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Appels à contributions
Paul Ricoeur et les arts

Paul Ricoeur et les arts

Publié le par Université de Lausanne (Source : Yvon Inizan )

APPEL A PROPOSITIONS / CALL FOR PAPERS:

 

Études Ricœuriennes / Ricœur Studies (ERRS)

Volume 7, N°2 (2016) / « Ricœur et les arts »

 

Les Etudes Ricœuriennes / Ricœur Studies consacreront le Volume 7, No. 2 (2016) à la question de l’art et de l’esthétique dans la philosophie de Ricœur.

Si Paul Ricœur ne place pas cette question de l’art et de l’esthétique au centre de son œuvre, comme il peut le faire avec, par exemple, les questions de l’éthique ou du politique, elle est, malgré tout, régulièrement posée et joue, sans doute, un rôle décisif qu’il convient de reconnaître. Cela paraît, en particulier, dans la période qui conduit de La Métaphore vive à Temps et récit. Quelle place peut-on donner aux arts et à l’esthétique dans la dynamique de l’anthropologie ricœurienne et de l’ontologie de l’acte et de la puissance qui la sous-tend ?

Dans La critique et la conviction (1995), Ricœur indique que sa principale contribution à ces domaines concerne sans doute la question du récit, mais il y déploie également des analyses dont la portée est bien celle de l'expérience esthétique en général. Ce texte de 1995 invite assurément à reprendre l'ensemble du parcours afin d’interroger, dans l’œuvre, l’émergence de certains éléments et principes d'un pensée philosophique de l'art. Tout à la fois, Ricœur s’y réclame d’un certain héritage kantien de l’esthétique philosophique, mais il y greffe des éléments des traditions phénoménologiques, herméneutiques, et réflexives. Sa perspective vise notamment à penser en même temps la singularité de l’œuvre d’art, sa possible universalité et, dans le sillage des réflexions de Hannah Arendt, la contribution de cette œuvre d’art à la constitution d’un monde commun.

Mais la reconnaissance de cette orientation fût d’abord confrontée à de lourds malentendus, à une réception très critique, ou même à de fortes oppositions. Ainsi, les contributeurs de Temps et récit de Paul Ricœur en débat (1990) tendent à lire Temps et récit comme une recherche obstinée de la continuité, et parlent même d’un primat qui serait accordé à la concordance sur la discordance, en lien avec le primat aristotélicien du muthos tragique. Ils en déduisent une difficulté – voire une incapacité – pour le philosophe à bien comprendre les ruptures constitutives de l'art moderne et contemporain, l’ouverture à la radicale nouveauté, les liens avec les utopies politiques, et le perpetuum mobile des avant-gardes. Sur un autre plan qui concerne, cette fois, le rapport épistémique aux fonctionnements symboliques et la valeur cognitive des arts, une lecture tout aussi critique est apparue, en particulier chez des spécialistes francophones en esthétique ou philosophie analytique de l’art, et cela, bien que Ricœur ait fait œuvre de pionnier en incluant, dans ses analyses, des références aux travaux de Beardsley, Goodman ou Danto. Que l’on se place dans le champ littéraire aussi bien que dans celui des arts visuels, dans le prolongement des théories critiques ou de la tradition analytique, la contribution ricœurienne à la philosophie de l’art ou de l’esthétique n’a sans doute pas été suffisamment reconnue.

Or, ces critiques révèlent, vraisemblablement, une mécompréhension et une méconnaissance de la pensée de Ricœur. Certains concepts développés dans ces deux écrits jumeaux que sont La Métaphore vive et Temps et récit pourraient avoir obscurci et limité le champ des analyses dès lors qu’ils ne sont pas ressaisis dans la dynamique d'ensemble de l’herméneutique ricœurienne. Peut-on, par exemple, parler vraiment d’un primat de la concordance sur la discordance dans cette pensée herméneutique ? Les choses se révèlent être bien plus complexes à l’échelle de l’ensemble du corpus ricœurien. Ainsi, c’est sous le double éclairage d’une philosophie de l’imagination et d’une herméneutique critique – dont on peut mieux reconnaître aujourd’hui la centralité dans la pensée ricœurienne – qu’il est nécessaire de se placer.

La philosophie ricœurienne de l’imagination nous engage dans un rapport à la créativité, à un imaginaire collectif, et à une dialectique de l’être et de l’action par laquelle se joue aussi un rapport au non-philosophique. La notion d’herméneutique critique renvoie au travail réflexif opéré sur la tradition herméneutique et au travail de réappropriation ou d’assimilation de points venus d’autres traditions, y compris celles qui sont parfois les plus hostiles à l’égard de l’herméneutique (comme la critique des idéologies). Dès lors, on cherchera à interroger la relation de la pensée ricœurienne au domaine des arts et de l’esthétique en dégageant, notamment, trois axes d’étude : (a) la problématisation ricœurienne du poétique et de l’esthétique, (b) les rapports que cette pensée ricœurienne entretient avec l’objet artistique, l’expérience esthétique, le monde du texte ou de l’œuvre, (c) les liens entre cette herméneutique réflexive et une conception philosophique de l’art.

(a) Pour ce qui concerne la problématisation ricœurienne du poétique et de l’esthétique, on pourra chercher à mieux éclairer l’émergence, dans le cadre de la constitution progressive de sa poétique et de sa philosophie de l’imagination, des éléments susceptibles de contribuer à l’élaboration d’une philosophie de l’art et d’une pensée de la création. Il s’agit, dans ce cadre, d’éclairer d’une façon nouvelle, la nature de la poétique, la pensée du symbole, l’analyse de la métaphore et du récit, ainsi que, plus généralement, les apports ricœuriens à une philosophie de la fiction.

(b) Pour ce qui concerne le rapport à l’objet artistique, à l’expérience esthétique et au monde du texte ou de l’œuvre, il s’agit de considérer plus spécifiquement les liens de la philosophie ricœurienne à diverses œuvres d’art, expressions artistiques ou conduites esthétiques. Il convient alors de revenir sur le rapport constant, et si important, de Ricœur aux grandes œuvres littéraires et aux études ou théories littéraires, mais aussi d’interroger de manière approfondie le rapport avec les domaines des arts visuels, du cinéma, de l’architecture ou de la musique.

(c) Pour ce qui concerne, enfin, le plan de l’herméneutique réflexive et d’une conception philosophique de l’art, on cherchera à voir comment Ricœur pense une articulation entre une approche phénoménologique, une approche analytique et une démarche critique dans le cadre d'une herméneutique réflexive, et les efforts constants pour intégrer ces différentes méthodes. Sur ce plan, la pensée de Ricœur entre en dialogue non seulement avec la théorie critique (Benjamin, Habermas, Rochlitz), la tradition herméneutique (représentée au premier chef par Gadamer) et la philosophie analytique (Beardsley, Goodman, etc.), mais elle s’intéresse aussi aux théories de la réception, à la conception freudienne de l’art, au pragmatisme ainsi qu’à d’autres perspectives théoriques sur l’art (Langer, Valéry, Arendt, Dufrenne, Genette, etc.) et l’histoire de l’art.

Tout en favorisant la mise au jour d’une philosophie ricœurienne de l’art et de l’esthétique, ce volume peut également recueillir des contributions s’intéressant à ce qui pourrait apparaître comme des points aveugles de la pensée ricœurienne dans ce domaine. On peut penser, par exemple, à une forme de privilège accordé au lien de l’esthétique à la poétique et à l’éthique plutôt qu’à celui entre esthétique et politique qui est au cœur du discours des avant-gardes, ou encore au rapport à la question de la perception qui intéressent la phénoménologie merleau-pontienne, l’empirisme transcendantal deleuzien, mais aussi toute approche entretenant peu ou prou un lien avec le cognitivisme.

 

Date limite de transmission des textes : 15 septembre 2016.


Nombre de caractères max. (espaces compris, notes incluses) : 50 000 caractères. Les contributions doivent être rédigées en français ou en anglais.

 

Format : Pour les questions de style, le journal suit le Chicago Manual of Style.

Voir sur le site de la Revue, la rubrique « Directives aux auteurs » :

http://Ricœur.pitt.edu/ojs/index.php/Ricœur/about/submissions#onlineSubmissions.

 

Les articles qui ne respecteront pas ces contraintes éditoriales ne seront pas examinés.

 

Instructions aux auteurs : Pour soumettre un article, les auteurs doivent s'inscrire sur le site du Journal : http://Ricœur.pitt.edu/ojs/index.php/Ricœur/user/register. Les auteurs doivent suivre un parcours rapide (en cinq étapes) pour télécharger leur article sur le site. Dès réception, les auteurs reçoivent un e-mail de confirmation. Tous les articles sont soumis à une procédure d'évaluation dite à l'aveugle par des pairs. 


 

Editeurs invités : Yvon Inizan et Samuel Lelièvre.

 

Eileen Brennan et Jean-Luc Amalric, co-éditeurs Études Ricœuriennes/Ricœur Studies Journal <http://Ricœur.pitt.edu/> 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CALL FOR PAPERS / APPEL A PROPOSITIONS :

 

Études Ricœuriennes / Ricœur Studies (ERRS)

 

Volume 7, N°2 (2016) /  Ricœur and the Arts

 

Etudes Ricœuriennes / Ricœur Studies Vol. 7, No. 2 (2016) will be dedicated to the issues of art and aesthetics in Ricœur’s philosophy.

 

Even if Paul Ricœur does not place this question concerning art and aesthetics at the center of his philosophy, as he is able to do in the case of the questions of ethics and politics, it is still a question that he often raises and one that plays an important role in his work, something that really needs to be acknowledged. This is particularly apparent in the period that begins with The Rule of the Metaphor and ends with Time and Narrative. What place should one accord, then, to aesthetics and the arts in the dynamics of Ricœur’s anthropology and the ontology of action and power that underpins it?

 

In Critique and Conviction (1995), Ricoeur suggests that his main contribution to these areas undoubtedly lies in his work on narrative, but there he also develops analyses whose scope extends to aesthetic experience in general. This text of 1995 certainly encourages us to go back to the route travelled by Ricœur in order to examine the emergence, in that work, of elements or principles which can inform a philosophical way of thinking about art. Ricœur lays claim to a Kantian legacy in philosophical aesthetics, whilst grafting elements from the phenomenological, hermeneutic, and reflexive traditions onto it. Among other things, he aims to reflect on the singularity of the artwork, its possible universality and, following Hannah Arendt, the contribution that this art work makes to the constitution of a shared world.

 

However, before this orientation could be given due recognition, it had to confront some serious misunderstandings and a very critical reception or even strong opposition. The contributors to Temps et récit de Paul Ricœur en débat (1990) are a case in point. They tend to read Time and Narrative as a dogged search for continuity and even talk about the possibility that concordance has been given primacy over discordance there, in line with the Aristotelian primacy of tragic muthos. From this they infer that the philosopher has difficulty – or is incapable of – properly understanding the fundamental ruptures of modern and contemporary art, the openness to radical novelty, the connections with political utopias and the perpetuum mobile of avant-gardes. An equally critical reading appeared on another level. This time the concern was the epistemic relation to symbolic functioning and the cognitive value of the arts. These critics were largely Francophone specialists in analytic aesthetics or analytic philosophy of art. Ironically, Ricœur had carried out pioneering work in this area by including references to the works of Beardsley, Goodman and Danto in his own analyses. Irrespective of whether one takes up a position in the fields of literature or the visual arts, in the tradition of critical theory or in that of analytic philosophy, Ricœur’s contribution to the philosophy of art and aesthetics has undoubtedly not received the recognition that it deserves.

 

In all likelihood, the criticisms display a misunderstanding and a lack of knowledge of Ricœur’s thought. Some concepts developed in the paired texts, The Rule of the Metaphor and Time and Narrative, may have obscured and limited the scope of the analyses as a consequence of not being recaptured in the dynamics of the whole of Ricœur’s hermeneutics. Can we really speak, in hermeneutics, about a primacy of concordance over discordance? Things prove to be a lot more complex at the level of the entire Ricœurian corpus. So, it is necessary to take up a position that is illuminated by two sources, a philosophy of imagination and a critical hermeneutics, whose central place in Ricœur’s thought we are better able to recognize today.

 

Ricœur's philosophy of imagination involves us in relationships with creativity, a collective imaginary and a dialectic of being and action through which a relationship with the non-philosophical also comes into play. The notion of critical hermeneutics refers to reflexive work, carried out on the hermeneutic tradition, and work that involves re-appropriating or assimilating items from other traditions, including those that are sometimes strongly hostile to hermeneutics (e.g. the critique of ideology). That being the case, we will try to examine the relationship between Ricœur’s thought and the field of the arts and aesthetics, separating out three areas of study in particular: (a) Ricœur’s problematization of the poetic and the aesthetic, (b) the relationships that Ricœur’s thought maintains with the artistic object, aesthetic experience, and the world of the text or the work, (c) the links between this reflexive hermeneutics and a philosophical conception of art.

 

(a) With regard to Ricœur’s problematization of poetics and aesthetics, one could try to throw light on those elements that have the capacity to contribute to a careful working out of a philosophy of art and a philosophy of creation as they emerge within the framework of the gradual formation of his poetics and philosophy of imagination. In this context, it is a matter of illuminating, in a new way, the nature of the poetic, thought about the symbol, and the analysis of metaphor and narrative, as well as, more generally, Ricœurian contributions to a philosophy of fiction.

 

(b) With regard to the relationship with the artistic object, the aesthetic experience and the world of the text or work, one could consider in more precise detail the links between Ricœurian philosophy and various works of art, artistic expressions and aesthetic comportments. It is, then, appropriate to reconsider Ricœur’s constant and very important connection with the great works of literature and literary studies or literary theories, but also to thoroughly examine his relationship with the fields of the visual arts, cinema, architecture or music.

 

(c) Finally, with regard to the level of reflexive hermeneutics and a philosophical conception of art, one could try to see how Ricœur links a phenomenological approach, an analytical approach and a critical procedure in the framework of a reflexive hermeneutics, noting the sustained effort to integrate these various methods. At this level, Ricœur’s thought enters into dialogue not only with critical theory (Benjamin, Habermas, Rochlitz), the hermeneutic tradition (represented largely by Gadamer) and analytic philosophy (Beardsley, Goodman, etc.), but it is also interested in reception theories, the Freudian conception of art, and pragmatism as well as other theoretical perspectives on art (Langer, Valery, Arendt, Dufrenne, and Genette) and history of art.

 

While the volume has a preference for contributions that discover a Ricœurian philosophy of art and aesthetics, it remains open to contributions that are interested in what could seem like blind spots in Ricœur’s thinking in this area. For example, one might think of a type of privilege afforded to the link between aesthetics and poetics and ethics at the expense of the link between aesthetics and politics, something which lies at the heart of the discourse of the avant-gardes, or alternatively, one might think of the relation to the question of perception, which is of interest to Merleau-Ponty’s phenomenology, Deleuze's transcendental empiricism, but also to every approach that maintains to a greater or lesser degree a link to cognitivism.

 

Closing date for the submission of texts: 15th  of September 2016.

 

Length: 10,000 words maximum (50,000 characters). This includes text and endnotes. Articles may be written either in English or in French.

 

Format and style: The journal follows the Chicago Manual of Style.

See the rubric ‘Author Guidelines’ on the journal’s website: http://Ricoeur.pitt.edu/ojs/index.php/Ricoeur/about/submissions#onlineSubmissions.

The editors cannot consider articles that do not follow these guidelines.

 

Instructions to authors: In order to submit an article, authors need to register on the journal website: http://Ricoeur.pitt.edu/ojs/index.php/Ricoeur/user/register. There is a quick, five-step procedure to upload articles to the website. As soon as articles are uploaded, authors will receive a confirmation email. All articles will be peer-reviewed by two referees in a ‘double blind’ process.

 

Guest editors: Yvon Inizan and Samuel Lelievre

 

Eileen Brennan and Jean-Luc Amalric, co-editors Études Ricœuriennes/Ricœur Studies Journal
 <http://Ricoeur.pitt.edu/>