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Passage(s) et transgression(s). Journée des doctorants de l'Ecole doctorale

Passage(s) et transgression(s). Journée des doctorants de l'Ecole doctorale "Pratique et théorie du sens" (Paris)

Publié le par Romain Bionda (Source : Marie Gil)

Passage(s) et transgression(s) 

 

 

Un nombre conséquent de rencontres scientifiques ont consacré une réflexion riche et multidisciplinaire à la notion de « passage ». Elle intéresse en effet des domaines de recherche variés, de l’architecture à l’histoire en passant par la sociologie, la littérature, les sciences de l’éducation et l’histoire de l’art, chacun·e développant un rapport propre à la notion tout en faisant émerger des objets de réflexion communs. 

Le passage, qui est tout à la fois une action et un lieu, prend des formes multiples et complexes. Ces acceptions du terme créent des configurations espace-temps chaque fois particulières. Le passage, chemin que l’on se fraie, peut aussi être une « sortie du sillon », un « écart de route ». En conséquence, dans sa dimension éphémère et contingente, le passage ne constituerait-il pas une forme de transgression ? Si la notion de passage parcourt et mobilise diverses disciplines, son rapport à la transgression reste encore à approfondir. 

L’étymologie du mot propose un point de départ à cette interrogation. Le mot français s’est formé sur le latin passus qui veut dire « pas ». Il renvoie ainsi au mouvement, au déplacement et à la transition [1]. Les études littéraires apportent explicitement une réflexion sur la richesse sémantique et la puissance évocatrice du mot. Cependant, son emploi dans de nombreuses expressions figées le soumet au risque de devenir un mot valise et, selon la formule de Walter Benjamin, au risque d’une « perte de son aura ». De manière explicite, la notion de passage convoque la question spatiale. Ainsi, au plan topographique, elle interroge d’emblée les notions de frontières et de limites, puis elle ouvre une voie directe à la question topologique, en interrogeant le contexte que cet espace met en place. En effet, le passage implique d’abord le corps du sujet, puis les rapports qu’il installe avec les autres. Ainsi, comment cet espace influe-t-il sur la rencontre ? 

La notion présente aussi une réelle ambiguïté : en tant qu’action, le passage implique nécessairement un mouvement. Mais il est aussi un repère, tant vis à vis des générations antérieures [2] que dans la construction du sujet [3]. À la fois fixe et en action, dans sa tendance continue vers « autre chose », le passage ne serait-il pas surtout une transgression toujours renouvelée ? L’étymologie du verbe transgresser, du latin transgressum, « aller au delà », incite en effet à réfléchir à l’articulation de ces deux termes. En quoi le passage que l’on se fraie est aussi un moyen de détour, une sortie possible du sillon, (sans retour possible)? Comment les pratiques et les constructions théoriques individuelles se situent-elles par rapport à la norme, à la loi ou à l’éthique, au point de remettre en cause la question de la normalité? L’étymologie du mot “délire” renvoie à cette idée de détour, d’éloignement du sillon creusé au point de faire entendre dans « passage » la négation de « sage». 

Les communicant·e·s sont invité·e·s à convoquer la notion de passage dans leurs domaines de recherche, en la conceptualisant chaque fois en rapport avec l’idée de transgression. Nous vous proposons quelques suggestions d’axes pour vous encourager à trouver « votre passage » dans cette 10e Journée des doctorant·e·s de l’école doctorale Pratiques et Théories du Sens de l’Université Paris 8. Journée des doctorants Ecole Doctorale 31 « Pratiques et théories du sens » Université Paris 8, le 15 mai 2018

 

Axe 1 : Entre-deux : espace et temps 

Le passage est un phénomène paradoxal qui réunit l’idée de continuité et celle de fragment [4]. Il peut être un lieu de croisements, mais aussi de rencontres conflictuelles ou manquées un « non-lieu » [5], laissé sans attention. Un espace générant du mouvement, créant une dynamique, mais nécessitant parfois l’arrêt, ouvrant le champ des possibles et, alors, exigeant un choix. 

Axe 2 : De l’interdisciplinarité à l’indiscipline 

Alors qu’interdisciplinarité et transdisciplinarité sont de plus en plus convoquées dans les recherches en sciences humaines, il est intéressant de questionner ce qui réunit chercheur·se·s et doctorant·e·s dans leurs points de passages entre les disciplines qu’elles/ils sont appelé·e·s à construire, faisant émerger les studies comme alternatives aux catégories disciplinaires [6]. Mais cet entrecroisement des disciplines universitaires est-il toujours un atout ? Et si la réflexion sur les passages nous invitait à penser au-delà des intersections, laissant place à l'indiscipline [7] ou l’antidiscipline [8]. 

Axe 3: Passage et transmission 

La nature des relations entre les acteur·trice·s du processus de transmission met en scène des relations d’asymétrie ou de réciprocité amenant à penser les notions de sollicitude, de pouvoir, d’aliénation, de domination, d'assujettissement, de confiance, d’autonomie. Le passage peut aussi supposer la transformation, le passage d’un état à un autre (de l’enfance à l’âge adulte, d’un clan à un autre, d’un genre à un autre, etc.), marqué par un rituel ou épreuve qui peut être tant collectif qu’individuel [9] et pouvant aller jusqu’à s’inscrire durablement sur le corps [10]. De la séparation à l’agrégation [11], comment ces passages de savoirs, de pratiques, d’expériences s’expriment-ils au regard de leurs ancrages culturels, théoriques ou disciplinaires ? Si le rite de passage comprend, permet, suppose une forme de transgression, comment appréhender les sauts, les ruptures nécessaires dans le processus continu de la transmission? 

Axe 4 : Transformation, adaptation 

Quelles transformations s’opèrent lors du passage de l’oeuvre d’un état à un autre ? De l’oral à l’écrit et inversement, d’un style à un autre, d’une langue à une autre [12], autrement dit, d’un système signifiant à un autre ? Comment évaluer chaque fois les transformations des biens symboliques (d’après le terme de Bourdieu) qui relèvent de l'art, de la culture, des productions intellectuelles : peinture, films, romans, discours savants, cultures populaires, idées politiques dont on peut étudier les univers de production, de circulation, de réception, etc. En quoi l’adaptation d’une oeuvre peut-elle se voir transgressive par rapport à l’original? La question porte à la fois sur la valeur de l’adaptation, mais avec elle, sur la valeur des oeuvres elles-mêmes. Cet axe mobilise alors en même temps les travaux sur l'adaptation en cinématographie, musique, photographie, théâtre ; sur des pratiques contemporaines comme le remix et le mashup ; les études sur l’interaction entre le texte et l’image [13], le texte et la musique au sein de la même oeuvre et sur le passage du concept à sa mise en forme ou en geste dans les arts, puis de cette création artistique aux multiples interprétations qui peuvent en être faites. Journée des doctorants Ecole Doctorale 31 « Pratiques et théories du sens » Université Paris 8, le 15 mai 2018 

 

 

Journée des doctorants organiséé par l’Ecole Doctorale « Pratiques et théories du sens », le 15 mai 2018, Université Paris 8, Salle B106. 

Modalités de soumission : 

Les propositions de communication sont attendues pour le 30 mars 2018, de 2000 à 3000 signes, à envoyer à : 

Kévin BIDEAUX : bideaux.kevin@gmail.com 

Marie-Dominique GIL : gil.mariedominique@gmail.com 

Les propositions devront comporter les éléments suivants : 

Le nom, les coordonnées et l’institution du/des auteur.e.s. 

Date limite de l’envoi des propositions : le 30 mars 2018. 

Communication des avis du Comité d’organisation : mi-avril. 

[1] J. -F. Geist, 1989. Le passage. Un type architectural du XIXe siècle. Bruxelles, Pierre Mardaga. 

[2] Hannah Arendt, 1954. « What is Authority », The Portable Hannah Arendt. New York, Penguin Books, pp. 462-507. 

[3] Jean-Jacques Rassial, 1996. Le Passage adolescent, de la famille au lien social. Toulouse, Érès. 

[4] Walter Benjamin, 1989 [1935]. Paris capitale du XIXe siècle, le livre des passages, traduit de l’allemand par Jean Lacoste. Paris, Le Cerf. 

[5] Marc Augé, 1992. Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité. Paris, Le Seuil. 

[6] Frédéric Darbellay, 2014. « Où vont les studies ? Interdisciplinarité, transformation disciplinaire et pensée dialogique », Questions de communication, 25, « La ville, une oeuvre ouverte ? », pp. 173-186. 

[7] Yves Citton, 2007. Lire, interpréter, actualiser. Pourquoi les études littéraires ? Paris, Amsterdam. 

[8] David Batchelor, 2001 [2000]. La Peur de la couleur. Traduit de l’anglais par Patricia Delcourt. Paris, Autrement. 

[9] David Le Breton, 2002. Signes d’Identité. Paris, Métaillé. 

[10] France Borel, 1992. Le Vêtement incarné : Les métamorphoses du corps. Paris, Calmann-Levy. 

11] Arnold Van Gennep, 1981. Les rites de passages. Paris, Stock, (1909). 

[12] George Mounin, 1994. Les belles infidèles. Lille, Presses Universitaires de Lille. 

[13] Henri Michaux, 1979. Saisir. Montpellier, Fata Morgana.