Pitres et Pantins.Transformations du masque comique, de l’Antiquité au théâtre d’ombres
Dirigé par Sophie Basch et Pierre Chuvin
PUPS, coll. Theatrum Mundi, mai 2007
Gérard de Nervalrattachait directement le théâtre d’ombres aux atellanes latines : « Aussibien Caragueuz lui-même n’est-il autre que le Polichinelle des Osques, dont onvoit encore de si beaux exemplaires au musée de Naples ». Un demi-siècleplus tard, le grand helléniste Salomon Reinach faisait la relation entre lesmimes du monde ottoman, leurs homologues italiens et ceux de l’Antiquité, viaByzance : « Il semble bien établi que le Karagöz turc a héritédu mime byzantin, comme aussi, par d’autres voies, la Commedia dell’arteet le théâtre des marionnettes ». Sans doute la filiation n’est-elle pas aussi directe. La continuité estfrappante cependant : à la différence de la tragédie antique, qui dutattendre la Renaissance pour être réinventée à l’opéra puis au théâtre, lacomédie et ses masques, relayés par les marionnettes, connurent une fortunemoins illustre mais ininterrompue. C’est cette permanence que le volumesouhaite illustrer, en privilégiant la portée familière du théâtre, qui dessineune nouvelle carte de l’Europe des spectacles. Sur cette carte, dans cedomaine comme dans tant d’autres, l’Empire ottoman se révèle une puissance depremier plan, bien intégrée au jeu européen. Les voyageurs ne manquent pas des’intéresser à ses silhouettes familières, où ils scrutent l’héritage desAnciens. Notre époque a considéré ces spectacles avec la condescendanceréservée au pittoresque. Au xixe siècle, lesspécialistes de l’Antiquité et de l’Orient étaient mieux avertis de leurimportance. Cet ouvrage, qui réunitdes historiens de la littérature, du théâtre, de l’art et de l’archéologie, remetau centre de la scène une tradition injustement marginalisée.
Ce volume qui paraîtdans une nouvelle collection des PUPS consacrée au théâtre, « Theatrummundi », en illustre aussi la dimension historique et la portéeinternationale : il s’adresse non seulement aux spécialistes et auxamateurs de l’histoire des spectacles, mais aussi aux archéologues curieux desuivre la postérité du masque antique et de ses avatars (marionnettes, commediadell’arte, théâtre d’ombres), ainsi qu’aux orientalistes et aux lecteursintéressés par la littérature de voyage, concernant en particulier le Levant(Grèce – Turquie – Empire ottoman). Cette publication s’adresse donc au moins àun triple public et peut être rangée dans les rayons suivants deslibrairies : histoire des spectacles, théâtre – archéologie et réceptionde l’Antiquité – orientalisme et littérature de voyage.
Le livre est suivid’une bibliographie considérable, sans équivalent, outil de travail pour leschercheurs qui en fait un ouvrage de référence. Le principe de cettebibliographie est original puisqu’elle réunit non seulement des ouvragesanciens (en particulier les travaux injustement oubliés des savants du xixe siècle) mais également les travaux lesplus récents sur la question, jusqu’en 2006. Cette bibliographie porte surl’Europe entière et est véritablement internationale, ne prenant pas seulementen compte les publications en anglais mais aussi en turc, grec, italien,anglais, allemand.
Tabledes matières
Sophie Basch& Pierre Chuvin
Introduction. Le théâtre des masques
Le masque, de l’Antiquité à l’Europemoderne
AlexandreFarnoux
L’archéologie des saltimbanques en Grèceancienne
Nathalie deChaisemartin
Matériaux pour une histoire du masque,grec et romain
Walter Puchner
Les mimes écrits et improvisés dansl’Antiquité tardive
ClaudioGalderisi
Le souffle du mime : le jongleurmédiéval entre altercatio et satire
Édith Karagiannis-Mazeaud
Masques et mascarades, du règne de François Ier àcelui d’Henri III
François Moureau
Marionnettes du Grand Siècle :l’opéra des Bamboches sous Louis XIV
Delia Gambelli
Le masque d’Arlequin : un secretéquilibre entre le corps parlant et les ombres
JacquesBerchtold
Le Neveu deRameau et l’héritage du bouffon
La redécouverte du grotesque au xixesiècle
Michel Espagne
La Geschichtedes Grotesk-Komischen de Karl-FriedrichFlögel (1729-1788)
Sylvie Humbert-Mougin
Charles Magnin (1793-1862) ou l’invention des marges du théâtre
Jean-Claude Yon
Lucien Augé de Lassus (1841-1914) : passeurculturel ou simple vulgarisateur ?
Guy Ducrey
Retours romanesques du mime antiqueautour de 1900
Olivier Bivort(Université de la Vallée d’Aoste)
Le petit théâtre de Verlaine, où il estparlé entre autres de pitres, de pantins et de pantomimes
Ombres européennes, reflets ottomans
Sophie Basch
Le Théâtre d’ombres desRomantiques : Nerval, Gautier et Champfleury, spectateurs de Karagöz
Hélène Védrine
Le Chat Noir sous l’œil noir de l’hommede Constantinople
Pierre Chuvin
Karagöz entre Aristophane et Platon
FrançoisGeorgeon
Le Rire de Bergson en turc, de l’adaptation à latraduction
Altan Gökalp
Karagöz et l’univers féminin : lasubversion de la domination masculine par la langue
Lucile Arnoux-Farnoux
Écrivains et artistes grecs devant leKaraghiozis : le cas de Tsarouchis
Paul Fournel
Guignol et Karagöz
Alberto Savinio
De Karagöz à Picasso
En guise de conclusion : « Lescomédies de la mort » de Paul de Saint-Victor
Bibliographie générale