Essai
Nouvelle parution
P. Quignard, Critique du jugement

P. Quignard, Critique du jugement

Publié le par Marc Escola

Critique du jugement
Pascal Quignard

Date de parution : 19/03/2015 Editeur : Galilée Collection : Lignes Fictives ISBN : 978-2-7186-0923-2 EAN : 9782718609232 Présentation : Broché Nb. de pages : 264 p.

Kant publie Kritik der Urteilskraft en pleine Terreur. Le «pouvoir d'évaluation» — la Beurteilung — plonge ses racines dans la «crainte du regard de l'autre». Je ne juge plus rien. J'ai jugé pendant vingt-cinq ans (de 1969 à 1994). Puis je me suis désengagé de tous les gages que je recevais des institutions qui m'avaient jusque-là engagé. Alors je n'ai plus eu d'autres ressources que la vente de mes livres.

Aussitôt j'ai perdu toute hiérarchie (de nature artisanale) à l'intérieur de ce que j'écrivais et j'ai égaré toute anticipation (plus thématique que technique) dans les lectures que je faisais. Tout à coup, je commençai une étrange vie qui avait totalement renoncé au jugement. On ne trouvera pas ici une critique de la presse, de la télévision, des jurys, des comités de lecture, des cours, des tribunaux, des enfers. On trouvera une critique du jugement.

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Extrait d'un article de B. Leclair dans Le Monde des livres du 23 mars 2015 :

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« Ne jugez jamais !…», s’exclamait le jeune André Gide à l’issue de ses Souvenirs de la cour d’assises (Gallimard, 1914), traumatisé par l’expérience qu’il venait de vivre en tant que juré : l’horizon du jugement, c’est toujours la mise à mort (ou l’acquittement, ou son sursis, qui sans jeu de mots en relèvent, de la mort). A sa ­manière éminemment singulière, Pascal Quignard renouvelle l’injonction dans ce livre important qu’est Critique du jugement, et l’élargit à toute forme de jugement, y compris esthétique, après avoir rappelé que « Kant publie Kritik der Urteilskraft en pleine Terreur. Le “pouvoir d’évaluation” – la Beurteilung – plonge ses racines dans la “crainte du regard de l’autre” ».
Et puisque, historiquement, le jugement provoque la crise (en grec, le mot krisin désigne le jugement), puisque le mode de domination qu’il entraîne implique la mise en crise permanente des êtres et des œuvres au nom de l’ordre social, l’auteur du Sexe et l’effroi (Gallimard, 1994) retourne ici l’arme de la crise contre le jugement lui-même : il met la notion de ju­gement en crise 250 pages durant. Renversant les rapports de force ordinaires, il dresse un acte d’accusation implacable au nom de la création, c’est-à-dire du surgissement de l’inouï, de la génération, du ­désordre vital et, au bout du compte, au nom d’une puissance de vie irréductible au jugement : l’amour. […]"

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On peut lire sur nonfiction.fr un article sur cet ouvrage :

"Quitte ce qui juge pour ce qui pense", par C. Ruby.