Essai
Nouvelle parution
P. Mormiche, Devenir prince. L'école du pouvoir en France au XVIIe - XVIIIe siècle

P. Mormiche, Devenir prince. L'école du pouvoir en France au XVIIe - XVIIIe siècle

Publié le par Laure Depretto

Pascale Mormiche, Devenir prince. L'école du pouvoir en France au XVIIe-XVIIIe siècle

CNRS éditions, Hors-série, 2009, 512 pages

EAN: 9782271068316

35 euros

Présentation de l'éditeur:

Quel enfant fut Louis XIV ? Quel élève fut Louis XV ? Que signifie «éduquer un prince » ? La royauté s'enseigne-t-elle ? Quelles vertus,quels savoirs transmettre dans un monde qui voit évoluer la conceptiondu pouvoir ? C'est cet aspect méconnu de la monarchie française quenous dévoile Pascale Mormiche avec l'éducation d'une quarantaine deprinces, ces jeunes garçons qui, du XVIIe au XVIIIe siècle, étaientdestinés à devenir de futurs rois ou des chefs de famille tels que lesConti, les Condé et les Orléans. De leur quatrième année chez les «femmes » à leur passage chez les « hommes » à sept ans jusqu'à l'âge dumariage, cette somme nous fait revivre leur apprentissage au quotidien.

Cet ouvrage comporte trois volets : l'étude du personnel,précepteurs ou gouverneurs qui ont la lourde tâche de façonner ceprince idéal, puis l'analyse des principes éducatifs et des moyens misen oeuvre, avant de décrire la « fabrication » pratique d'un prince,tant sur le plan des vertus, des savoirs
que dans sa manière d'être.

Une somme magistrale sur la formation des souverains, une plongéedans les coulisses de la monarchie. Où l'on découvre que, loin d'avoirété négligée, l'éducation des princes fut l'objet d'une méticulositéremarquable et constituait une véritable affaire d'État.

L'auteur :

Docteur et agrégée d'histoire, Pascale Mormiche poursuit sesrecherches sur l'éducation princière, l'histoire de l'enfance et del'éducation, ainsi que sur les sciences à la cour aux xviie et xviiiesiècles. Elle collabore notamment avec le Centre de Recherche duchâteau de Versailles.

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Une recension de cet ouvrage figure sur le site nonfiction.fr: "L'éducation des Princes sous l'Ancien Régime", par L. Daireaux.

Voir aussi le compte rendu de Thomas Wieder sur le site du Monde (article paru dans l'édition du 06.11.09):


Louis était commetous les petits garçons de son âge : à 4 ans, il aimait jouer à laguerre et se prendre pour un grand stratège. Cela tombait bien car, entant que fils aîné de Louis XIV et héritier de la couronne, tout lemonde se réjouissait de son goût précoce pour la chose militaire.Soucieux du "divertissement de M. le Dauphin", Colbert luioffrit ainsi une série de figurines et de pièces d'artillerieminiatures fabriquées par les meilleurs artisans d'Augsbourg et deNuremberg. Vauban, pour sa part, lui fit livrer, alors que le princen'avait que 8 ans, une "machine militaire" du dernier cri : en1669, un armurier consacra pas moins de 247 jours à l'entretien decette armée en argent et en plomb, forte de 10 bataillons d'infanterieet de 20 escadrons de cavalerie...

Mort en 1711, le Grand Dauphin n'eut pas l'occasion de prouver qu'il était capable d'exercer le "métier de roi" auquel son glorieux père, qui lui survécut jusqu'en 1715, le destinait. Quel gâchis !, se dit-on en lisant la dense étude que Pascale Mormiche consacre à l'éducation des princes aux XVIIe et XVIIIesiècles. Enfant, le petit Louis avait pourtant bénéficié d'uneformation exemplaire. Bossuet, son précepteur, avait été chargé d'enfaire un parfait catholique. Quant à ses autres maîtres, ils n'avaientpas ménagé leurs efforts pour faire de lui un latiniste et un historienpatenté : à 7 ans, il traduisait déjà Les Métamorphosesd'Ovide, et il n'avait que 11 ans lorsqu'il entreprit, en 1972, lerécit de la guerre de Hollande qui venait de commencer. Soixante-huitfeuillets au total, où il raconta comment "Louis quatorzième roi de France (il ne pouvait tout de même pas écrire "papa"...)résolut de faire la guerre aux Provinces-Unies des Pays-Bas, quin'avaient pas tenu les traités et avaient irrité le roi par beaucoupd'autres sujets".

Tous les rois voulurent, comme Louis XIV, que leurs fils deviennent de "parfait(s) honnête(s) homme(s)".Tous, cependant, ne s'y prirent pas de la même façon. C'est ce querappelle fort savamment l'historienne, qui s'est plongée pour cela dansles quelque 70 traités rédigés pendant les deux derniers siècles de l'Ancien Régime par les hommes chargés de définir l'éducation idéale des petits princes.

Maisson étude ne se limite pas à l'analyse des textes théoriques. Car, enmatière d'éducation, chacun sait que l'élève ne répond pas forcémentaux attentes du maître. A la cour de France comme ailleurs, les enfantsn'en ont toujours fait qu'à leur tête. Le petit Louis XIII, par exemple: Héroard, son médecin, a ainsi relevé 28 colères en 1604 (l'année deses 3 ans), 30 en 1605 et 37 en 1606.

Que faire face à un gaminirascible ? Au petit Louis XV, qui n'hésitait pas à frapper ceux quilui tenaient tête, Fleury, son précepteur, fit traduire en latin laphrase suivante : "Quoique le Roi ait souvent promis qu'ilmodérerait sa colère, elle le domine pourtant si fort qu'elle le porteà frapper même ceux qu'il aime." Un thème latin en guise de punition ? L'école de la République, finalement, n'a pas tout inventé...