Essai
Nouvelle parution
Nathalie Barberger, Penser pour rien. Littérature et monomanie

Nathalie Barberger, Penser pour rien. Littérature et monomanie

Publié le par Vincent Ferré (Source : Nathalie Barberger)

Nathalie Barberger, Penser pour rien. Littérature et monomanie, Lille, Presses Universitaires du Septentrion, coll. Objet
isbn : 978-2- 7574- 0012-8, prix : 18 euros

Comment penser? Au «bien penser», dont Descartes, avec son Discours de la méthode, serait le représentant exemplaire, ce livre oppose de mauvaises manières de penser que la littérature, dans sa générosité à récupérer le rebut de la pensée, accueille : penser à des riens, penser sans produire de pensées, pensée qui s'affole de la multiplicité des possibles, jamais saturable, et qui bute sur des contradictions insurmontables, pensée hésitante vouée aux incessantes reprises. Au philosophe qui enchaîne des idées claires en une démonstration efficace, se substitue un portrait de l'écrivain en monomaniaque raisonneur, hanté par une idée fixe : penser.

Deux personnages ouvrent cette étude : l'Arnolphe de Molière qui se rêve en Descartes et finit en amoureux enragé, la tante Léonie de Proust qui, devenue “nénufar neurasthénique”, ne cesse de balancer d'une rive l'autre. À partir d'eux, diverses configurations de pensée sont évoquées : «pensée jalouse» et toujours insatisfaite de Swann et du narrateur de La Recherche, «pensée titubante» du Watt de Beckett, inachèvement perpétuel de la confession chez Rousseau, impossibilité pour Sartre d'enfermer «l'idiot de la famille» dans une totalité harmonieuse et sans restes. Ces «perversions» ou ces «pathologies», disons ces souffrances, ne relèvent pas seulement d'un usage excessif ou erroné de la logique, d'une volonté de savoir irrépressible, elles engagent aussi une esthétique puisque l'oeuvre se constitue de ce qu'elle se devrait de rejeter – tous ces chemins essayés puis abandonnés, par exemple – , et même d'une morale, puisque l'écrivain accepte d'avoir de «mauvaises pensées», ces pensées indignes et honteuses qui ne peuvent évidemment être haussées à la dignité d'une idée. Ainsi la littérature, de Molière à Beckett, met en scène ce penser singulier, souverain et sans valeur d'usage, ce penser improductif qui serait comme l'envers de la pensée claire, soucieuse de donner les bonnes réponses aux bonnes questions. Elle se donne ici pour tâche, entre rire et pathologie, de mettre en scène les mésaventures de la pensée, toujours dépassée par un réel qui l'excède.

Table des matières

Tout ça, c'est de la littérature...

 Premiere partie   Rire et mélancolie

Les monomaniaques de Molière
  Arnolphe
  Argan
  Harpagon
Du côté de chez tante Léonie

D'un petit sac de tilleul
Tante Léonie et la melancolie
L'hygiène neurasthenique
Léonie en nenufar

Deuxième partie   Tout dire

La manie de l'origine
Le ruban indiscret
Se ressaisir
Griselidis pas morte
Enfantillages
La fenêtre du fantasme
Quadriller, posseder, voir
D'un art de souffrir
L'ajournement

De quoi est mort Charles Bovary ?

 Troisième partie   Rhetorique et gestuelle du surplace
La sombre prose
De la musique et de l'essai
De l'art de tituber
La quadrature du cercle
Index