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Ponts et passerelles (Groupe de recherches sur la littérature maghrébine)

Ponts et passerelles (Groupe de recherches sur la littérature maghrébine)

Ponts et passerelles

Congrès international organisé par le Groupe de recherches sur la littérature maghrébine à la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de Manouba (Tunisie)

Manouba, les 5-6-7 et 8 décembre 2012

Date limite : 30 juin 2012 

Dans les guerres modernes, on commence par les détruire afin de priver l'ennemi d'un atout majeur, tandis que le mot qui les désigne, dans les diverses langues du monde, revient souvent comme métaphore de la volonté des peuples et des hommes d'oublier ce qui sépare, disjoint ou éloigne. De l'avis d'Isaac Newton, "les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts". À travers les siècles, les ponts ont toujours lié, rattaché et joint ce que la géographie et l'Histoire rendaient inaccessible. Leur édification demeure un témoignage vivant du génie des civilisations et de leurs préoccupations centrales. Sans ponts, plusieurs villes du monde perdraient beaucoup de leur âme et l'essentiel de leur identité. De Paris à Amsterdam, de New York à Sidney..., les architectes et les peintres en ont fixé les piliers et les contours.

De nos jours, un "pont wifi" réside dans les capacités d'interconnexion qu'un matériel informatique rend possibles au sein d'un réseau. Il y est également question de "passerelles" : le suffixe diminutif n'enlève rien à l'importance de ce genre de voie dans les divers types de "communication" humaine. Le vent de liberté qui traverse le monde arabe n'a-t-il pas emprunté les voies de ces "ponts" ? En fournissant aux jeunes les moyens de contourner le bouclier de la dictature-censure, les réseaux Internet n'ont-ils pas servi de ponts vers le monde libre ? Mais, si les voies qui donnent sur les rives du monde sont parfois "périphériques", elles n'en sont pas moins efficaces. De par ses dimensions, la passerelle s'avère décisive là où le pont encombre. La passerelle est ce qui reste de fonctionnel (d'opérationnel) lorsqu'il est impossible de passer par les ponts, les viaducs et autres voies d'accès. Elle est aussi le sentier qui mène aux endroits escarpés, le chemin sinueux qui donne sur certains secrets de l'être humain : "Entre un homme et une femme, l'amitié ne peut être que la passerelle qui mène à l'amour", disait Jules Renard dans L'Écornifleur. Les créateurs authentiques ne s'y trompent pas, puisque les ponts de l'art ont toujours relié des mondes et des abîmes que les réseaux virtuels peinent à interconnecter. Senghor le sentait déjà dans Éthiopiques : "Comme je mêle la Mort et la vie — un pont de douceur les relie".

Les arts en général et la littérature en particulier reprennent le pont-symbole, la trajectoire de la passerelle et leurs idées-forces pour fonder un espace de rencontre et/ou de fusion des altérités, y compris les plus exacerbées. Guillaume Apollinaire en a immortalisé l'image dans la matière-même de corps tendus l'un vers l'autre. Mais les architectes, les peintres, les historiens, les photographes, les cinéastes, etc. ont également immortalisé, chacun à sa façon, ces "ouvrages-oeuvres" qui témoignent  de la créativité des hommes et leur désir permanent d'unir les rives, les routes et les idées de ceux qui les empruntent. Vus sous cet angle, ponts et passerelles sont les voies incontournables de destins communs ou brisés. Voies d'un rêve de rencontre des extrêmes. Chemins frayés au milieu des débris d'un monde à reconstruire et d'une humanité à recomposer.

En brassant les cultures et les imaginaires le texte littéraire consacre la rencontre avec l'autre, le monde créé par l'écrivain est alors un pont vers des paysages et des moeurs que l'on explore au fil des mots. Le poids de l'Histoire et les "limites" de la géopolitique font souvent que l'édification de ces pont devient problématique. Sur la carte du monde, les dess(e)ins des artistes contrecarrent ceux des stratèges de la macro-économie et des guerres préventives : "je veux restaurer deux mondes, mon but est de jeter un pont entre deux mondes", affirme Driss Chraïbi. Les ponts jetés par le langage refusent les impasses et les obstacles du réel, parce que le propre de l'acte créatif est de transformer ce réel en y opérant des brèches : "la où la vie emmure, l'intelligence perce une issue" (Marcel Proust). Le langage longuement travaillé par les métaphores (obsédantes) de la traversée et de la rencontre rapproche des rives dont les hommes et les cultures sont infiniment divers. Métamorphosés dans les formes changeantes du matériau utilisé par le plasticien, l'architecte, l'écrivain, le chercheur... ponts et passerelles prendront les formes les plus inouïes : "se taire ou dire l'indicible", dirait Kateb Yacine. Invités à en débattre et à en cerner la signifiance et la (les) sémiotique(s) dans un monde où tout a tendance à se (dis)joindre, les spécialistes de la question commenceront par jeter des ponts entre des champs d'application et des disciplines qui ont rarement interagi et communiqué.

Axes de recherche :

1-) Histoire(s) "monumentale(s)" et défis d'architectes : des pierres, des hommes...., des ponts.

2-) Les langues et la traduction comme ponts vers l'autre.

3-) Le brassage des identités et des traditions en tant que "ponts culturels".

4-) Passerelles des arts : "dialogues" des oeuvres et des artistes. 

5-) Les littératures de migration comme ponts vers soi, la terre et l'autre.

6-) Archéologie, fouilles et documentation : les ponts de l'Histoire.

7-) Mythes, légendes et oralité comme passerelles menant aux abîmes de l'être.

Les propositions de communication seront recueillies, jusqu'au 30 juin 2012, sur les courriels de :

Habib Ben Salha : habib.salha@yahoo.fr

Adel Habbassi : adelbensh@yahoo.fr