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Mouvoir/Emouvoir, ou la fonction esthétique? (Colloque et exposition)

Mouvoir/Emouvoir, ou la fonction esthétique? (Colloque et exposition)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Bertrand Rougé)

Mouvoir/Emouvoir, ou la fonction esthétique? ("Rhétoriques des arts", XVII)


Dix-septième colloque du CICADA 
(EA 1922): Centre Inter-Critique des Arts et des Discours sur les Arts

 

10, 11, 12 janvier 2008

Salle du Conseil, UFR Lettres, Université de Pau


Parmi les cinq fonctions de l’éloquence (docere, probare, movere, delectare, flectere), les deux premières, transitives, relèvent de la transmission rationnelle d’un contenu objectif, les deux dernières touchent à la subjectivité et à l’affect, suggèrent l’éveil des sens et une forme plus séductrice de persuasion ou de conversion. Movere, dans son double sens de mouvoir et d’émouvoir, se trouve à la charnière et semble articuler en une fonction unique (l’"é-motion," ou le "mouvoir/émouvoir") le mouvement et l’affect, le physique et le psychologique, le réel et la fiction. Cette fonction « hybride » du « mouvoir/émouvoir », peut-on la décrire et la théoriser comme la fonction esthétique par excellence que les artistes, toujours aux frontières du matériel objectif et du matériau subjectif, s’efforcent d’explorer et de diversement mettre en œuvre ? S’ouvre là tout un champ de réflexion esthétique, historique et poïétique sur la manière dont l’art, dans des contextes culturels variés, se préoccuperait essentiellement et indissociablement du mouvement (et) de l’émotion, de leurs interrelations multiples et de leurs divers modes d'articulation.

Tous les artistes, classiques ou contemporains, rencontrent, à un moment ou à un autre, la nécessité du mouvement, d'en susciter l'idée ou l'illusion, et d’émouvoir ainsi le spectateur—ou de le mouvoir. Du mouvement réel au mouvement fictif, représenté ou transposé, le mouvoir habite et informe l'art, et l'artiste est lui-même, dit-on souvent, mu à la création par l'émotion. Mais le mouvement habite-t-il essentiellement toute œuvre—fût-ce secrètement ou de manière détournée? Anime-t-il toute forme de relation esthétique? Dans ces diverses manifestations, est-il, plus ou moins nécessairement, associé à l'émouvoir? Et comment l’émotion découle-t-elle ou s’accompagne-t-elle d’un mouvement ?

On connaît Pygmalion et le topos de la statue (ou du tableau) qui s’anime ou qui parle. Que seraient la peinture ou la sculpture (même abstraites) sans le souci du mouvement? Que seraient la lumière des impressionnistes sans la vibration, l’espace des cubistes sans le temps, celui de Rothko sans la pulsation, le dripping sans la durée autographique du geste, les machines de Tinguely sans leur singulière agitation autodestructrice ? La musique et le cinéma, mais aussi la poésie, le théâtre ou la danse, travaillent sans cesse dans un rapport au temps, au mouvoir et au rythme qui est au cœur de leur relation à l’émouvoir (variation, montage, mise en scène, déplacement métaphorique, gestualité ne sont que quelques exemples de ce qui, mettant en œuvre le mouvement dans ces arts, a aussi l'émotion pour enjeu). Par ailleurs, toute immobilité ne s'impose-t-elle pas finalement sur fond de mobilités absentes ou occultées: mobilité du modèle, du regard, de l'écoute, du spectateur lui-même ou du monde qui l'entoure? La trace immobile du pinceau, telle ou telle empreinte ou image figée, exemples parmi cent autres, ne sont-elles pas esthétiquement et émotionnellement chargées, non pas de la présence ou de l'absence, mais de ce qu'il y a eu mouvement (application et retrait)? Mais comment et pour quel effet?

Comment animer l'inanimé et quelle est la qualité d'animation spécifique de cet "inanimé" qu'est l'art ? Comment le "mouvoir/émouvoir" de l'art, par cette association même, se distingue-t-il du mouvement et de l'émotion usuels du quotidien? Et s'en distingue-t-il? Ainsi, le rapport mimétique de l’art à la vie « vraie », par-delà les revendications réalistes ou littéralistes qui, pour une part, confondraient le "mouvoir/émouvoir" de l'art avec le mouvement et l'émotion du quotidien, est bien souvent, et essentiellement, affaire de mouvement, l’émotion naissant de ce que l’objet inanimé soudain s’anime (comme la métaphore selon Aristote "met sous nos yeux" ce qu'elle désigne par déplacement) et de ce que, de ce mouvement, naît l'émotion du spectateur. Double mouvement, donc, en perspective, où le "mouvoir/émouvoir" se trouve en outre associé au geste même de "mettre sous les yeux".

Il ne suffira donc pas de constater les innombrables formes du rapport entre l'art et la-vie-comme-mouvement. Il faudra interroger les nécessités esthétiques de ce rapport, la nature, les formes et les complexités artistiques de ces liens, éventuellement leurs attendus et manifestations intellectuels, historiques et culturels.

Y a-t-il une loi de création, de transformation ou de conservation du mouvement dans la relation esthétique? Quelles sont les règles et/ou les occurrences particulières, voire exceptionnelles de cette circulation à deux sens du "mouvoir/émouvoir" entre l'œuvre et le spectateur, entre l'artiste et son œuvre, entre l'artiste et le spectateur? De l'œuvre, de l'artiste ou du spectateur, qui (é)meut qui et qui est (é)mu par qui? Y a-t-il seulement de l'(é)motion en art? Comment, par le truchement d'une œuvre, le mouvement physique, fût-il virtuel, se transmue-t-il (ou se transmet-il) en émotion ou en affect—ou inversement? Et les formes de virtualisation du mouvement ou de l'émotion (leur fictionnalisation?), c'est-à-dire les moyens mêmes de leur transmission, y sont-elles pour quelque chose? Et comment? L'émotion et le mouvement survivent-ils à leur représentation?

On s'abstiendra donc de ne traiter que de l'émotion à travers le mouvement ou du mouvement comme effet ou cause de l'émotion. On s'efforcera au contraire d'analyser et d'exemplifier comment, dans la théorie comme dans les œuvres, l'un et l'autre peuvent (ou ne peuvent pas) s'associer dans cette fonction esthétique dont le colloque explorera contradictoirement l'hypothèse: celle du "mouvoir/émouvoir".

 

 

Programme:

JEUDI 10 JANVIER

Après-midi (Président: Jean-Pierre Cometti)

14h00: Jean-Gérard Lapacherie (Université de Pau)
“Emouvoir pour arraisonner: sur quelques tableaux d'église d'Abriès”

14h45: Jean Arrouye (Université de Provence)
“Le calligramme, lieu privilégié de la cristallisation du mouvement en émotion”

15h30: Filippo FIMIANI (Università di Salerno)
“Arrêts d'images et métaphores d'affects. Chutes, mouvements, empathies”

16h15:  Pause

16h30: Anne-Claire Cauhapé (Université de Pau/Université Lille 3)
“La marionnette et le danseur: émotion et organicité du mouvement”

17h15: Anthony McCall (artiste, New York)
“Slow: Reflections on Durational Structure in the Solid-Light Works”

19h30: Vernissage de “Moving Light: Anthony McCall/Charlotte Beaufort”
au Pôle Culturel Intercommunal à Billère

VENDREDI 11 JANVIER

Matin (Président: Jean Arrouye)


9h00: Anna Little (CESR, Université de Tours)
“La valorisation du mouvement et de l'émotion dans la peinture toscane (XIIIe - XVe siècle)”

9h45: Lawrence Gasquet (Université Bordeaux 3)
“Pour une esthétique de la circulation : le sang et l'effraction organique dans l'art britannique contemporain”

10h30: Pause

10h45: Marie-Noëlle MOYAL (Université de Pau)
“A partir de Motion-Emotion, de François Bayle (1985)”

Après-midi (Président: Bernard Vouilloux)

14h00: Pierre-Henry Frangne (Université Rennes 2)
“Movere gli affetti. Monteverdi, Artusi et la querelle de la Seconda prattica”

14h45:  Marie-Dominique Popelard (Université Paris 3)
“De l’émotion esthétique comme moteur verbal”

15h30: Gérard Lahouati (Université de Pau)
 “Emotion et mouvement des Eléments de physiologie aux Pensées détachées sur la peinture de Diderot”

16h15: Pause

16h30: Anthony Wall (University of Calgary)
“Un lecteur immobile mais mû au XVIIIe siècle”

17h15: Ronald Shusterman (Université Montpellier 3)
“Entropie et inertie face à la singularité de l'œuvre : pour un mouvement perpétuel de l'art”

SAMEDI 12 JANVIER

Matin (Président: Pierre-Henry Frangne)


9h00: Bertrand Rougé (Université de Pau)
“Qu'est-ce qu'une figure? Le 'mouvoir-émouvoir' entre rhétorique et plastique”

9h45: Bertrand Prévost  (Université Paris 1)
“Transporter-transformer: du mouvement réel en art”

10h30: Pause

10h45: Thomas GOLSENNE  (Université de Provence)
“Motus et motif, ou l’art d’animer les images”

Après-midi (Président: Ronald Shusterman)

14h00: Jean-Pierre Cometti (Université de Provence)
“L'émotion feinte ou le spectateur immobile: le statut et l'objet des émotions en art”

14h45: Dominique Vaugeois  (Université de Pau)
“‘Pierre Reverdy, le mouvement, l'émotion: sur la poésie et le cubisme en 1917”

15h30: Pause

15h45: Bernard Vouilloux (Université Bordeaux 3)
“Musique, mouvement, émotion”

16h30:  Jerrold Levinson (University of Maryland)
“Motion et émotion dans l'appréciation esthétique de la musique”

17h15: Débat

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Du 11 janvier au 16 février 2008
EXPOSITION ART CONTEMPORAIN "MOVING LIGHT"
Anthony McCall / Charlotte Beaufort

L’association « Art, Lumière, Éducation» propose une exposition d’art contemporain réunissant des oeuvres utilisant la lumière, en résonance avec le colloque « Mouvoir/Emouvoir ou la fonction esthétique ? » du 10 au 12 janvier à Pau.

A événement exceptionnel, invité d’exception. Pour Moving Light, Anthony McCall, artiste de renom international, présentera deux de ses oeuvres majeures, Doubling Back (2003) et You and I, Horizontal (2005) et donnera une conférence sur son travail. Dans les années 70, Anthony McCall, s’est fait connaître par ses films de lumière solide comme l’un des protagonistes du cinéma expérimental. Les dessins qu’il projette en faisceaux lumineux dans l’espace apparaissent dans une brume évanescente sous la forme de volumes de lumière solide, de sculptures ou d’architectures de lumière que le spectateur peut explorer et contempler à loisir. Evoluant très lentement, ils transforment l’espace, nous extraient du monde et nous amènent à vivre une expérience physique, émotive et sensible unique.
Le public est invité à découvrir une démarche tout aussi rare et d’une très grande subtilité avec les deux installations de Charlotte Beaufort. Pratiquant un « art du phénomène » plutôt que de l’objet, Charlotte Beaufort explore les effets d’apparition et de disparition, de perception et d’émotion, que la lumière et la couleur mouvantes peuvent susciter. Prenant en compte le lieu-même, elle a investi deux grandes salles des anciens abattoirs. Dans l’une, de grandes stèles de lumière réactive, monumentales et aériennes se jouent des dimensions physiques de la pièce et interrogent notre façon de contempler. L’autre, traversée d’un grand mur courbe strié d’ouvertures lumineuses et changeantes, joue sur l’ambiguïté du trait graphique et de la profondeur spatiale, du plein et du vide.

Rappelons-nous le double sens du verbe « to move » : bouger et émouvoir.

HORAIRES / LIEU :
du 11 janvier au 16 février 2008
Ouvert du mardi au samedi, de 15h30 à 19h30 au Pôle Culturel Intercommunal.

VERNISSAGE :
10 janvier 2008, 19h30
en présence des artistes : Anthony McCall et Charlotte Beaufort.

CONFÉRENCE d’Anthony McCall :
dans le cadre du colloque « Mouvoir/Émouvoir ou la fonction esthétique ? », l’artiste apportera un nouvel éclairage sur son travail en lien avec la thématique proposée.
10 janvier 2008, 17h00, salle du Conseil de l’UFR de Lettres,UPPA (Université de Pau et des Pays de l’Adour).

RENCONTRE avec Charlotte Beaufort :
16 février 2008, 19h00 au Pôle Culturel Intercommunal