Actualité
Appels à contributions
Formes Poétiques Contemporaines, n°12 :  « Le lisible »

Formes Poétiques Contemporaines, n°12 : « Le lisible »

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Jean-Jacques Thomas)

Le lisible

Appel à contributions

Numéro 12 revue Formes Poétiques Contemporaines – sujet proposé « Le lisible »

 

New York – Paris

 

Responsables scientifiques : Les éditeurs de la revue et le conseil scientifique.

 

- Nous approchons ici, dis-je au maître, d’une grosse objection que j’avais à vous faire…. L’obscurité !

- C’est, en effet, également dangereux, me répond-il, soit que l’obscurité vienne de l’insuffisance du lecteur, ou celle du poète… mais c’est tricher que l’éluder ce travail.

Stéphane Mallarmé, « Entretien avec Jules Huret », 1891

 

C’est certainement Roland Barthes qui a livré à notre vocabulaire critique le terme opératoire, soit adjectif, soit substantif « lisible ». Dans ce contexte théorique ainsi proposé le terme, toutefois, face à son doublon « scriptible », est entaché d’une connotation négative. Le « lisible », c’est ce qui s’élabore dans l’attente banalisé de la doxa ; ce qui se conforme aux chemins rabattus de toute expression contemporaine dominante. Le « lisible » c’est la médiocre facilité du déjà-vu, du déjà-écrit. Un discours « lisible » s’adresse à un lecteur banalisé dont l’horizon d’attente est l’univers clichéïque et passif des écritures molles, stables et conformables. A en rester à cette définition fondamentale des années 70, un texte qui dérange, un texte qui intrigue, un texte qui nous amène à nous interroger sur l’apparition du « nouveau » ne peut pas être « lisible ».

Cette archéo-définiton du terme connut depuis, dans le contexte des études du discours, une multitude d’infléchissements, additions et expansions. On citera notamment (mais pas exclusivement) les textes de Jean-François Lyotard Discours, Figure, L’ordre du Discours de Michel Foucault, ou encore le plus récent Le Destin des images de Jacques Rancière. Dans ce dernier ouvrage, c’est l’optimisme interprétatif qui est célébré et il n’y a pas de situation d’ « impouvoir de l’art ». Ces études replacent la question du lisible dans le contexte plus philosophique des questions de représentation et de la volonté de l’interprétatif. D’où, dans les années récentes, l’installation face au « lisible » dans son converse l’ « illisible » compris comme une capacité à (vouloir/savoir) interpréter. Ce décentrement du « lisible » retrouve la vieille question du « mystère » et de l’ « obscurité » dans l’art, mais posée avec tout l’avantage de l’arsenal critique développé depuis la fin du siècle dernier.

            Bénédicte Gorrillot, une éditrice de la revue FPC, a récemment publié avec Alain Lescart L’Illisibilité en questions. Jan Baetens, un autre de nos éditeurs, a suivi par un texte qui dénonce le conformisme de la pensée poétique contemporaine qui agit : « comme si les poétiques du lisible étaient tellement ridicules et compromises qu’il n’était plus la peine d’y revenir. » Selon lui une grande partie de la poésie contemporaine semble faire le choix de réserver une part privilégiée à l’obscur, à l’opaque, à la résistance du réel à se laisser saisir tout entier. Certains écrits se placent dans le cheminement poétique tracé par Mallarmé, d’autres la volonté notoire de Ponge à « ne rien arranger » pour faciliter l’accès au représenté qui a droit de nous arrêter à ses enveloppes extérieures. 

            Suite aux commentaires en ligne et aux discussions animées suscités cet été sur cette problématique du lisible et de l’illisible lors de divers colloques à Cerisy-la-Salle dont Christian Prigent : trou(v)er sa langue et Formules/ Formes : supports / espaces, c’est donc le propos du prochain numéro de Formes Poétiques Contemporaines (FPC 12 – 2015) de revenir sur ce débat et de proposer comme sujet de réflexion et de création la question du « lisible ». Néanmoins, comme le propos pourrait paraître vaste il convient de situer plus particulièrement les lignes de force de ce numéro.

            Le retour en introduction au « lisible » de Barthes n’était pas fortuit. Son propos visait principalement un aspect de l’épistémè de la « rupture » qui dominait cette période théorique de la seconde moitié du XXe siècle : l’installation du nouveau dans l’écriture. Si le nouveau est une apparition ciselante dans un champ banalisé, elle se fait contre la doxa, elle ne peut pas se faire dans le « lisible » ; le valorisé « scriptible » nécessite la co-présence d’un discours d’escorte (souvent auto-référentiel) pour se rendre interprétable. Les théories philosophiques de l’interprétable produites depuis ont été confrontées et adaptées au poétique et dans le propos de Baetens, la séquence « les poétiques du lisible » ne contient pas ce blocage exclusif : Baetens veut dénoncer une poétique de l’obfuscation gratuite sémantique et littérale qui installe « un mouvement qui se dérobe aux manœuvres du sens même ». Il s’agira avant tout dans les contributions de s’interroger, en théorie et en pratique, sur les moyens employés par un texte novateur (contenu, forme, support) pour se rendre "lisible" à une nouvelle catégorie de lecteurs alors qu'il n'y a pas encore d'habitude d'intelligibilité fondée sur une exposition prolongée à des modèles pré-existants.

            Les textes, portant de préférence sur le domaine français/francophone ou anglo-saxon (il y a dans la poésie de Robert Creeley, par exemple, à la fois minimalisme et interrogation sur le lisible), doivent être envoyés à fpcvolume12@gmail.com. Pour être recevables, les contributions soumises contiendront une adresse postale et un FPC 12 en titre, n’excéderont pas 6000 mots (en français) ou 9000 mots en anglais, seront accompagnés d’un bref résumé (en français et en anglais) et respecteront la feuille de style de la revue, disponible en ligne à http://www.ieeff.org/fpcstylesheetnew.html. La date de remise des textes est le 30 janvier 2015. Les textes non retenus ne seront pas retournés.

            Formes Poétiques Contemporaines est une revue indépendante publié par les Presses Universitaires du Nouveau Monde avec l’aide de la Chaire Melodia E. Jones (SUNY –USA) et de la UB Foundation. La revue se veut lieu de réflexion sur la création poétique contemporaine dans son exigence exploratoire de l’extrême littéraire. La perspective de la revue est internationale et plurilingue (pour les articles, les langues de travail sont le français et l’anglais ; pour les créations, d’autres langues sont possibles). Le plus récent numéro (FPC 11 – 2014) est consacré à l’Ecoposéie et explore la place internationale de l’œuvre poétique d’Aimé Césaire.