Questions de société
Polémique autour de la nomination de la fille d'un secrétaire d'État comme MCF à la Sorbonne (Rue 89, Nouvel Obs)

Polémique autour de la nomination de la fille d'un secrétaire d'État comme MCF à la Sorbonne (Rue 89, Nouvel Obs)

Publié le par Bérenger Boulay

 

Polémique autour de la nomination de la fille d'un secrétaire d'État comme MCF à la Sorbonne. Sur cette page:

- Soupçons de copinage pour la nomination d'une enseignante (NOUVELOBS.COM | 11.02.2009)

-  La fille de Marleix recrutée à la Sorbonne : soupçon de copinage. Par Chloé Leprince (Rue89 | 10/02/2009)

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- Soupçons de copinage pour la nomination d'une enseignante NOUVELOBS.COM | 11.02.2009 | 12:37
LaurenceSaint-Gilles, jeune universitaire et fille du secrétaire d'Etat AlainMarleix, est nommée à un poste de maître de conférences à la Sorbonne.L'équipe pédagogique dénonce "une initiative du ministère". Dessoupçons de copinages planent à la Sorbonne. La direction de l'UFRhistoire de la faculté a envoyé une lettre en décembre dénonçant "entreles lignes" l'intervention du gouvernement sur un poste, révèle Rue89,ce mercredi 11 février. Selon le site, un poste de maître deconférences serait attribué à Laurence Saint-Gilles, jeuneuniversitaire, grâce à ses relations. Epouse Saint-Gilles, Laurence esten effet la fille d'Alain Marleix, actuellement secrétaire d'Etat àl'Intérieur et aux Collectivités territoriales. Elle est aussi la soeurd'Olivier Marleix, conseiller technique à l'Elysée après un passageauprès de Michèle Alliot-Marie et Brice Hortefeux.

Une nomination pas demandée par l'université

Si la procédure universitaire aboutit, Laurence Saint-Gilles, quiofficie dans comme professeur agrégé dans le supérieur (Prag)bénéficierait à la rentrée prochaine d'un poste de maître deconférences en histoire des relations internationales. "Sur le papier,elle y a droit", précise le site, mais "la direction du département sedésolidarise nettement du choix ministériel" et cite le courrier de ladirection : "Cette transformation n'a pas été demandée par le précédentdirecteur de l'UFR. Elle n'a pas été demandée par la présidence del'université. Elle ne figure pas dans la liste des besoinsofficiellement exprimés par la direction de l'UFR après consultation dechaque section."
La direction de l'UFR précise en outre que c'est par voieadministrative qu'ils ont eu vent de ce qu'ils appellent une"initiative du ministère".

Un concours taillé sur mesure
"Il est rarissime qu'on propose pour en faire un emploi sur mesure pourquelqu'un qui vient d'arriver", précise Rue 89. D'autant que cessoupçons datent. Selon un maître de conférence cité sous couvert del'anonymat, "son arrivée à la fac d'Amiens où elle a démarré comme Pragen début de carrière était déjà largement entachée d'une interventionen haut lieu : l'université d'Amiens n'avait rien demandé non plus".
A la suite de la levée de boucliers de l'équipe pédagogique dudépartement d'histoire, le département a fait savoir qu'un concoursaurait tout de même lieu. Mais ce concours "semble taillé sur mesure"pour Laurence Saint-Gilles.
Alors que la réforme de la ministre de l'Education Valérie Pécressesuscite le rejet du monde universitaire, en voulant accroître la margede manoeuvre des présidents d'université au détriment de la communautéuniversitaire, cet épisode pourrait faire craindre encore plusd'interventionnisme et ce, jusqu'au plus haut niveau.

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- La fille de Marleix recrutée à la Sorbonne : soupçon de copinage Par Chloé Leprince | Rue89 | 10/02/2009 | 20H00

L'arrivée de la fille du secrétaire d'Etat comme maître de conférences fait grincer des dents dans la prestigieuse université.


Avec sa réforme très décriée ce mardi encore dans la rue,Valérie Pécresse accroît la marge de manoeuvre des présidentsd'université. Au détriment de la communauté universitaire, qui voitnotamment son rôle minoré dans l'évaluation et la nomination desenseignants.

Or un épisode récent à la Sorbonne fait craindre encore plusd'interventionnisme. Jusqu'au plus haut niveau, c'est à dire auministère.

Que l'université soit un lieu où les réseaux, l'entregent et lacooptation fonctionnent à plein n'est pas un scoop. Mais, souvent, cesont les dérives localistes qui sont dénoncées, nombre de postes semblant pourvus à l'avance, qu'importent les candidatures.

L'histoire se passe à Paris-IV, où l'on enseigne l'histoire, lagéographie, les lettres ou les langues. Une fac dont on dit souventqu'elle n'est pas connue pour son activisme frénétique. Pourtant, avantmême de signer l'appel contre la réforme Pécresse, Paris-IV s'estdistinguée par un courrier signé de la direction de l'UFR d'histoire.

L'enjeu: un poste de maître de conférences attribué à une jeune universitaire

Cette lettre, qui date de début décembre et que Rue89 a puconsulter, tranche avec le ton consensuel d'usage: Jean-Noël Luc, AlainTallon et François-Xavier Romanacce, à la tête du département,dénoncent entre les lignes l'intervention du gouvernement sur un poste.En l'occurence celui qu'occupe Laurence Saint-Gilles, jeuneuniversitaire, titulaire de l'agrégation du secondaire.

Si la procédure aboutit, elle qui officiait comme professeur agrégé dans le supérieur (Prag)à la Sorbonne devrait bénéficier à la rentrée prochaine d'un poste demaître de conférences pour enseigner l'histoire des relationsinternationales.

Sur le papier, elle y a droit: un poste de Prag est accessible auxenseignants du secondaire détachés dans le supérieur, lesquelsreprésentent d'ailleurs un sixième des effectifsà la fac. Quant au poste de maître de conférences, toute personnetitulaire d'une thèse ayant passé l'épreuve de la qualification peut yprétendre.

Laurence Saint-Gilles a bien soutenu une thèse en2007, intitulée "La présence culturelle de la France aux Etats-Unispendant la Guerre froide". Or la direction du département sedésolidarise nettement du choix ministériel, si l'on en croit lecourrier qui précise:

"Cette transformation n'a pas été demandée par leprécédent directeur de l'UFR. Elle n'a pas été demandée par laprésidence de l'université. Elle ne figure pas dans la liste desbesoins officiellement exprimés par la direction de l'UFR aprèsconsultation de chaque section. Elle diminue de 192 heures la capacitéd'encadrement pédagogique de l'UFR assuré par les personnelstitulaires. Elle ne s'inscrit pas dans la politique de conciliation etde transparence de la direction."

Les responsables de son département n'avaient rien demandé

Luc, Tallon et Romanacce précisent même, histoire d'enfoncer leclou, que c'est par voie administrative qu'ils ont eu vent de ce qu'ilsappellent une "initiative du ministère". Autant dire qu'ils n'étaientpas franchement pour.

Pourquoi? Parce qu'il est rarissime qu'on transforme un poste pouren faire un emploi sur mesure pour quelqu'un qui vient d'arriver. Et"parce que son arrivée à la fac d'Amiens où elle a démarré comme Pragen début de carrière était déjà largement entachée d'une interventionen haut lieu: l'université d'Amiens n'avait rien demandé non plus",ajoute un maître de conférences de Paris-IV qui a accepté de parler àRue89 sous couvert d'anonymat.

Car il faut savoir que Laurence, épouse Saint-Gilles, est née Marleix. Qu'elle est la fille de son père, Alain(actuellement secrétaire d'Etat à l'Intérieur et aux Collectivitésterritoriales), et la soeur de son frère, Olivier (conseiller techniqueà l'Elysée après un passage auprès de Michèle Alliot-Marie et BriceHortefeux).

Seule réponse de l'intéressée: "Laissez-moi tranquille"

Un peu gros, le procès en copinage? Le son de cloche de l'intéresséeaurait été précieux. Impossible de l'obtenir, malheureusement: LaurenceSaint-Gilles s'est montrée peu bavarde, au téléphone. Premier coup defil: "Rue89 ? Ca ne m'intéresse pas. Bip... bip... bip..." Deuxièmeappel dans la foulée, histoire de préciser qu'il ne s'agit pas detélémarketing mais d'une enquête en cours. Le ton n'est pas plus doux:"Madame, je vous ai dit que je n'étais pas intéressée, laissez-moitranquille."

A la Sorbonne depuis plus de quinze ans, le même maître deconférences, qui a déjà participé à des commissions de recrutement,explique quant à lui la levée de boucliers:

"Ça n'a rien de personnel, je ne la connais pas et jen'ai aucun compte à régler. Mais c'est une petite saloperie duministère. Il faut savoir que pour un poste de maître de conf' enSorbonne, il y a entre 90 et 150 dossiers, dont vingt à trentenormaliens, et des chercheurs issus de Sciences-Po.

Laurence Saint-Gilles a bien une thèse mais personne ne connait sestravaux et il est peu probable qu'elle aurait été ne serait-cequ'auditionnée."

Un concours taillé sur mesure pour l'impétrante

Depuis le départ de la bronca, le département a fait savoir à sonéquipe pédagogique, très remontée en off, qu'un concours aurait malgrétout lieu, pour éviter une simple nomination par "décisionadministrative".

Toutefois, ce concours, ouvert seulement aux Prag en histoirecontemporaine titulaires d'une thèse depuis trois à cinq ans dans cedomaine, est tellement restreint qu'il semble taillé sur mesure pourLaurence Saint-Gilles.

Alors que plusieurs universitaires nous ont alerté à ce sujet, ni leministère ni la Sorbonne n'avaient donné suite aux sollicitations deRue89 à l'heure où cet article est publié. Alors, sur place, on attendde pied ferme l'annonce officielle -"à condition que l'appel àcandidature ne figure pas au fin fond d'une annexe du bulletinofficiel, qui vaut un affichage au fond du couloir, là où la lumièreest cassée". Et surtout les résultats du recrutement, dont nous vousdonnerons des nouvelles.

Addendum mercredi à 17h44: Le cabinet de ValériePécresse précisait, après la publication de cet article, que "ni laministre ni son cabinet ne sont intervenus dans ce dossier". Qui, alors? "Aucune idée".