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Paralipses. Ces fictions qui s'écrivent dans l'ignorance de leur fin (séminaire Master & Doctorat)

Paralipses. Ces fictions qui s'écrivent dans l'ignorance de leur fin (séminaire Master & Doctorat)

Publié le par Marc Escola

Séminaire de Master & Doctorat de Marc Escola

Université Paris 8, M° Saint-Denis Université, Bât. B2, salle 104

Tous les jeudis, 15h-18h, du 14 octobre au 20 janvier, à l'exception des 11 & 18 nov., 23 & 30 déc.


Paralipses. Ces fictions quis'écrivent dans l'ignorance de leur fin

La poétique du récit (ounarratologie) a voulu étudier les romans comme des oeuvres achevées et destotalités sinon closes tout au moins complètes, en valorisant leur dénouementpour étudier « à rebours » la construction de la narration ;toute fiction narrative s'écrirait selon un principe de « causalitérégressive », l'ultime épisode conditionnant toutes les péripétiesantérieures. 

C'est faire trop peu de casdes romans publiés par « parties séparées », comme ce fut massivementl'usage pour les longs romans de l'âge baroque (D'Urfé, Scudéry, etc.), ou lesromans-mémoires du premier dix-huitième siècle (Marivaux, Crébillon, Prévost…),les romans-feuilletons du XIXe (P. Féval, A. Dumas, E. Sue, et mêmeBalzac pour certains de ses titres…) ou encore les séries télévisées qui sont aujourd'huil'une des formes majeures de la fiction : pour ces quatre catégories de récitau moins, la parution du premier épisode ne supposait en rien que l'oeuvre fûtd'abord achevée.

On fera l'hypothèse qu'ilexiste deux catégories de fictions : celles produites à partir d'uncanevas préalable qui « prévoit » le dénouement, dont s'est surtoutoccupée jusqu'ici la poétique ; et les fictions écrites dans l'ignorancede leur fin, dont l'étude appelle peut-être une révision des catégoriesusuelles de la narratologie : les romanciers de l'âge baroque et ceux du siècledes Lumières, comme après eux les « feuilletonistes » ou lesscénaristes d'aujourd'hui, écrivent sans trop s'occuper de l'achèvement d'unehistoire qu'ils livrent au public par « parties séparées » ou« épisodes ». Le mode de parution « périodique » de cesoeuvres « ouvertes » avant la lettre interdit en pratique au romanciertout repentir : c'est à chaque instant que la continuation du roman doitassumer le « passé » narratif sans pouvoir procéder à desréaménagements locaux, en espérant résoudre dans une fuite en avant lestensions, apories ou dilemmes antérieurement mis en place — selon unéventail de procédés dont l'inventaire reste à faire et que l'on propose deréunir sous le nom de « paralipses ».

On procèdera d'abord à unréexamen des catégories de la poétique (telles que définies par les théoriciensmodernes du récit, notamment G. Genette dans Figures III, mais aussi R. Barthes, T. Todorov, C. Brémond, P.Ricoeur…) : ce sera l'occasion de revenir sur les grands textes fondateursde la narratologie, et de reprendre à nouveaux frais la question de« l'arbitraire du récit » de fiction telle que formulée par P. Valéryet A. Breton. On mettra ensuite notre hypothèse à l'épreuve d'un unique romaninachevé de Marivaux : Le Paysanparvenu, et d'une série télévisuelle contemporaine : Six Feet Under (les étudiants sontinvités à visionner au préalable les épisodes de la première« saison », facilement disponibles en DVD).

Oeuvresau programme :

Marivaux, Le Paysan parvenu (1734-1735), éd. É. Leborgne, GF-Flammarion, 2010.

Série Six Feet Under, saison 1, production HBO.

Bibliographieindicative :

Théorie de la littérature, textes des formalistes russes, trad. fr. T.Todorov, Seuil, coll. « Poétique », 1965 ; rééd. coll.« Points ».

Communications, 8, 1966: L'Analyse structuraledu récit, rééd. Seuil, coll. « Points », art. de R. Barthes, C.Brémond et T. Todorov notamment.

G. Genette, « Vraisemblance et motivation »,[in :] Figures II, Seuil, 1969 ;rééd. coll. « Points »

G. Genette, « Discours du récit » (in : Figures III, Seuil, 1972) et Nouveau discours du récit, Seuil,1983) ; les deux essais sont désormais regroupés dans un seul vol. de lacoll. « Points », Seuil, 2007. Une synthèse en sera distribuée lors des premières séances

C. Brémond, Logique durécit, Seuil, 1973.

C. Grivel, La Productionde l'intérêt romanesque, Paris-La Haye, Mouton, 1973.

P. Ricoeur, Temps et récit,t. I, Seuil, 1983.

M. Escola, « Le clou deTchekhov. Retour sur le principe de causalité régressive » (2009), Atelierde Théorie Littéraire du site Fabula : http://www.fabula.org/atelier.php?Principe_de_causalite_regressive.