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Poétiques du lait : corps et fluides en représentations. Littérature et arts visuels (Genève)

Poétiques du lait : corps et fluides en représentations. Littérature et arts visuels (Genève)

Publié le par Marc Escola (Source : Yasmina Foehr-Janssens, Université de Genève)

Poétiques du lait : corps et fluides en représentations

(littérature et arts visuels)

Journées d’études, Université de Genève, Faculté des Lettres, 7 et 8 juin 2016,

organisées dans le cadre du programme de recherche sinergia « Lactation in history »

 

Aliment premier, ingurgité dès la naissance, le lait constitue, compte tenu de cette position primordiale, un des éléments majeurs informant l’imaginaire du sein nourricier, en littérature et dans les arts visuels. Des multiples représentations médiévales et renaissantes de la Vierge allaitant l’Enfant à la scène finale des Raisins de la colère de John Steinbeck qui revisite la tradition narrative de la « Charité romaine » ; de l’invention photographique du milk splash d’Edgerton à la nouvelle « Le lait de la mort » de Marguerite Yourcenar, on ne compte plus les œuvres d’art mettant en scène le liquide lacté. Raison pour laquelle nous souhaitons engager, à partir d’une rencontre entre historiens de l’art et de la littérature, une réflexion sur le lait et le sein maternel comme support de représentations. Notre propos est de mettre en avant la matérialité des corps et des fluides dans la mesure où celle-ci sert de ressort à des effets de forme et de signification. Ces deux journées d’études s’intègrent dans les travaux du programme de recherche interdisciplinaire en sciences humaines « Lactation in history » (http://unige.ch/lactationinhistory/) soutenu par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FnS).

Un premier aspect à traiter concerne les qualités contrastées du lait, telles qu’elles sont thématisées dans les œuvres d’art, par exemple en terme de contrastes de couleurs, de textures (liquide ou en poudre), de perception (lisse, doux, chaud...), et aussi en tant que matière périssable, voire abjecte. Quand le lait devient la matière même de l’œuvre (par exemple chez Sarkis, Kiki Smith, Martina Abramovic, Wolfgang Laib, etc.), quelles qualités matérielles, visuelles, ou sensuelles, lui reconnaît-on ? Quand le lait se fait le reste ou la relique d’une présence, comme dans le cas des reliquaires du lait de la Vierge, comment les contenants mettent-ils en œuvre la sacralité de l’objet ? Dans certains contextes, le lait entre aussi en concurrence ou en dialogue, c’est selon, avec d’autres fluides (eau, sang, vin, miel, huile sperme, etc.). Quels types de polarités, mais aussi éventuellement de contrastes esthétiques se dessinent à partir de tels appariements ? Quelles qualités prend l’eau d’une fontaine publique lorsqu’elle jaillit des seins d’une femme de pierre ? Et que penser d’une huile suintant d’une image de la Vierge allaitante ?

Mais par ailleurs, on comprend bien que le lait ne reste pas isolé du sein qui le produit. Comment dit-on et montre-t-on le sein maternel allaitant ? Comment se négocie l’apparition d’un sein gorgé de lait dans un contexte de survalorisation picturale et rhétorique du sein érotique ? Tel est le second axe de nos journées d’étude où nous souhaitons interroger plus globalement la représentation du corps féminin maternant, en tant que tel, mais aussi en tant que corps social et politique. Le geste d’une artiste comme Paula Modersohn Becker qui introduisit le nu féminin dans la pratique de l’autoportrait, mais aussi dans la représentation de la maternité, montre que les canons traditionnels de la représentation du nu féminin sont susceptibles d’être profondément bouleversés par une référence explicite aux rôles sociaux de sexe et à la sphère soi-disant privée de la reproduction. Sur ce dernier plan, le corps maternel peut également se faire le support d’une construction, discursive ou visuelle, de la gloire ou de la vulnérabilité attachées à la maternité et à la fonction nourricière. Dans les récits de sièges et particulièrement de guerres civiles, le recours au pathos du sein flétri et du lait tari par la famine fait du couple mère-enfant le paradigme de la victime. À l’inverse la révélation du sein généreux des instances allégoriques chargées d’incarner la Patrie, la Nation ou l’Eglise décline un imaginaire de la maternité triomphante qui invite à réfléchir au pouvoir que peuvent exercer les images du corps.

 On cherchera donc à cerner les différentes manières dont, dans la longue durée, les textes et les œuvres (la littérature et les arts) s’emparent de la lactation et de la matérialité de la fonction nourricière, lait et sein, dans une perspective qui ne se limite pas à la simple documentation de représentations stéréotypées, mais interroge, dans sa matérialité même, le processus de la création.

Les chercheurs et chercheuses intéressées à participer à ces journées d’études sont priées d’envoyer un projet d’intervention de 2'500 signes, en français ou en anglais, ainsi qu’une brève présentation personnelle (affiliation académique ou institutionnelle, principaux axes de recherche, publications majeures) aux organisatrices, avant le 15 décembre 2015.

 

Brigitte Roux UNIGE (brigitte.roux@unige.ch)

Yasmina Foehr-Janssens UNIGE (yasmina.foehr@unige.ch)