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 Parade sauvage nº 23 (2011), dossier sur l'Album zutique

Parade sauvage nº 23 (2011), dossier sur l'Album zutique

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Seth Whidden)

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Paradesauvage : revue d'études rimbaldiennes nº 23 (2011), avec un dossier sur l'Album zutique (dir. Seth WHIDDEN)


  Depuis le célèbre « incident Carjat » lors d'undîner des Vilains Bonshommes, on a tendance à insister sur la précocité deRimbaud, « De Charleville s'arrivé », au sein du groupe. (Léon Valadealla jusqu'à le décrire, dans une lettre à Jules Claretie du 11 octobre 1871, comme« le plus effrayant exemple de précocité mûre que nous ayons jamais vu » (1).) Cependant, à trop mettre l'accent sur la contribution deRimbaud, on a tendance à négliger l'atmosphère déjà bien zutique ducercle ; en effet, Verlaine constatait déjà en 1869 dans une lettre à FrançoisCoppée que « le dîner […] des VilainsBonshommes […] s'[était] enrichi d'un album où toutes les ignominies sontseules admises » (2).

  Ces ignominies ne sont nullement le résultat du toutpremier cénacle littéraire ; en ceci les Bonshommes s'inscrivent dans unelongue tradition (3). De même, cecercle zutique n'est qu'un exemple du fumisme qui se répand au fur et à mesurequ'approche la fin de siècle (4). Enquoi ces zutistes étaient-ils différents des autres groupes d'artistes et d'écrivains ?De quoi s'agit-il, au juste, dans l'Albumzutique, et quelle place y occupe réellement le jeune carolopolitain ?

  Cet Album secaractérise en partie par son aspect fortement collaboratif. Si on a depuis longtemps traité avec peu de respectla littérature écrite en collaboration – dans Les Faux-monnayeurs, Olivier affirme qu' « aucun chef-d'oeuvren'est le résultat d'une collaboration » (5) – , ce choix d'écriture est davantage admis dans le théâtreet dans la prose, les lecteurs et la critique manifestant un certainattachement au mythe du poète comme génie solitaire (6).

  L'étude de la contribution rimbaldienne à l'Album se complique davantage à cause dela variété des textes. Certains parodient des dizains de François Coppée :si l'analyse de l'aspect parodique dans le contexte socio-littéraire de l'époques'est déjà montrée extrêmement prometteuse (7),ce travail appliqué de manière approfondie aux textes rimbaldiens dans l'Album zutique reste à faire. Une telle étudedoit prendre en considération des poèmes complets qui ont heurté la critiqued'autrefois comme « Mais enfin, c…. » et des « Bouts-rimés » – morceaux de vers incomplets – etd'autres contributions zutiques qui ne figureraient assurément pas dans unbilan traditionnel d'une oeuvre poétique. La critique a également peu évoqué lesaudaces de versification de Rimbaud dans l'Albumzutique (8) ; des poèmesmonosyllabiques, des sonnets complets, des poèmes en distiques, des « VieuxCoppées » : comment regrouper des textes aussi divergents queceux-ci ? Dans d'autres textes de l'Album,on note le conflit entre la forme et le fond, une tension très présentedans le recueil, à divers degrés (9) ;déjà dans sa lettre à Coppée, Verlaine traitait l'Album de « monument gougnotto-merdo-pédérasto-lyrique ».L'édition de Rimbaud, toujours en évolution, doit se confronter à la questionde prendre ou non au sérieux une série de poèmes intitulée « Conneries » :que faire de ce paradoxe ? Derrière les choix éditoriaux, du bruit ou dusilence critique, il faut savoir quelle importance attribuer à ces textes dansl'oeuvre de Rimbaud, et déterminer la manière dont la critique rimbaldienne a luet compris ces poèmes, depuis leur parution il y a plus de soixante ans.

  D'autres textes encore relèvent du domaine social etremettent directement en question la matière de base de la poétique – ici onpense par exemple au poème « Paris » de la même série « Conneries »,et son bilan : « Al. Godillot, Gambier, / Galopeau, Volf-Pleyel, / – ÔRobinets ! – Menier, / – Ô Christs ! – Leperdriel ! ».Toute goutte d'encre tombant de la plume de Rimbaud relève-t-elle de la littérature,de la poésie ? (10). Sera remisen question, dans le contexte de toute l'oeuvre rimbaldienne, le statut de sescontributions à l'Album qui existentle plus souvent dans une sorte de « no man's land » critique inséré àla suite des catégories (déjà factices et problématiques) de « Poésies »,« Derniers vers », etc., entre le sérieux et le ludique, tout à lafois à cheval entre ces ensembles et nulle part. Si, comme l'a constaté Valadedans une lettre à Emile Blémont, « c'est un génie qui se lève » (11), dans quelle mesure l'époquezutique a-t-elle aidé le génie rimbaldien à se lever, à devenir génie ? Lapériode zutique constitue-t-elle chez Rimbaud « une étape pivot, un momentcharnière dans son évolution poétique » ? (12)

  Ce numéro de la revue Paradesauvage : revue d'études rimbaldiennes rassemblera des études sur le célèbrerecueil de 1871. (Dans une autre partie du numéro, « Varia », la revue fera égalementde la place pour quelques autres études sur Rimbaud qui ne traitent pas l'Album.)

  La situation de Rimbaud dans l'Album zutique, et de l'Albumzutique au sein de l'oeuvre de Rimbaud : telles seront les deux axesselon lesquels se poursuivront nos questions. Le discours rimbaldien – « sérieux,ludique et satirique, pouvant tout aussi bien être ironique, polémique,humoristique » (13) – trouvedonc sa place dans le discours zutique. Ce dossier spécial de la revue Parade sauvage, sur « Rimbaud et l'Album zutique », se propose deremettre en lumière cette période de l'oeuvre du poète, en soulignant particulièrementles rôles qu'y jouent la parodie, la collaboration et l'aspect socio-littérairedu projet zutique. L'équipe de rédaction de la revue vise un équilibre entredes articles généraux portant sur l'Album(où Rimbaud sera toutefois sollicité) et des études de poèmes ou de séries depoèmes de Rimbaud appartenant à ce même ensemble.

  Les personnes intéressées sont priées d'envoyer une propositiond'article (un titre et un résumé d'une dizaine de lignes) d'ici le 1er octobre2009 à Seth Whidden (seth.whidden@villanova.edu / paradesauvagerevue@yahoo.fr).Les textes, d'une longueur maximale de 30 000 signes (espacements compris),devront être envoyés au plus tard le 1er octobre 2010.

 

Réception d'articles : jusqu'au 1er octobre 2010

Réponse du comité de rédaction : novembre 2010

Date limite pour réception d'épreuves corrigées : 15janvier 2011

Parution du numéro : mars 2011

 

 

 

(1) Cité dans Jean-Jacques Lefrère, « Quand Rimbaudcomparaissait devant les Vilains Bonshommes », Parade sauvage, 14, 1997, 57.

(2) Paul Verlaine Correspondance générale, éd. Michael Pakenham, tome 1 (1857–1885), Paris,Fayard, 2005, 158.

(3) Voir sur ceci les études d'AnthonyGlinoer sur le petit cénacle et la poésie cénaculaire, dont « Collaborationand Solidarity : The Collective Strategies of the Romantic Cenacle »in Models of Collaboration inNineteenth-Century French Literature : Several Authors, One Pen, éd.Seth Whidden, Ashgate, 2009, à paraître.

(4) Voir Daniel Grojnowski, Aux commencements du rire moderne : L'esprit fumiste, JoséCorti, 1997.

(5) André Gide, Les faux-monnayeurs, Paris,Gallimard/Folio, 1925, 357.

(6) Voir notre « Introduction :On Collaboration » dans Models of Collaboration in Nineteenth-CenturyFrench Literature, op. cit.

(7) Voir les étudesimportantes de Daniel Sangsue, dont (entre autres) : La Relation parodique, Paris, José Corti, coll. Les Essais, 2007;et La Parodie, Paris, Hachette, coll.Contours littéraires, 1994.

(8) A une exception près: celle de Benoît de Cornulier, « L'Alexandrinzutique métricométrifié », Rimbaud cent ans après, Paradesauvage colloque 3 (5-10 septembre 1991), éd. Steve Murphy,Charleville-Mézières, 1992, 83-86.

(9) Voir Steve Murphy, Le Premier Rimbaud ou l'apprentissage de lasubversion, Paris/Lyon, CNRS/Presses universitaires de Lyon, 1990, 252.Pour « la présence rimbaldienne […] on ne peu plus variée » dans l'Album, voir notre « LesTransgressions de Rimbaud dans L'Albumzutique », Parade sauvage,numéro spécial, hommage à Steve Murphy, 2008, 404-413.

(10) On a posé cette question dans un autre contexte,dans « Réponse à une enquête : ‘L'homme à la grammaireespagnole' », Histoires littéraires,22, avril-june 2005, 64-66.

(11) Etiemble, LeMythe de Rimbaud, t. 1, Paris, Gallimard, 1968, 36.

(12) Françoise Dragacci-Paulsen, « De l' “Album zutique” et du poème rimbaldien(fin septembre 1871-mars 1872) », Studifrancesi 125, 42, mai-août 1998, 245. Voir aussi Kristin Ross, The Emergence of Social Space : Rimbaudand the Paris Commune, University of Minnesota Press, 1988, 134-136.

(13) Françoise Dragacci-Paulsen, op. cit., 252.