Questions de société
Occupation de Sciences-Po Paris 17/03/09 (Communiqués, Rue89, Libération)

Occupation de Sciences-Po Paris 17/03/09 (Communiqués, Rue89, Libération)

Publié le par Frédérique Fleck

Sur cette page:

- Appel des occupants de Sciences-Po Paris (17/03/09)

- Sciences-Po occupé : caricature de la "fabrique des élites" (18/03/2009, Rue 89)

"Université : la contestation s'invite à Sciences Po" (Libération, 17 mars 2009)

-  Le « printemps des universités » ne fait que commencer ! (18/03/09 Communiqué de Sud Étudiant)

Voir aussi: Occupationde la planète sciences po : des visiteurs de la galaxie des universitésfranciliennes... "chez nous" ! [ATTAC Science-Po]

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Appel des occupants de Sciences-Po Paris (17/03/09)

Nous, occupant-e-s de l'institution centrale de reproduction de l'idéologie et de la classe dominante,

Exigeons la suppression des instances de sélection et d'élection sociale et culturelle qui, comme sciences  po, préfigurent la privatisation de l'enseignement, de ses financements et la dégradation intellectuelle de la recherche publique.

Nous restons uni-e-s face aux contre-réformes Pécresse qui renforcent encore un peu plus un système déjà miné par les inégalités et la sélection sociale. Cette lutte n'est que le prolongement logique de toutes les luttes contre la casse des services publics dans leur ensemble.

Partout, les résistances fleurissent contre les rouages de ce projet de société où règne et règnera toujours un peu mieux la concurrence généralisée.

Nous appelons à la constitution de liens, de comités entre tous les révolté-e-s, à favoriser la multiplication des ag de ville et la conjonction de toutes ces luttes

Les Antilles nous ont montré le chemin, sachons trouver la voie

Guadeloupe partout, Grèce générale le 19 mars 2009 !!!


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Sciences-Po occupé : caricature de la "fabrique des élites"

Par Juan Paulo Branco Lopez, étudiant, 18/03/2009, sur le site Rue 89

C'était mardi. Alors que Sciences Po s'y préparait depuis plusieurs jours, « l'invasion » a finalement eu lieu. Pourtant, des contrôles stricts à l'entrée de l'établissement avaient été instaurés sur injonction du directeur Richard Descoings, qui en avait profité pour engager des vigiles d'une société privée.
Malgré ce dispositif visant à éviter la prise d'une proie symbolique et facile d'accès pour le mouvement des enseignants-chercheurs, une brèche fut finalement ouverte de l'intérieur et une trentaine d'enseignants et d'étudiants universitaires réussirent à entrer dans l'institution peu après 17h00.
Provenant en majorité d'universités parisiennes, c'est dans un certain calme qu'ils déployèrent dans le hall une bannière demandant la dissolution de « tous les IEP ». Après avoir assuré le spectacle devant des étudiants en majorité amusés (mais pas tous, comme le montre la vidéo ci-dessous), les universitaires se dirigèrent vers l'amphithéâtre principal afin d'y empêcher la tenue du cours d'Olivier Duhamel sur les institutions politiques.

Prenant place sur l'estrade et refusant les propositions de médiation du professeur et de l'administration, leur tentative d'amorcer une assemblée générale entraîna le départ de la majorité des étudiants et une première vague de quolibets.
Dans une ambiance moins décontractée qu'au départ, une tentative de « cours alternatif » fut vite avortée et les étudiants de Sciences Po progressivement évacués d'un batîment désormais bloqué.
Les journalistes se massaient en même temps que les gendarmes mobiles aux portes du 27 rue Saint Guillaume et le coup semblait réussi pour des universitaires qui venaient de s'offrir une vitrine médiatique.

« Elitistes », « fils de bourges », « consanguins »...
Si factuellement il ne ressort rien de bien passionnant de ce « non-événement », dont le bilan se réduit à une cheville foulée pour le responsable associatif de Sciences Po et à une évacuation dans le calme vers 20h30, il n'en reste pas moins que cette journée fut l'occasion de faire l'amère (re)découverte d'un fossé (symbolique ou réel) entre le monde universitaire et Sciences Po.
En effet, et si aucun dégât matériel n'a pu être constaté, ni aucune violence physique exercée, le climat entre universitaires et « pipoteurs » n'en fut pas moins tendu, et les préjugés firent constamment barrière au débat.
Les minorités en profitèrent rapidement et aux arrachages de banderoles par des militants UNI en trench et chemise répondirent des doigts d'honneur, tags divers de la part d'autonomes bière à la main :  l'affrontement sombra vite dans la caricature.
Ainsi, les manifestants profitèrent des réactions disproportionnées de certains étudiants de Sciences Po pour reprendre les traditionnels reproches effectués à l'institution (« élitistes », « fils de bourges », « consanguins »...).


« Cac 40 Cac 40 », « On payera votre RMI », « Dégagez-les, chargez-les »
Une majorité des étudiants de Sciences-Po qui étaient restés dehors, dans l'attente d'une hypothétique réouverture, commença à scander des slogans à l'élitisme aussi caricatural qu'assumé. De l'inoffensif et potache « Cac 40 Cac 40 » au plus douteux « On payera votre RMI » en passant par un « Dégagez-les, chargez-les » adressé aux forces de l'ordre, la violence verbale dépassa très vite l'autodérision initiale, certains n'hésitant pas à dépasser la ligne jaune.
C'est alors un mépris très majoritaire et clairement assumé qu'afficha la majorité des étudiants de Sciences Po non seulement vis-à-vis des personnes présentes, mais aussi du mouvement contestataire dans son ensemble. Les étudiants ne sortirent pas grandis d'une dérive qui les amena à applaudir l'arrivée des forces de l'ordre.
S'il faut se demander à quel point ces propos sont représentatifs, il n'en reste pas moins que les statuts allant d'un gentille condescendance à un franc mépris (« please, c'est donner trop de crédit à des conneries mal rasées et pas lavées... ») en passant par un je m'en foutisme exaspéré (« on aurait pu les dégager plus tôt, je vais encore avoir un rattrapage à 8h00... ») ont été légion, sans que ne soit véritablement abordée à aucun moment la question du mouvement universitaire et des potentielles conséquences des mesures prises par Pécresse et Darcos.


Un vase clos ?
Profiter d'un événement certainement contestable mais à la portée politique indubitable pour saisir la balle au bond et se poser des questions de fond, plutôt que de s'attarder avec une frivolité assumée mais non moins dérangeante sur le physique et les habits d'enseignants et étudiants qui n'ont fait que tenter d'apporter un nouveau coup de projecteur à leurs revendications en « envahissant » ce qui reste pour eux un palais inaccessible et symbole d'un élitisme égoïste et décomplexé, aurait permis tant aux étudiants qu'à l'administration de Sciences Po de continuer à se défaire des préjugés que se fait une grande partie de la communauté universitaire sur les IEP. Ce sera pour une autre fois.
Cela veut-il dire que Sciences Po ne serait qu'un vase clos, alors même que tous les médias s'empressent de vanter les politiques d'ouverture de son directeur Richard Descoings, lui même issu d'un milieu modeste ? Sans qu'il soit ici question de trancher sur cette question, la réaction de toute une tranche des Sciencespotards lors de cette occupation remet en cause bien des espoirs que l'on était en droit de fonder sur l'évolution de cette « fabrique des élites ».

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"Université : la contestation s'invite à Sciences Po", par Nicolas Chapuis, Libération, 17 mars 2009

http://www.liberation.fr/societe/0101556055-reforme-des-universites-la-contestation-s-invite-a-sciences-po

REPORTAGE- Des étudiants et des professeurs des universités parisiennes ontenvahi ce mardi les locaux de Sciences Po Paris, pour protester contrela réforme des universités et du statut d'enseignant chercheur.

Rue Saint-Guillaume, 17 heures ce mardi. Devant uneentrée annexe de Sciences Po Paris, environ 200 étudiants etprofesseurs d'université se rassemblent. Une porte s'ouvre del'intérieur, et tout le monde s'engoufre aux cris de « Dissolution des IEP ! », direction l'amphithéâtre Boutmy, où sont passés des générations d'étudiants.

Une petite altercation à l'entrée, quelques élèves de Sciences Po qui s'insurgent, mais globalement tout se passe dans le calme.

« L'opération s'est montée discrètement et on a été prévenus par le bouche à oreille », raconte Antoine, étudiant en L3 de science politique à Paris 8. « C'est notre première action et on veut que ça continue ».

Un étudiant de Paris 1 explique le programme : « Faire un cours alternatif sur les inégalités entre les universités ». Olivier Duhamel, qui devait faire cours, prend le micro et tente une médiation : « Je fais mon cours sur la Ve république, et en échange, les 20 dernières minutes sont consacrées au débat ».

Sa proposition rencontre un mur de protestation. Le temps pour lui de lancer : « Vous faites une confusion entre l'IEP et les grandes écoles ! » et sa voix disparait sous les cris et les quolibets. Il quitte l'amphi suivi par la majeure partie de ses élèves.

le symbole Sciences Po

Le cours alternatif n'aura pas lieu mais l'amphibruisse de discussions. Ce sont en majorité des élèves mais quelquesprofesseurs sont présents. Christine Cadot, maître de conférence enScience politique à Paris 8 explique ce geste fort : « L'idéeest née d'une comparaison entre l'enseignement des sciences politiquesà Paris 8 et à l'IEP. Les inégalités sonqt partout : dansl'administration, dans les modalité de recrutement, et dans lesdébouchés. »

« Sciences po, c'est surtout un symbole : celui de la ségrégation sociale et de l'établissement fermé », renchérit Karima Ramdani, doctorante à Paris 8 en science politique et chargé de cours.

Dialoguer

Ce que veulent tous les manifestants, c'est le dialogue. « ilfaut qu'on réussisse à se définir, reprend Antoine, à mettre les motssur la mobilisation étudiante. On est aussi là pour dialoguer avec lesélèves de Sciences po ».

Et eux, qu'en pensent-ils les élèves de l'IEP ? Pas quedu bien à en croire les sifflets et la désertification massive del'amphi. Certains sont restés, pour discuter. Arnaud Bontemps, élève enpremière année et membre de l'UNEF, s'explique avec les organisateursdu mouvement : « Je suis le premier ici à luttercontre la réforme, mais là c'est pas démocratique et c'est pasconstructif. Vous êtes en train de braquer tous les étudiants d'iciplutôt que de les sensibiliser ». Un autre étudiante déplore le manque d'implication des élèves de l'Institut. « On est censé étudier la politique et il n'y a même pas débat sur la réforme ici ».

Mais l'humeur générale est à l'optimisme. l'opération a réussi et certains se verraient bien occuper les lieux plus longtemps. « Tant qu'on aura les profs avec nous ça ne retombera pas », explique Antoine, « il faut dissoudre les IEP dans le système général ». Arnaud Bontemps a une autre idée : « Plutôt que de ramener l'IEP au niveau des autres le mieux serait d'élever les universités au niveau de Sciences Po ».

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 Communiqué de Sud Étudiant, 18 mars 2009 :
Le « printemps des universités » ne fait que commencer !

VERSION IMPRIMABLE

Mardi 17 mars, répondant aux appels renouvellés depassage à l'action énoncés par la coordination étudiante de Lyon et lacoordination nationale universitaire de Dijon, plusieurs actions àtravers l'hexagone. Plusieurs actions symboliques ont attirél'attention. Ainsi, l'occupation de Sciences Po Paris par desétudiant-e-s de plusieurs universités franciliennes a permis d'attirerl'attention sur les conséquences de l'instauration d'un systèmeuniversitaire à deux vitesses, et notamment sur la sélection socialequi en résulterait.

Le même soir avait lieuà l'université Paris VII « la nuit de l'université », qui a rassembléprès de 3000 personnes venues de différentes universités parisiennes.Au terme de cette soirée, une manifestation nocturne s'est organisée,passant à proximité du quartier Latin avant de se diriger vers le Nordde la ville et le quartier de Montmartre. Cette manifestation arassemblée plus d'un millier d'étudiant-e-s, et s'est déroulé dans uneambiance festive jusqu'à son arrivée dans le XVIIIème arrondissement,où la police a fait obstruction avant de charger brutalement lesmanifestant-e-s. Plusieurs personnes auraient été interpellées : nousexigeons leur libération immédiate et sans conditions.

A la veille de lajournée de grève générale du 19 mars, ces actions sont une nouvellefois la preuve que la mobilisation étudiante ne faiblit pas, et tend às'amplifier en envisageant de nouvelles modalités d'actions, plusvisibles et plus symboliques. Si ces actions s'inscrivent pleinementdans le cadre des revendications exprimées depuis le début de lamobilisation, à savoir l'abrogation de la loi LRU et des mesures quidécoulent de l'application de cette loi, les mots d'ordre entendentaussi favoriser une convergence des secteurs en lutte afin de donnersuite à la journée du 19 mars. Les revendications concernant laprécarisation des conditions d'étude et de travail, et notamment levote par la coordination nationale universitaire de la revalorisationde tous les bas salaires, sont ainsi des signes forts envoyés àl'ensemble des salarié-e-s.

Il appartient doncdésormais aux assemblées générales des étudiant-e-s et des personnelsde se prononcer sur les suites à donner à ces actions, afin de préparerla poursuite de la mobilisation. En refusant d'entendre lesrevendications des personnels et des étudiant-e-s, le gouvernement rendinéluctable une radicalisation générale du mouvement, qui se traduitlégitimement par les actions de ces derniers jours. Ces actions ne sontque des préambules à l'ouverture du « printemps des universités et dela recherche » ce 19 mars, comme l'a formulé la VIè coordinationnationale universistaire.