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Ouvrage collectif: Littératures africaines et écologie

Ouvrage collectif: Littératures africaines et écologie

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Etienne-Marie Lassi)

Appel à contributions pour un ouvrage collectif

Littératures africaines et écologie

 

            Les textes littéraires s'apparentent, ainsi que le note Lawrence Buell, à des écosystèmes, non seulement parce qu'ils constituent des environnements virtuels construits par les mots, mais aussi parce qu'ils reflètent, sous forme esthétisée et de manière plus ou moins consciente, des environnements sociohistoriques réels. Tout texte semble alors sous-tendu par un inconscient environnemental (Buell) qui fait que l'environnement naturel ou construit  décrit par les auteurs représente plus qu'un simple arrière-plan sur lequel se déroule la vie humaine. Il structure l'oeuvre et informe aussi bien le discours des personnages que celui de l'auteur. D'ailleurs, en vue de rendre les concepts environnementaux moins abstraits et d'étendre les questions environnementales au-delà des débats médiatiques sur le réchauffement climatique, la pollution ou la préservation des forêts et des animaux, la critique environnementaliste s'intéresse de plus en plus aux textes littéraires dont le centre d'intérêt est ostensiblement social, politique, économique ou autre, mais pas directement écologique, montrant par-là que l'étude de l'environnement va plus loin qu'un engagement moral, social, politique ou spirituel vis-à-vis du monde naturel. Si, en effet, la critique écologique se conçoit comme un moyen d'explorer la relation entre l'humain et l'environnement non humain, elle ne peut pas objectivement se fixer pour unique objectif d'écouter la voix de la nature dans le texte littéraire en ignorant le processus culturel par lequel l'homme interagit avec cette dernière. Les études de Joni Adamson Clarke et de Deane Curtin sur les théories écologiques et la justice sociale montrent, par exemple, que la destruction d'un environnement correspond forcément à la déstabilisation des peuples dont la vie sociale, spirituelle, culturelle et économique s'organise autour dudit environnement et que l'équilibre durable de toute société passe par une gestion maîtrisée de ses rapports avec l'environnement. Les enjeux identitaires, politiques et socioéconomiques, que les littératures postcoloniales développent prioritairement, se trouvent ici associés aux questions écologiques, ce qui illustre le nouvel éclairage dont pourraient s'enrichir mutuellement les études environnementales et les disciplines traditionnellement consacrées à l'étude de l'homme et de la société.

            C'est dans cette voie interdisciplinaire que ce projet s'oriente. Il a pour objectif principal d'étudier les littératures africaines selon une approche environnementaliste et de déterminer les perspectives nouvelles qu'une telle méthode apporte à la connaissance des littératures et des sociétés postcoloniales. Adoptant une approche écocentrique qui envisage l'humain comme une espèce parmi d'autres, qui s'intéresse autant à l'animé qu'à l'inanimé et qui examine aussi bien les effets de l'environnement sur l'homme que l'impact de l'homme sur l'environnement, il s'agit de lire les littératures africaines à partir de concepts écologiques pour voir comment la relation à l'environnement informe le contenu, l'esthétique ou l'interprétation du texte littéraire.

Axes possibles de réflexion

 

Espace et territoire : Un territoire est un espace géographique habité et transformé physiquement pour répondre aux besoins matériels du groupe. Il est aussi porteur de valeurs affectives car, en tant qu'espace d'interaction sociale, de constitution de l'identité collective, le territoire participe aux récits d'enracinement ou de développement du groupe. La (néo)colonisation apparaît dans ce contexte comme une entreprise de déterritorialisation, puisqu'elle consiste à annuler tout discours précédent d'appropriation de l'espace et à imposer une nouvelle configuration physique ainsi que de nouvelles valeurs symboliques au territoire. Comment le sujet postcolonial conçoit-il sa terre dont l'intégrité physique altérée l'oblige à composer avec des réalités nouvelles telles que l'urbanisation et la pollution? De plus, en considérant le sujet postcolonial comme un citoyen d'une société globale caractérisée par la mobilité, comment son attachement au territoire d'origine affecte-t-il sa relation avec d'autres espaces? Il s’agit ici d’établir un lien avec l’immigration et la littérature migrante. Quels rêves et quelles craintes les espaces inhabités, les espaces ruraux et les espaces urbains suscitent-ils dans les littératures africaines?  Quelles sont les raisons de la loyauté et/ou de la défiance que les auteurs migrants originaires d’Afrique vouent au territoire d'origine.

 

Environnement et idéologie : La représentation de l'environnement n’est pas objective, puisqu’elle est influencée par des facteurs humains collectifs ou individuels. Aussi peut-on accéder aux peurs et aux espoirs d’une société en étudiant la façon dont elle construit l’altérité non-humaine. En l’occurrence, la différence entre la nature et l'environnement construit ou entre l'espace rural et l'espace urbain est-elle physique ou mentale? L'environnement naturel est-il présenté comme un reflet idéalisé de la réalité sociale? Quel type d'espace est-il valorisé et pour quelle fin? Quels stéréotypes sont-ils associés aux espaces nationaux et aux êtres qui les habitent, notamment dans la littérature politique, dans la littérature touristique et dans les discours sur les industries d’exploitation forestière ou minière? Quelle lecture fait-on de certains paysages à grande valeur symbolique (fleuve, forêt, désert, savane…)?

 

Environnement et langage: bien que la défense de la nature dans la littérature s’inscrive dans le sillage des revendications de certaines minorités, peut-elle recourir aux mêmes ressources linguistiques et littéraires? L’hypothèse de base des minorités visibles (raciale ou féminine par exemple) est que l’inégalité dont elles sont victimes résulte de leur chosification par la majorité et que leur salut passe par la restitution de leur statut de sujet. Le problème se pose autrement pour l’environnement puisqu’il ne parle pas le langage humain considéré comme un gage de la subjectivité. Comment la littérature environnementaliste crée-t-elle une définition du langage et de la subjectivité qui, s’étendant au-delà du langage humain, fait de l’environnement un sujet? Étant donné que l’environnement est dépourvu de volition, toute stratégie rhétorique ou narrative adoptée pour lui donner une voix n’est-elle que la voix d’une conscience écologique essayant de remettre en cause la relation entre l’homme et l’environnement? La nature fonctionne-t-elle comme une figure de discours servant à déconstruire les stéréotypes et métaphores figées qui consacrent la domination de l’humain sur le non-humain? Elle-t-elle à la base d’une poétique résultant de l’inventivité des écrivains qui renouvellent le langage et les formes littéraires pour mieux traduire leurs perceptions subjectives de l’espace et du territoire?

 

Nous vous invitons à nous faire des propositions de texte sur l’un ou l’autre de ces aspects ou sur toute autre réflexion qui vous intéresse dans le cadre de la thématique en question.

 

Veuillez, s’il vous plaît, faire parvenir aux deux adresses électroniques des responsables du collectif, votre proposition (200 mots) avec titre provisoire, vos coordonnées et affiliation institutionnelle (s’il y a lieu) et une notice biobibliographique au plus tard le 30 avril 2012.

Un comité de lecture évaluera les propositions et communiquera son avis le 30 mai 2012 au plus tard.

Les articles sélectionnés (20 à 25 pages, caractère times new roman, double interligne, marge 2,54 cm) seront à remettre le 15 décembre 2012. Les consignes de rédaction plus précises seront indiquées plus tard.

 

Responsables

Étienne-Marie Lassi, Université du Manitoba, Winnipeg, Canada

lassi@cc.umanitoba.ca

Kasereka Kavwahirehi, Université d’Ottawa, Ottawa, Canada

kkavwahi@uottawa.ca ou kasereka@hotmail.com