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Peut-on documenter le pire ?

Peut-on documenter le pire ?

Publié le par Matthieu Vernet (Source : ART2DAY)

Peut-on documenter le Pire ? Session 2

dates : les mercredis  les 23 mars, 27 avril, 18 mai, 25 mai et 1er juin 2011 de 19 h à 21 h à La Maison des Ensembles, 3-5 rue d'Aligre, 75012 Paris

Autour d'une thématique d'approche délicate, parfois douloureuse, nous avons initié l'année dernière, dans les locaux du CentQuatre, une recherche collective à double détente :

Il s'agissait, dans un premier temps, de commencer à dresser une histoire évolutive des relations entre «la communauté des regards» d'une part et «les images du pire» de l'autre. Partant de la peinture d'histoire et de ses prolongements dans les oeuvres de Gerhard Richter et Andy Warhol, le séminaire a tenté de décrypter l'évolution des approches documentaires de la mémoire du pire, depuis le premier film consacré par Alain.Resnais à l'univers concentrationnaire (Nuit et Brouillard), jusqu'à la mise en crise de la logique de l'archive par Rithy Panh (S21-La machine de guerre khmère rouge). Au fil d'analyses précises des propositions de Claude Lanzmann (Shoah), Peter Watkins (La bombe), Charlie Chaplin (Le Dictateur), Quentin Tarantino (Inglorius Blasters), Ari Folman (Valse avec Bachir), Germaine Tillon (Le Verfügbar aux enfers) et certains éléments du corpus consacré au génocide rwandais par Jean Christophe Klost et Raoul Peck, nous avons interrogé le statut de l'archive, ses enjeux, ses possibilités, ses limites et ses nouveaux visages.

Pendant toute la durée de ce travail en commun, il s'est moins agi de dispenser un savoir auprès d'un auditoire, que de mettre en partage le travail de questionnement, le suspens de certaines réponses, et l'épreuve des métamorphoses que la pensée collective induit en chacun de nous. Cette aventure a été recueillie sous la forme de film, actuellement en cours de montage, qui s'attache davantage à prendre la mesure de l'impact sur les corps et les visages de la mise en commun d'une telle réflexion, que de restituer le contenu exhaustif des débats.

Cette année, n'ayant pu aboutir l'ensemble des propositions de recherches à l'occasion de ce premier séminaire de 2010, nous proposons d'ouvrir une seconde série de rencontres, qui visent à poursuivre le questionnement autour des modalités contemporaines de la «documentation du pire», ses nécessités, ses enjeux et ses pièges.


Séance n°1 / Mercredi 23 Mars 2011 / 19 h

Stéphanie Katz : Reprise et recadrage, des acquis du premier séminaire autour des questions concernant « l'archive élargie »

Séance n°2 / Mercredi 27 Avril 2011 / 19 h

Stéphanie Katz : Analyse d'un film source, réalisé par Georges Franju dès 1948 : Le sang des bêtes

Séance n°3 / Mercredi 18 mai 2011 / 19 h

Stéphanie Katz : Face et masque dans le témoignage : autour de Z32 de Avi Mograbi

Séance n°4 / Mercredi 25 Mai 2011 / 19 h

Stéphanie Katz : Retour d'expérience : comment documenter le génocide rwandais ? (Suite)

Séance n°5 / Mercredi 1er Juin 2011 / 19 h

Séance Ouverte : appel à participation pour cette séance : envoyez vos propositions à contact@art2day.fr

Alors que nous traversons une époque de bruit et de fureur, ceux d'entre nous qui sont nés après la guerre peinent à imaginer ce que fut l'épreuve intime de la terreur pour la génération qui l'a connue. Or, depuis le traumatisme de la dernière guerre, jusqu'aux douleurs contemporaines du Proche-Orient, en passant par la terreur Khmer, l'histoire du documentaire nous instruit sur cette force constitutive de l'image capable de nous apprendre à deviner pour soi-même le pire, sans pour autant le rendre spectaculaire.

Pourtant, alors qu'elle prétend nous informer, la mise en spectacle ininterrompue des carnages que produisent les médias, la presse ou Internet, semble curieusement interdire un rapport de proximité avec la douleur de la mémoire commune. Au contraire, l'exhibition de l'horreur nous dépossède de notre empathie envers ceux qui souffrent, défait les liens de la communauté, et déstructure les mobilisations collectives.

C'est dire combien la difficulté de rendre compte de la barbarie contemporaine, est au coeur de la vocation démocratique de l'information et de la création : comment suggérer la mort violente sans en faire une exhibition? Comment donner à imaginer le pire sans en faire un spectacle ? Comment rendre le spectateur solidaire, sans le transformer en voyeur culpabilisé ?

Plus encore, nous pouvons aujourd'hui prendre acte d'une transformation radicale dans notre relation aux images, transformation induite par un passage rapide du modèle des mass media, à celui du multimédia de masse.

Qu'est ce qu'induit ce changement de modèle dans la capacité des consciences à appréhender le pire ? Quelles sont les expériences documentaires visuelles contemporaines qui prennent la mesure de ces métamorphoses de nos relations aux images ?

Alors que l'information aussi bien que la création audiovisuelle, sont de plus en plus traitées comme des marchandises, la confusion entre « documenter » et « captiver » souligne qu'il devient urgent de comprendre comment un autre rapport à l'image est possible, qui construit les regards, en dénouant les pièges de la fascination morbide.

A partir d'exemple précis, films, documentaires, images télévisuelles ou tirées d'Internet, il s'agit de mettre en lumière les nouvelles approches visuelles du pire, leurs puissances ou leurs pièges. La question silencieuse qui court sous ces interrogations concerne notre capacité à transmettre notre mémoire douloureuse à nos enfants, afin qu'ils puissent un jour accomplir les deuils qui nous semblent aujourd'hui interdits.