Essai
Nouvelle parution
Ph. Lacoue-Labarthe, J.-L. Nancy, La panique politique

Ph. Lacoue-Labarthe, J.-L. Nancy, La panique politique

Publié le par Marc Escola

La panique politique - Suivi de Le peuple juif ne rêve pas
Philippe Lacoue-Labarthe, Jean-Luc Nancy

DATE DE PARUTION : 14/03/13 EDITEUR : Christian Bourgois COLLECTION : détroits ISBN : 978-2-267-02489-0 EAN : 9782267024890 PRÉSENTATION : Broché NB. DE PAGES : 104 p.


Dans la collaboration de Philippe Lacoue-Labarthe et de Jean-Luc Nancy, dont la période la plus active fut celle des années 70 et 80, la question politique occupa une place majeure, qu'elle devait à la préoccupation du temps : après 68 et la première mise en suspens ou en échec (on choisira son terme) du projet révolutionnaire en tant que projet au sens le plus plein du terme, la question de la ou du politique se faisait toujours plus pressante.

L'hésitation entre le féminin et le masculin en était elle-même un signe. On s'inquiétait d'une essence ou d'une vérité auxquelles aucune pratique ne se montrait fidèle, et surtout aucune des pratiques qui se réclamaient de diverses versions du marxisme. Cette préoccupation partagée avait abouti à la fondation d'un Centre de recherches sur le politique où de 1980 à 1984 se rencontrèrent et échangèrent la plupart de ceux qui cherchaient à faire avancer la question.
Une division finit par appeler la clôture de ce centre : en bref, l'apparition du sens nouveau de l'expression "société civile" traçait une démarcation entre ceux qui voulaient se consacrer à l'action de la dite "société" et ceux qui voulaient pousser plus loin une réflexion sur l'"Etat", l'"Etat-nation" et en définitive la forme à concevoir pour ce que le mot "civil" (aussi bien que "politique") est censé signifier.

Deux livres collectifs sont issus des travaux de ce Centre (Rejouer le politique et Le Retrait du politique, chez Galilée). De nombreux commentaires, surtout étrangers, les ont suivis. Dans les années antérieures, les deux co-fondateurs du Centre avaient été conduits dans leur enseignement commun à s'interroger sur la manière dont Freud appréhendait le phénomène politique - c'est-à-dire plus précisément le phénomène de l'existence collective, de ses conditions de possibilité.
Il en était résulté deux textes publiés l'un comme article, l'autre comme contribution à un colloque sur "La psychanalyse est-elle une histoire juive ?". Ces textes étaient traversés par une préoccupation majeure qu'on pourrait essayer d'énoncer ainsi : s'il faut renoncer à la simple imposition d'une figure (Père, Dieu, Chef, Peuple) pour étayer un être-ensemble qui ne soit pas essentiellement exposé, voire livré à la rupture dans la panique (bellum omnium contra omnes).

Cette question reste posée. Elle mène sans doute aujourd'hui à suspendre encore plus toute présupposition sur ce que "politique" aujourd'hui peut vouloir dire. Parce qu'elle reste posée, il a paru souhaitable de réunir enfin ces deux textes en un volume - alors que Philippe Lacoue-Labarthe n'est plus là pour assurer de nouveaux développements conjoints qui n'auraient certes pas manqué de s'imposer.

La lecture de cet ensemble doit garder à l'esprit sa date déjà relativement éloignée par le mouvement profond, géopolitique autant que philosophique, dans lequel nous avons été depuis plus ouvertement emportés. Mais elle peut ainsi d'autant mieux mesurer la persistance et l'insistance radicales des questions évoquées. "Radicales" doit peut-être ici s'entendre aussi au sens où si pour Marx "la racine de l'homme, c'est l'homme lui-même" cette racine elle-même se montre toujours plus difficile à repérer, pour ne pas dire à figurer.