Questions de société
Où en est la CPU?

Où en est la CPU?

Publié le par Marc Escola

Sur cette page:

- Appel de Brest vs Tonnerre de Brest !

- La présidente de Paris-10 Nanterre écrit à François Fillon

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PRESENTATION SILVESTRE HUET, Blog Libération SCIENCES2

Hier, réunis au colloque annuel de la Conférence des présidents d'université, les présents ont lancé un appel à la reprise des cours. Quatre de leurs confrères, et pas des moindres puisqu'il s'agit de Pascal BINCZAK, (Paris 8 Vincennes), Bernadette MADEUF (Paris-Ouest-Nanterre), Georges MOLINIE (Paris IV La Sorbonne) et Philippe ROLLET (Lille -I) - ont décidé de leur répondre vertement.

Voici cet appel qui sera probablement signé dans la journée par d'autres présidents d'université. Il montre que la colère du milieu universitaire reste forte, large et que la CPU dans sa composition actuelle n'en represente qu'une partie.

Voir aussi le commentaire proposé sur le site de SLU…

Tonnerre de Brest !

La Conférence des Présidents d'Université (CPU) tient depuis le mercredi 25 mars son colloque annuel, à Brest. Pendant ce temps, nos ministres de tutelle maintiennent le cap des réformes que la communauté universitaire, après huit semaines de mobilisation, continue massivement à rejeter. Pendant que les présidents réunis à Brest appellent clairement les universitaires à rentrer dans le rang au prétexte que leurs principales revendications auraient été satisfaites, nos universités voient dans les faits le mouvement en cours se poursuivre, voire s'amplifier, avec une détermination et une inventivité étonnantes. Nous, présidents d'université responsables, avions hésité à participer à ce colloque brestois de la CPU que nous jugions pour le moins inopportun… et qui ressemble ces jours-ci à une fuite à Versailles !


Le dernier communiqué de la CPU, ainsi que les conditions dans lesquelles se tient son colloque, justifient amplement nos préventions. En capitaines de navires qui traversent une tempête comme l'université n'en a pas connue depuis 1968, nous considérons que notre devoir est de rester sur le pont, solidaires de nos collègues enseignants-chercheurs et personnels administratifs, solidaires de nos étudiants.


Cet « Appel de Brest » lancé mercredi par la CPU invitant unanimement à la reprise des cours et de l'organisation des examens, sonne comme une réponse à « l'Appel de la Sorbonne» que nous avions lancé le 9 février, par lequel nous appelions les ministres de l'Education nationale et de l'Enseignement supérieur et de la Recherche à « retirer tous les projets de réformes controversés » et à organiser une véritable concertation pour construire sur de meilleures bases l'avenir de nos institutions universitaires. Ce communiqué n'a donc été voté qu'à l'unanimité des présidents présents à Brest et n'exprime donc nullement une position unanime de l'ensemble des présidents d'université.


Notre sens de la responsabilité nous conduit également à regarder les circonstances avec les yeux de l'honnêteté, à dénoncer le fait que nos ministres n'ont toujours pas pris la mesure de la situation, à regretter l'étrange surdité de certains collègues qui depuis le phare de Brest croient observer que le « champ de la concertation » a réellement été ouvert et qu'il convient donc que les universités reprennent leur activité normale… Fermez le ban !


Pour ce qui nous concerne, nous constatons que la réforme dite de la « mastérisation » reste confuse dans l'organisation qu'elle propose pour les concours de recrutement et que ce projet est maintenu dans des termes et des principes que nous continuons à rejeter comme nocifs tant à la qualité qu'à la cohérence de la formation des enseignants des premier et second degrés. Les dernières propositions du ministère génèrent une confusion pointée par tous les acteurs de la formation des enseignants en prétendant échanger un recul dans la mise en place des nouveaux concours contre une mise en place immédiate des nouvelles formations. C'est là une manoeuvre pour faire entériner à l'avance tout le processus combattu par la majorité de la communauté universitaire. La seule solution simple et claire est de proroger le dispositif actuel dans sa totalité, pour un an (y compris l'année de formation en alternance). Nous constatons aussi que l'augmentation des moyens promise par les pouvoirs publics ne s'est jusqu'à présent traduite que par le travestissement des dotations budgétaires de l'Etat (qui font en réalité apparaître une baisse sensible de nos moyens) et que les suppressions de postes pour l'année 2009 sont toujours maintenues.


Nous constatons encore que la réforme du statut des enseignants-chercheurs, loin de satisfaire les attentes des personnels concernés, continue d'aggraver les contradictions de la loi LRU. Inscrite dans la dernière version du projet de décret, la possibilité pour les enseignants-chercheurs de choisir librement l'établissement dans lequel ils souhaitent effectuer leurs activités de recherche empêchera les acteurs de l'université de conduire efficacement la politique scientifique de leurs établissements, telle que la loi LRU pourtant les invite à la construire de manière autonome. Et c'est encore la concurrence entre universités qui sera ainsi exacerbée. Cette nouvelle version d'un décret que la ministre ne finit pas de réécrire, est proprement irréaliste en ce qu'il hypothèquerait tout recrutement sur les bases d'un profil de recherche correspondant à la politique scientifique de l'établissement.


Notre sens des responsabilités nous appelle, enfin, à garantir la qualité des diplômes de l'année 2009. Nos universités ont acquis depuis longtemps une expérience en matière d'aménagement des modalités de validation des cursus en période de grève, et nous n'avons pas besoin d'injonctions pour prendre les mesures qui conviennent à la situation. La fébrilité manifeste de certains, qui les conduit, face aux revendications des étudiants, à préférer à l'échange d'arguments, celui de gestes violents, dans des altercations confuses, ne les qualifie pas pour donner des leçons de responsabilité. Il est plus que temps de négocier sérieusement en acceptant de traiter globalement une crise qui est globale, ce qui suppose d'abord de retirer, comme nous le demandons depuis plusieurs semaines, les projets de réforme controversés. Cette crise aurait pu être évitée et réglée en quinze jours au mois de janvier : poursuivons tous la mobilisation pour que cette crise ne pourrisse pas davantage l'année universitaire.



Pascal BINCZAK, Président de l'université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis Bernadette MADEUF, Présidente de l'université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense Georges MOLINIE, Président de l'université Paris IV La Sorbonne Philippe ROLLET, Président de l'université Lille I

Voir le commentaire proposé sur le site de SLU…

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La présidente de Paris-10 Nanterre écrit à François Fillon

SILVESTRE HUET, Blog Libération SCIENCES2  27/03/09

«L'horizon procheest lourd de menaces»... Cette phrase inquiétante est tirée de la lettre envoyée le 23 mars par Bernadette Madeuf, la présidente de Paris-10 Nanterre au Premier ministre. Angoissée, elle supplie François Fillon de rétablir «les conditions minimales du dialogue républicain».Cette initiative montre à quel point le fossé s'est creusé, nonseulement entre une part probablement majoritaire des universitaires etle gouvernement, mais aussi à l'intérieur de cette communauté, dont lespositionnements des présidents d'université témoignent.

Voici la lettre de Bernadette Madeuf :

Monsieur le Premier Ministre,
Que l'Université française ait besoin d'un nouvel élan est aujourd'hui une idée largement admise. Je peux vousassurer qu'elle est amplement partagée par la communauté universitaire. Depuis son installation, votregouvernement s'emploie activement à engager des réformes cohérentes avec la logique politique qui est la vôtre.Aujourd'hui cependant, il faut me semble-t-il se rendre à l'évidence : malgré ce que Madame la Ministre et vous mêmedans vos propres déclarations avez présenté comme des ouvertures, ces réformes sont quasi unanimementrejetées. Les tensions s'exacerbent, chacun peut le constater. Je tiens, en tant que présidente d'université, à vousfaire part des très vives inquiétudes qui sont les miennes.

Faute de réponse appropriée, les différents mouvements de protestation se radicalisent. L'absence de prise encompte de leurs revendications et la poursuite de ces mouvements, en mettant en péril le second semestred'enseignement, déconsidèrent le projet de réforme, qui ne peut plus prétendre oeuvrer pour le bien del'enseignement supérieur et de la recherche en France. Je vois (qui ne le verrait pas) s'accumuler dans lessemaines qui viennent de très grandes difficultés. L'Université peut-elle être mise en mouvement pour affronterl'avenir ? Oui, j'en suis certaine. Face à l'évolution du monde universitaire au plan international, il faut agir etmobiliser l'ensemble de la communauté universitaire. De plus, nombre de solutions aux difficultés économiqueset sociales de la période passent par une nouvelle intelligence collective de notre société. Dans cetteconstruction, les universitaires et les chercheurs, avec bien d'autres, dont les travailleurs intellectuels de demainque sont nos étudiants, doivent jouer un rôle irremplaçable dans les réflexions de fond qui restent à mener. Pourmobiliser de manière constructive la communauté universitaire et la richesse de réflexion et de propositionsqu'elle représente, deux conditions me paraissent devoir être réunies :
- rétablir un climat de travail serein en suspendant, sans équivoque, la mise en oeuvre des hypothèses dechangement qui ont prévalu jusqu'ici ;
- faire appel aux forces vives de l'Université pour construire avec elles, et tous ses partenaires, dans lerespect et le dialogue, une nouvelle dynamique à la hauteur des enjeux.

Souhaiter une Université mobilisant toutes ses forces pour explorer avec audace des chemins nouveaux, passepar une confiance renouvelée et la reconnaissance de l'indépendance et de l'autonomie réelle de la communautéuniversitaire. Ces deux dimensions sont indispensables pour reconstruire un partenariat fortement mis à mal pardes réformes si mal engagées.

Monsieur le Premier Ministre, la situation telle que je la perçois est grave et dans les universités l'horizon procheest lourd de menaces. Je suis persuadée que vous saurez rétablir les conditions minimales du dialoguerépublicain.Je vous prie de recevoir, Monsieur le Premier Ministre, l'expression de ma plus haute considération.

Bernadette MADEUF