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Poésie antique / poésie contemporaine : face-à-face, affleurement, empreinte (Caen)

Poésie antique / poésie contemporaine : face-à-face, affleurement, empreinte (Caen)

Publié le par Vincent Ferré (Source : Anne Gourio)


Poésie antique / poésie contemporaine : face-à-face, affleurement, empreinte

Journée d’étude organisée par Anne Gourio et Claire Lechevalier (LASLAR, EA 4256, Université de Caen). 

Université de Caen, 14 octobre 2022

 
La journée d’étude « Poésie antique / poésie contemporaine » a pour objectif d’explorer les modes de présence de la poésie antique dans la poésie d’aujourd’hui comme autant de mises en relation de l’une et l’autre. Nous voudrions étudier la matière antique extraite des œuvres poétiques gréco-latines et décliner les façons dont la poésie contemporaine l’en-visage. L’ouvrage décisif de Bénédicte Gorrillot (L’héritage gréco-latin dans la littérature française contemporaine, Droz, 2020) a permis de mesurer l’apport de la littérature antique aux littératures contemporaines sous l’angle de la réécriture et de l’héritage. Cette journée souhaite en prolonger la réflexion, mais en faisant un pas de côté : dans une perspective plus englobante, elle propose un travail sur un ensemble meuble et mouvant de mythèmes, de références cachées, de formes et de figures enfouies modelant l’imaginaire et la mémoire, tant individuels que collectifs : comment la poésie antique, dès lors, visite-t-elle le présent, le hante-t-elle ou l’irrigue-t-elle ? Comment est-elle convoquée ou invoquée par la poésie contemporaine ? comment fait-elle irruption ou effraction dans celle-ci ? Et comment la présence vivace de l’antique entre-t-elle en tension avec la tentation mélancolique ?

Nous choisissons d’ouvrir la période contemporaine de la poésie sur les années 1980 : la « nouvelle ère littéraire » (D. Viart, B. Vercier) qu’elles inaugurent se distingue précisément par un regard récurrent posé sur un passé désormais « revisité » et sur une Histoire « reconquise ». Sensible au passé mais désormais affranchie de l’héritage et des strates interprétatives, la poésie d’aujourd’hui semble accueillir la poésie antique tout à fois comme une évidence immédiate (c’est la « fraîcheur d’eau au creux de la main » qu’évoquait déjà Philippe Jaccottet en 1957 dans son approche d’Homère) et comme une étrangeté dépaysante. Si l’Antiquité s’impose alors (le plus souvent ?) sous une forme morcelée, à travers des figures fragmentées, des lambeaux de mythes ou des extraits condensés d’une totalité engloutie, elle peut aussi s’offrir comme le support énonciatif ou narratif d’un récit réinventé et d’une oralité retrouvée.

Tous les courants de la poésie contemporaine sont concernés. Travailler sur la matière antique, c’est constater que l’Antiquité traverse indifféremment toutes les sensibilités de la poésie contemporaine (renouveau lyrique, formalisme radical, poésie prosaïque, littéralité…). C’est aussi éviter de rejouer une fois encore la querelle des Anciens et des Modernes : aborder la matière antique permet de sortir d’un rapport à l’Antiquité structuré autour d’une relation à l’autorité, et autour d’une tension potentielle entre déférence à l’égard d’un héritage et contestation de celui-ci par des modes de reprise burlesques ou carnavalesques. 

Trois relations pourront être explorées. Chacune le sera ici à travers une image, dont on tentera de déployer toutes les potentialités expressives :

 Le face-à-face

-          La matière antique suscite une forme de fascination et/ou de sidération sur la poésie contemporaine, elle impose son surgissement et sa présence dépaysante, qui dé-familiarisent son origine, mais aussi notre présent. 

-          Comment se regardent l’une et l’autre périodes ? Comment « ce que nous voyons » s’accompagne-t-il d’un « ce qui nous regarde » (G. Didi-Huberman) ?

-          Il en va aussi de la voix : la matière antique appelle, interpelle, apostrophe. Comment, dès lors, questionne-t-elle ou aiguise-t-elle la tentation orale travaillant fortement la poésie contemporaine ?

Il s’agira de privilégier ici une immédiateté qui vient court-circuiter l’héritage acquis, appris, colporté par et dans la tradition. Dans cette perspective, la poésie antique ne relève pas (ne relève plus, pour les poètes d’aujourd’hui) de l’héritage classique.

L’affleurement

-          L’affleurement offre une deuxième modalité de cette relation. Il suppose une relation entre la profondeur du passé (ou de la mémoire) et la surface du présent. On pourra explorer les métaphores privilégiées traduisant ce mode de présence de la poésie antique dans le texte poétique contemporain : la fresque à demi-effacée, le tesson de vase extrait de la terre, le passé englouti ressurgissant à la surface de l’eau, la résurgence de rivières souterraines…

-          La profondeur s’offre à la perception sur un mode qui semble en émousser la netteté : on pourra travailler sur cette présence éparse de l’antique, dissoute et diluée dans le flot du texte.

-          Cet affleurement suppose un sens ouvert, inachevé, en devenir, qui vient inquiéter le présent et dont on propose d’interroger les enjeux : « C’est un passé résurgent, inachevé, qui n’est pas clos mais qui déborde sur le présent pour l’enrichir » (Judith Schlanger, Présence des œuvres perdues). 

L’empreinte 

-          L’empreinte est une troisième image possible pour penser cette relation. Elle engage une approche matérielle : comment la poésie antique imprègne-t-elle la poésie contemporaine ? En quoi consiste ce contact matériel ? 

-          Plus encore, l’empreinte pourrait mener vers la notion d’innutrition : à quelle présence active et nourrissante a-t-on affaire ? 

-          L’empreinte devra être confrontée à la trace, peut-être plus éphémère. L’empreinte engage une réflexion sur ce qui s’inscrit dans la cire de la mémoire, sur ce qui reste, de façon continue mais aussi discontinue. Que demeure-t-il du texte antique dans le poème contemporain ?

Aborder la poésie antique à partir de la notion d’empreinte, c’est donc constater que l’antique n’est pas seulement un ensemble de textes : il est un matériau élémentaire, archaïque, agissant sur l’imaginaire et modelant celui-ci.

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Les communications (25 mn) pourront porter sur une ou plusieurs œuvres poétiques de langue française depuis 1980, ou bien sur les traductions d’œuvres antiques par des poètes contemporains.

Les propositions de communication (entre 10 et 15 lignes) sont à adresser à anne.gourio@unicaen.fr et claire.lechevalier@unicaen.fr pour le 28 février 2022.

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Bibliographie primaire (pistes indicatives par ordre chronologique)

Jude Stéfan, Aime Diane, Le Temps qu’il fait, 1986.

Roger Munier, Eurydice, élégie, Lettres vives, 1986.

Yves Boudier, « Ovide était notre maître », éditions AEncrages and Co, 1987.

Olivier Cadiot, L’Art poétic’ (« Delenda est Carthago »), POL, 1988.

Sylviane Dupuis, Figures d’Egarées, Editions Empreintes, 1989.

Philippe Delaveau, Eucharis (« Mythe »), 1989.

Jude Stéfan, À la vieille Parque, Gallimard, 1989.

Jean-Michel Maulpoix, La Voix d’Orphée, Corti, 1989 [essai].

Emmanuel Hocquard, Les Elégies, POL, 1990.

Jean Ristat, L’Hécatombe à Pythagore, Gallimard 1991.

Benoît Conort, « Journal de Méduse », in Au-delà des cercles, Gallimard, 1992.

Olivier Barbarant, Les Parquets du ciel (« Les Confidences d’Eurydice »), Champ Vallon, 1993.

Yves Bonnefoy, La Vie errante (« Les raisins de Zeuxis », « Encore les raisins de Zeuxis », « Derniers raisins de Zeuxis »), Mercure de France, 1993.

Jude Stéfan, Elégiades, Gallimard, 1993.

Roger Munier, Orphée : cantate, Lettres vives, 1994.

Marie-Claire Bancquart, Dans le feuilletage de la terre, Belfond, 1994.

Jacques Roubaud, Poésie, -etcetera : ménage, Stock, 1995. [essai]

Cécile Mainardi, L’Armature de Phèdre, éditions Contre-Pied, 1997.

Christian Prigent, Dum pendet filius, POL, 1997.

Jean-Paul Auxeméry, Catullus, petit chien. 24 poèmes de Catulle revisités par Auxeméry, Tristram, 1999.

Jean-Paul Auxeméry, Les Actes d’Hélène, éditions Virgile, coll. « Ulysse fin de siècle », 2000.

Yves Bonnefoy, Les Planches courbes, Mercure de France, 2001.

Jean-Yves Masson, Poèmes du festin céleste, L’Escampette, 2002.

Cécile Mainardi, La Forêt de Porphyre, Virgile, coll. « Ulysse fin de siècle », 2003.

Suzanne Doppelt, Quelque chose cloche, POL, 2004.

Pascal Quignard, Pour trouver les enfers, Galilée, 2005.

Jean Ristat, Artémis chasse à courre le sanglier, le cerf et le loup, Gallimard, 2007.

Martin Rueff, Icare crie dans un ciel de craie, Belin, coll. « L’Extrême contemporain », 2008.

Véronique Pittolo, Hélène mode d’emploi, Al Dante, 2008.

Muriel Stuckel, Eurydice désormais, Voix d’encre, 2011.

Sophie Loizeau, Le Roman de Diane, Rehauts, 2013.

Maxime Hortense Pascal, Nostos, Edition Plaine page, 2013.

Julien Blaine, Thymus, Le Castor astral, 2014.

Maxime Hortense Pascal, Le Tambour de Pénélope, Plaine page, 2015.

Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts, Le Bruit du Temps, 2015.

Maryline Bertoncini, La dernière œuvre de Phidias, Encres vives, 2016.

Michel Deguy, À ce qui n’en finit pas (thrène), Le Seuil, 2017.

Michèle Finck, Connaissance par les larmes (« Les Larmes d’Orphée »), Arfuyen, 2017.

Maryline Bertoncini, L’Anneau de Chillida, Grand Tétras, 2018.

Marie de Quatrebarbes, Voguer, POL, 2019.

Stéphane Bouquet et Rosaire Appel, Sappho, Philharmonie de Paris, 2021.

 

Traducteurs :

Jude Stéfan, De Catulle (et vingt transcriptions), Le Temps qu’il fait, 1990.

Claude Esteban : Virgile, Quatrième Bucolique in Passeurs de mémoire, Poésie/Gallimard, 2005.

Christian Prigent, Epigrammes de Martial, POL., 2005.

Marie Cosnay : Ovide, Les Métamorphoses, Éditions de l’Ogre, 2012.

Frédéric Boyer, Le Souci de la terre, Gallimard, 2019.

Emmanuel Lascoux, Homère, L’Odyssée, POL, 2021.