Numéro 109 de Po&sie
1975-2004 : trente ans de poésie italienne
320 pages consacrées à la poésie italienne qui s'écrit depuis trente ans !
Le numéro 109 - « Sang neuf » (selon la formule de son principal organisateur, Martin Rueff) - de la revue Po&sie fera date. Il sera suivi d'un numéro 110 lui aussi consacré à la poésie italienne contemporaine. Avec ces deux numéros, le lecteur français disposera d'un ensemble sans équivalent, y compris en Italie. Il faut ajouter que beaucoup des poètes ont donné à Po&sie des inédits, dont l'original en italien est à chaque fois publié avec sa traduction. Presque tous les poètes ont également répondu à un questionnaire de la revue, et ce sont donc là encore autant de contributions inédites.
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1975 : Mort de Pasolini et prix Nobel de littérature accordé à Eugenio Montale.
Faire commencer une anthologie de la poésie italienne contemporaine avec la mort de Pasolini était provocateur et c'est ainsi que la chose est perçue en Italie où certains, à droite comme à gauche, refusent encore de considérer l'auteur des Lettres luthériennes comme un poète. Provocateur mais nécessaire tant les poètes, eux, se recommandent de son oeuvre, conscients que c'est grâce à lui que la poésie italienne est sortie des oppositions qui la réduisaient, entre tradition pétrarquiste et tradition dantesque, entre hermétisme et réalité, entre dialecte et poésie in lingua, en italien. Le numéro s'ouvre ainsi par un important dossier Pasolini, comprenant des extraits de Bête de style, paru en 1977, jamais traduit en français jusqu'ici, quelques sonnets tirés de L'hobby del sonetto, et un long entretien sur l'éloquence qu'il a accordé juste avant sa mort. Puis c'est soixante-dix poètes (cinquante dans ce premier des deux numéros) qui sont traduits et présentés (biographiquement, historiquement, poétiquement) par générations, parfois pour la première fois, de Mario Luzi à Mariangela Gualtieri, de Toti Sciajola à Fabio Pusterla, d'Andrea Zanzotto, qui nous a fait, comme d'autres, la grande amitié de nous offrir des inédits pour ce numéro, à Silvia Bré, d'Amelia Rosseli à Eugenio De Signoribus, etc. Le numéro 110 comprendra aussi des essais majeurs consacrés en Italie à la poésie italienne (Contini, Cacciari, Cortellessa, Agamben, etc.)
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C'est peu de dire que cette anthologie fait voyager dans les langues tant la poésie italienne cherche partout sa demeure et la trouve. Et si nous avons mis ce numéro sous le signe de l'hospitalité, c'est parce que cette poésie italienne est hospitalière. D'une part elle est ouvertement plurilingue, s'écrivant en plusieurs langues, sur plusieurs langues : de ceux qui, comme Baldini ou Baldassari, écrivent en dialecte à ceux qui, comme Amelia Rosselli ou Patrizia Vicinelli, écrivent « en trois langues ». Nous avons constaté d'autre part que la plupart de ces poètes étaient aussi des traducteurs (et pour beaucoup des traducteurs du français - plusieurs d'entre eux ont traduit Mallarmé), ouverts à la poésie étrangère, ne craignant pas la transfusion. L'important, ce qu'il faut inventer, c'est un nouvel imaginaire de la langue, extraordinaire leçon de la poésie d'Andrea Zanzotto...
... Ou, comme l'écrit Francesco Nappo :
La patria sara quando La patrie ce sera quand
Tutto saremo stranieri Nous serons tous des étrangers
Le comité de rédaction de la revue Po&sie
(Rédacteur en chef Michel Deguy, Editions Belin, 8, rue Férou, 75278 Paris cedex 06)
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Poemes ou extraits de poèmes des trois des auteurs traduits dans le n°109
Andrea Zanzotto :
tout s'ouvre au massacre
de lumières-luttes
des roches de glace pure se lancent, d'elles-mêmes exaltées :
partout, sans abri, sans stase-trêve
très douce très pure volupté épiphanique
qui nous rend marginaux - cours, cours - et qui est marge déjà
avec nous
marginaux non magnanimes sujets dysthymiques,
mais peut-être, un peu,
soufflés en nivales enfilades de destins
(traduit par Philippe Di Meo et Martin Rueff)
Luciano cecchinel :
Parmi le vert et l'argent en tremblement
pour une partisan bastonné et fusillé par les Allemands
Un souffle le long du sentier en contrebas,
les buissons sont pris d'un tremblement,
tout à coup la pensée tressaille,
descend dans une limpide vaste clarté.
Là-bas, en tremblotants enchevêtrements de vagues,
des berceaux argentés, des rêves légers,
ici sur ces hauteurs, à travers les réveils des frondaisons,
passe un rêve d'hier enfui.
(traduit par Philippe Di Meo)
Tolmino baldassari :
Vie d'hiver
hiver rouge-gorge
hiver moineau
petits sauts du silence
voilà une miette
envol dans le laurier
vous êtes maintenant parmi les étoiles
nous avec les poutres de la maison.
(traduit par Martin Rueff)
Le texte qui suit (en trois versions) nous a été offert gracieusement (en romagnol et en italien) par Tolmino Baldassari après notre rencontre à Bologne, le 22 octobre 2004. (Pour les conditions de possibilité de transcription du dialecte, on renvoie aux indications graphiques du dernier recueil de l'auteur, L'éva, Rimini, 2002, p. 170.)
Tröp têrd
e' grel la lozla la zghéla
i stà par su cont
nenca s'i zérca d'fês sintì
i ni stà piò d'ascólt
j à prisia i va d'cursa
e un dè i s'aférma a pinsê
ch'i s'è smèngh ad caicvël
mo l'è tröp têrd
u ni ven int la ment piò gnit
Troppo tardi
il grillo la lucciola la cicala
stanno per conto loro
anche se cercano di farsi sentire
non li stanno più ad ascoltare
hanno fretta vanno di corsa
e un giorno si fermano a pensare
che si sono dimenticati di qualcosa
ma é troppo tardi
non gli viene in mente più niente
Trop tard
le grillon la luciole la cigalen
n'embêtent personne
même s'ils veulent se faire remarquer
personne n'est plus là pour les écouter
les gens se démènent ils courent dans tous les sens
et un jour ils s'arrêtent pour penser
qu'ils ont oublié quelque chose
mais c'est trop tard
ils ne se souviennent plus de rien
(traduit par Martin Rueff)