Essai
Nouvelle parution
P. Szondi, La théorie du drame moderne

P. Szondi, La théorie du drame moderne

Publié le par Marie de Gandt (Source : éditeur)

P. Szondi, La théorie du drame moderne, traduction de Sibylle Muller, éd. Circé, 2006.
ISBN: 09/2006284242218X.



Présentation de l'éditeur:
La Théorie du drame moderne, publié pour la première fois en Allemagne en 1956, est le premier ouvrage de Peter Szondi (1929-1971). Il s'inscrit dans la tradition, ouverte par Hegel, d'une esthé­tique historique où s'illustrent Théorie du roman de Lukacs, Origine du drame baroque allemand de Benjamin et Philosophie de la nouvelle musique d'Adorno. Partant du principe hégélien de l'identité de la forme et du contenu, Szondi établit le constat que la forme dramatique fait l'objet à la fin du XIXe siècle d'une crise fondamentale due à l'introduction d'éléments épiques en son sein.

Sur un mode dialectique, Peter Szondi répertorie les «tentatives de sauvetage» de la forme ancienne en dépit des contenus nouveaux (naturalisme, pièce de conversation, pièce en un acte, etc.) puis les «tentatives de solution» (littérature dramatique du moi, revue politique, théâtre épique brechtien, jeu du drame impossible pirandellien, etc.).

Un ouvrage fondamental, qui, d'Ibsen à Beckett, interroge les destinées de la littérature dramatique sur le mode non pas d' «une histoire du drame moderne», mais d'«une tentative pour reconnaître, à partir d'un certain nombre d'exemples, les conditions qui ont déterminé son évolution».

COLLECTION «PENSER LE THÉÂTRE» DIRIGÉE PAR JEAN-PIERRE SARRAZAC

Extrait du livre :
LE DRAME

Le drame de l'époque moderne est né à l'époque de la Renaissance. Ce fut le geste intellectuel audacieux de l'homme se retrouvant après que l'image médiévale du monde se fût effondrée, pour construire seul la réalité d'une oeuvre dans laquelle il voulait constater et réfléchir son existence, en reproduisant les relations entre les hommes. L'homme n'entrait dans le drame, pourrait-on dire, que dans sa relation à autrui. La sphère de l'«inter» lui apparaissait comme la sphère essentielle de son existence; la liberté et le lien, la volonté et la décision ses principales déterminations. Le «lieu» où il parvenait à se réaliser dramatiquement, c'était l'acte de se décider. Cette décision en faveur du monde des relations à autrui révélait son être intérieur et le rendait présent dans le drame. Mais sa décision d'agir rapportait à lui ce monde relationnel, lui permettant alors d'accéder à la réalisation dramatique. Tout ce qui était en deçà ou au-delà de cet acte devait rester étranger au drame: l'inexprimable aussi bien que l'expression, l'âme fermée sur elle-même comme l'idée déjà aliénée au sujet. Et surtout ce qui ne s'exprime pas, le monde des choses, quand il n'entrait pas dans les rapports interhumains.
Chaque thématique dramatique trouvait sa formulation dans cette sphère de l'«inter». Par exemple le conflit entre la passion* et le devoir* dans la situation du Cid entre son père et sa bien-aimée. Le paradoxe comique des situations interhumaines «fausses», par exemple dans celle du juge de village Adam*. Et le tragique de l'individuation, telle que le voyait Hebbel, dans le conflit tragique entre le duc Ernst, Albrecht et Agnès Bernauer.
Mais le médium linguistique de ce monde interhumain, c'était le dialogue. C'est à l'époque de la Renaissance, après l'élimination du prologue, du choeur et de l'épilogue, pour la première fois peut-être dans l'histoire du théâtre (à côté du monologue, qui restait épisodique et ne constituait donc pas la forme du drame), qu'il devient le seul élément du tissu dramatique. En cela le drame classique se distingue de la tragédie antique comme du jeu spirituel médiéval, du Theatrum Mundi baroque comme des drames historiques de Shakespeare. La primauté exclusive du dialogue, c'est-à-dire de l'expression interhumaine dans le drame, reflète le fait que celui-ci n'est rien d'autre que la reproduction des rapports interhumains, qu'il ne connaît que ce qui voit le jour dans cette sphère.
Tout cela montre que le drame est une dialectique close sur elle-même mais libre, et redéterminée à tout moment. Voilà ce qui lui donne tous ses traits essentiels, que nous allons exposer à présent : (...)

 

Nathalie Masson-Lutz
Editions Circé
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