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 Mythologies et mondialisation : concurrence des marchandises ou conflit des récits ? 

Mythologies et mondialisation : concurrence des marchandises ou conflit des récits ?

Publié le par Alexandre Gefen

 Mythologies et mondialisation : concurrence des marchandises ou conflit des récits ?

les 11 et 12 juin 2008, à l'université de Nantes Jacques Gilbert  (CERCI) et Didier Delorme (CRINI)  Département LEA de l'université de Nantes ANLEA

Quand Barthes écrit Mythologies, à la fin des années 50, ce petit ouvrage apparaît comme un OVNI dans la paysage intellectuel français, le « steak frites » ou la « DS » sont abordés comme les mythes modernes d'une société de consommation alors en plein développement. Ces produits phares de l'époque apparaissent aussi intéressants à traiter que les mythes littéraires qui ont fondé la culture légitime. Par un effet de retour, la publicité et le marketing deviennent de véritables créateurs de mythes et de personnages qui hantent l'imaginaire des jeunes consommateurs : Mamie Nova, Charles Gervais… de courts spots nous racontent en quinze ou trente secondes une histoire courte et efficace : une sorte de condensé narratif, comparable au « mythème » de Lévi-Strauss. Cette unité irréductible de la culture publicitaire s'identifie désormais au produit. Il ne s'agit pas à proprement parler d'un slogan, dans la mesure où aucune argumentation n'est présentée mais bien de la plus petite unité narrative possible. Il suffit de proclamer : « ça se passe comme ça chez MacDonald ! » et MacDonald devient le lieu où « ça se passe comme ça ». D'une certaine manière, c'est bien le récit ou sa mythologie qui désormais détermine l'identité réelle du produit.

On sait que les hypothèses de Barthes ont servi de point de départ aux « spin doctors » et autres marketeurs du « story telling », notamment dans le marketing politique : chaque jour une nouvelle histoire à raconter. La fin des idéologies, des théories explicatives et totalisantes du monde, correspond curieusement au retour des mythologies et des récits. Un produit à promouvoir, que ce soit une marchandise ou un homme politique, doit avant tout susciter une histoire : les files d'attentes dans les rues pour le nouvel Iphone, les ouvertures nocturnes des librairies pour Harry Potter, l'histoire personnelle de G. W. Bush « born again », la vie spectacle de Sarkozy, la saga L'Oréal… La concurrence des produits devient ainsi concurrence des récits : « la vie Auchan » contre l'injonction de Carrefour de positiver ; « prends soin de toi » contre « parce que vous le valez bien » .

Par ailleurs, le développement des nouvelles technologies et l'émergence des sites participatifs a vu émerger de nouveaux vecteurs de récits, anecdotes ou petites vidéos personnelles. Certaines productions locales font ainsi le tour du monde. Ces plateformes facilitent également la diffusion de spots publicitaires par marketing viral. On aurait pu croire que la révolution numérique serait fatale aux récits, au contraire, elle les dissémine.

Ceci a quelques conséquences : ces nouveaux récits fabriqués qui occupent désormais les écrans publicitaires aussi bien que la couverture des magazines - et pas seulement ceux de la presse people - tendent à se substituer aux arguments et aux idées. Ils suscitent plus l'adhésion que la conviction. On peut se demander s'ils ne concourent pas globalement à la crise de la représentation, politique, et plus largement s'ils ne touchent pas l'ensemble des significations. La « berlusconisation » de la vie politique est peut-être apparue comme un épiphénomène mais elle touche peu à peu l'ensemble de la politique. Elire un homme, c'est choisir son histoire. Y croire, entrer dans son récit. La déclaration cynique selon laquelle les promesses n'engagent que ceux qui les croient, devient plus évidente si on substitue le mot « récit ».

L'économie n'échappe pas à ce phénomène : qu'est donc la confiance sinon l'acceptation anticipée d'un récit ? Qu'est donc cette sphère financière, qu'on dit décrochée de l'économie réelle, sinon une suite de scénarios anticipatifs ? Des récits de récits cryptés par des formules mathématiques, dont on découvre qu'ils sont fictifs seulement quand on cesse de croire à leur histoire.

Mais une question se pose : dans quelle mesure ces récits passent-ils les frontières ? La communication doit-elle être locale ou mondiale ? Assistons nous aussi à une mondialisation des mythologies ou au contraire à leur régionalisation ? Peut-on produire n'importe où et n'importe quand ces récits spéculatifs qui alimentent la croissance et produisent la confiance ?

Curieusement, et selon les marchés, l'évolution des récits semble suivre cette double tendance : des campagnes de communication mondiales pour des produits et des mythologies de plus en plus standardisés mais aussi une tendance très ancrée dans le local comme la campagne Quezac avec un texte en occitan, ou encore un style « fusion » qui mêle et métisse les particularismes.

Ce colloque est ouvert à toutes les disciplines présentes en LEA. Sont envisagées toutes les aires culturelles et leurs interactions dans les domaines linguistiques, civilisationnels, etc. Seront privilégiées les propositions relatives au monde des affaires et du commerce et plus généralement à tout domaine pour lequel existe un marché : biens, services, politique, production artistique…

Le colloque est orienté sur une thématique LEA mais, bien entendu, il est ouvert.

Il peut concerner plusieurs approches

- L'étude de mythologies particulières ou de récits spécifiques concernant une aire linguistique ou culturelle donnée.

- L'analyse de conflits de récits dans une situation concurrentielle ; comprendre de quelle manière une mythologie s'établit contre une autre soit pour s'en différentier, soit pour la vampiriser.

- L'analyse de l'utilisation de scénarios pour rendre visible des modèles qui ne sont pas, au départ spécifiquement narratifs.

- L'étude de ce que produisent mythes et récit, pourquoi on y croit et que signifie le fait de suivre un récit.

L'effort sera mis sur la dimension conflictuelle et interculturelle des sujets proposés afin d'éviter le simple récit d'anecdotes.

Les propositions seront examinées par un comité de lecture dont la composition sera communiquée ultérieurement. Les propositions devront indiquer clairement le sujet proposé. La durée de chaque communication sera de 20 minutes. Les propositions seront adressées à jacques.gilbert@univ-nantes.fr ou didier.delorme@univ-nantes.fr pour le 30 avril, ainsi qu'au secrétariat du département LEA de l'université de Nantes : fabienne.potiron@univ-nantes.fr. Réponse avant la mi Mai. Frais d'inscription : 35€.

Le colloque sera suivi d'une publication.