

Comme le Snesup et le collectif Sauvons la Recherche,Jean-Louis Fournel, de Sauvons l'université, dénonce à son tourl'éclatement des dossiers et souligne qu'en négociant à part sur lestatut des enseignants, Valérie Pécresse fait passer le mouvement pourune revendication corporatiste. Les trois poids lourd absents à laréunion dans la nuit de mardi à mercredi relèvent des points de blocagequi leur semblent inséparables des négociations. Et notamment :

puce-68c92.gif La question des suppressions d'emploi (900 à partir de 2010, après le délai accordé par Valérie Pécresse)
puce-68c92.gif Le "démantèlement" des organismes de recherche, à l'instar du CNRS
puce-68c92.gif La question de la formation des enseignants

Sur ce dernier point, on constate que Valérie Pécressese montre peu diserte, alors que Sauvons l'Université et le Snesupréclament depuis le début du conflit, mi-janvier, que la ministre s'yplonge. Mais, officiellement, c'est un autre ministre qui est en chargedu dossier, en l'occurence Xavier Darcos. Pour Jean-Louis Fournel,cette grosse impasse au menu des négociations de la nuit entérine que"les syndicats qui se prêtent à cette mascarade sont incapablesd'analyser le mouvement".