Questions de société

"N’y a-t-il que la question du CNU ?", Hélène Conjeaud, 25 juin 2013

Publié le par Florian Pennanech

 

"N’y a-t-il que la question du CNU ?", par Hélène Conjeaud (CA de SLU), 25 juin 2013

 

 

L’amendement supprimant l’étape de qualification par le CNU, porté par les Verts à l’assemblée et au Sénat, est en train d’affoler un monde universitaire qui a globalement montré peu d’hostilité au "nouveau" projet de loi concernant l’ESR.
Pourtant, comme l’indique le dernier communiqué de SLU, ce projet de loi entérine et aggrave nombre de défauts de la loi LRU :

  • transfert et alignement immédiat et complet des connaissances sur les exigences du monde socio-économique,
  • recul de la démocratie dans les organes délibérants des universités,
  • introduction de la continuité entre le lycée et les premiers cycles universitaires conduisant mécaniquement à la secondarisation de l’université,
  • création de communautés d’universités et établissements destinées à être les instruments de la régionalisation de l’ESR et de nouveaux leviers contre ce qui demeurerait des traces de la démocratie universitaires,
  • aucun plan de création de postes statutaires, explosion de la précarité, dégradation des conditions de travail…

Pour autant, les seules questions qui ont mobilisé massivement ont concerné la possibilité de délivrer des cours en anglais (au moment du vote à l’Assemblée Nationale) et la suppression de la qualification par le CNU depuis le vote au Sénat de l’amendement n° 6 porté par le groupe EELV. Il n’est pas question ici de nier l’importance de ces deux questions, mais de se demander quel est le sens d’une telle focalisation quand d’autres enjeux paraissent totalement oubliés.
L’étape de qualification des docteurs par une instance paritaire, collégiale et nationale (le CNU) - instaurée en 1984 pour freiner le féodalisme des recrutements universitaires) – est aujourd’hui le dernier rempart, bien peu efficace, face au clientélisme instauré comme règle par les modifications des jurys de recrutement décidées par la loi LRU (et non modifiés par le présent projet de loi).
Alors faut-il se battre pour le maintien de ce barrage de fortune qui assure tant bien que mal un cadre national au recrutement des enseignants chercheurs, quand il eut été nécessaire de batailler, dans le cadre d’une nouvelle loi, pour abroger l’ensemble des mesures qui encouragent le clientélisme local et régional ?

Car ce qui favorise le clientélisme c’est la concurrence entre universités, c’est l’autonomie comprise comme la seule gestion de la masse salariale qui a conduit la majorité des universités à la faillite … et les conduit à « geler » [1] les postes statutaires qui leur sont attribués ! Ainsi, dans de nombreuses universités, des dizaines (centaines ?) de postes statutaires ne sont pas pourvus et les emplois correspondants sont assurés soit par des enseignants hors statut, dont aucune structure paritaire nationale ne contrôle le niveau de qualification !

La question de l’indépendance des enseignants-chercheurs (liée à leur statut) ne sera bientôt plus d’actualité. Les seuls postes qui seront encore ouverts et pourvus seront ceux qui favorisent le "transfert" vers l’industrie locale. Les enseignements des licences générales seront de plus en plus assurés par des personnels hors statut, que l’on jettera, quelle que soit leur valeur, après quelques années, sauf s’ils acceptent de perdre toute indépendance dans leur recherche et se plient aux exigences des mandarins locaux !