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Nuno Júdice, le « littoral du poème »

Nuno Júdice, le « littoral du poème »

Publié le par Emilien Sermier (Source : Vincent Zonca)

Nuno Júdice,

le « littoral du poème »

 

Journée d’étude

8 avril 2015

École Normale Supérieure de Lyon

 

« Venho então para o litoral do poema, debruço-me atento

para o movimento inútil das palavras sobre as palavras. Durmo na perpétua

imobilidade do poema, nos recantos esquecidos de uma praia inacessível,

litoral eterno de viajantes sem navio. E o poema é essa casa

abandonada, o rosto belíssimo de imagens mortas. »

A Noção de Poema (1972)

 

Argument

Nuno Júdice, né en 1949 en Algarve, est considéré comme l’une des voix majeures de la littérature portugaise contemporaine. Entré en écriture au début des années 1970, époque de l’effervescence de la théorie littéraire et d’une conception « objectiviste » séparant le sujet du poème, prônant la réalité matérielle du texte (le langage) et actant la « mort de l’auteur », mais aussi moment de relâchement du régime salazariste et de démembrement de l’empire colonial au Portugal, il publie son premier recueil, A Noção de Poema [La notion de poème], en 1972. En quatre décennies, et parallèlement à une intense activité critique, essayistique et universitaire, Nuno Júdice est devenu l’auteur d’une œuvre dense, forte et originale, aux croisements des genres (poète, il écrit également de la fiction et pour le théâtre) et des traditions, qui n’a de cesse de se questionner et de se renouveler – en témoigne l’un de ses derniers recueils, Fórmulas de uma Luz Inexplicável, paru en 2012.

Signe d’une reconnaissance croissante au-delà des frontières, il devient, en 2013, le second poète portugais à recevoir le prestigieux Prix Reina Sofía de poésie ibéro-américaine décerné en Espagne par l’Université de Salamanque. Son œuvre est traduite dans plus de quinze langues et de vingt pays, en particulier en France, dont il connaît bien la langue et la littérature (il fut conseiller culturel à l'Ambassade du Portugal et directeur du Centre culturel de l'Institut Camões de Paris). Comme celle d’Al Berto, elle fit l’objet, très tôt, d’un intérêt éditorial spécifique, notamment sous l’impulsion de Michel Chandeigne. Il devient ainsi, en 1996, le deuxième auteur portugais à être publié dans la collection « Poésie » des éditions Gallimard, après Fernando Pessoa. Paradoxalement, peu de travaux et d’événements universitaires lui ont été jusqu’à présent consacrés.

Cette journée d’étude propose ainsi de porter, en France, un premier regard sur le territoire poétique de l’œuvre judicienne.

Après quatre décennies d’écriture et près d’une trentaine de recueils, semble en effet se dessiner un premier itinéraire, une cartographie provisoire de l’œuvre poétique. Si A Noção de Poema [La notion de poème] pose en 1972 le principe d’une écriture métapoétique et spéculative, « fille de 68 » et du textualisme, rejetant le « je » pour un monde de langage, une réorientation s’opère au cœur des années 1980 vers un dire ancré dans l’existence et chargé de l’expérience, avec Lira de Líquen [Lyre de lichen] en 1985 et l’élaboration d’une première anthologie poétique, pour se confronter, ensuite, à la matière temporelle et mémorielle par une véritable archéologie intérieure, à partir de Um Canto na Espessura do Tempo [Un chant dans l’épaisseur du temps] en 1992 et Meditação sobre Ruínas [Méditation sur des ruines] en 1995. Cette inflexion témoigne d’une réarticulation lyrique : le poème réinterroge alors le « je » et dialogue avec la tradition élégiaque. Elle s’accompagne d’une écriture crépusculaire pour décrire monde et langage – comme « dévastation de syllabes » ou « corruption du dit » – sous la forme d’un chant ruiné, désenchanté.

Il semble que la parole singulière de Júdice, entre hauteur mythique et sobriété de ton, quête métaphysique et narration du quotidien, soit habitée par un tremblement. Selon lui, le langage poétique permet de « mettre en contact plusieurs mondes » et d’en traverser les frontières, « entre l'obscurité de l'intérieur et la lumière du dehors ». Le langage apparaît comme un lieu de passage, un intervalle, une forme de « littoralité ». Littoralité du poème, seuil vacillant entre intériorité et extériorité ; du langage, frôlant parfois la littéralité de la surface ; littoralité, bien physique, de la côte portugaise, lieu de saudade et matrice de l’origine ; et celle, temporelle, de la trace, d’une voix crépusculaire et tardive.

Cette journée comptera sur la présence exceptionnelle du poète et se prolongera par un moment de lectures (dans le cadre de La Scène Poétique, cycle de poésie parlée).

 

Pistes de réflexion

Voici quelques pistes de réflexion qui ne sont que des suggestions. Nous encourageons tout particulièrement les approches comparatistes et celles qui chercheront à situer l’œuvre judicienne par rapport aux littératures portugaises et européennes.

  • formes et frontières poétiques : le travail de l’écriture
    • écriture de la ruine et poétique du fragment ; un « poème continu » ?
    • la question du vers, du maintien de la forme poétique
    • le poème comme « matière », comme « matière-émotion »
    • rapports aux autres arts, poétique de l’ekphrasis
    • liens entre l’écriture poétique et le reste de l’œuvre (prose, roman, théâtre)
  • mouvements et pensées du poème
    • le « je » et l’Histoire, politiques du poème
    • poétique des savoirs, sciences et poésie
    • mémoire, nostalgie et mélancolie ; une écriture « décadente » ?
    • une écriture, une énonciation « lyriques » ? ; l’amour, la poésie : un renouvellement de la lyrique amoureuse ?
    • orientations et cartographies du poème
  • héritages et réceptions de l’œuvre
    • rapports aux romantismes (allemand, notamment)
    • traditions et (post)modernités, la tradition comme innovation
    • les traces surréalistes
    • traductions et réceptions de l’œuvre judicienne
    • Nuno Júdice et la France

 

Modalités de participation

Les propositions de communication, d’une longueur de 300 mots maximum et accompagnées d’une brève présentation bio-bibliographique, sont à envoyer avant le 25 janvier 2015 à l’adresse suivante : vincent.zonca@ens-lyon.fr. Les langues des communications seront le français (de préférence), ainsi que le portugais, l’espagnol et l’anglais.

 

Organisation

Vincent Zonca (ENS de Lyon).

Avec le soutien du Centre d’Études et de Recherches Comparées sur la Création (CERCC, EA 1633) de l’ENS de Lyon : http://cercc.ens-lyon.fr.

 

Lieu

École Normale Supérieure de Lyon, 15 parvis René Descartes, 69007 Lyon (France).