Questions de société
Motion de la section 04 (sciences politiques) du CNU sur l'évaluation des revues par l'AERES.

Motion de la section 04 (sciences politiques) du CNU sur l'évaluation des revues par l'AERES.

Publié le par Marc Escola (Source : SLU)

Motion de la Section 04 du CNU

Le CNU section 04 souhaite faire connaître son point de vue sur plusieurs problèmes récents concernant l'évaluation de la recherche, des candidats aux métiers d'enseignants-chercheurs et des enseignants-chercheurs eux-mêmes.

1. Le 29 septembre, l'Agence d'Evaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur (AERES) a publié sur son site Web un article censé expliquer la procédure suivie pour le classement des revues (francophones) de science politique. Il indique que le groupe de travail constitué comportait « deux représentants du CNU section 04 ». La section 04 dément formellement avoir désigné des représentants pour le comité de classement des revues de l'AERES. A aucun moment, sa présidente n'a été saisie d'une demande en ce sens. Les deux membres du CNU mentionnés dans le communiqué de l'AERES, l'ont été à titre strictement individuel et n'avaient, en rien, l'intention d'engager la section du CNU.

On peut bien sûr discuter de la nécessité ou non de classer les revues. En tout état de cause, l'évaluation, telle que la conçoit la section 04 du CNU, ne peut être réduite à un décompte sommaire, assorti d'une pondération, des publications des enseignants-chercheurs. Elle doit rester éminemment qualitative - les indicateurs quantitatifs n'étant mobilisés qu'à titre d'éléments d'appréciation parmi d'autres - et reposer sur une appréciation, cohérente et globale, des diverses dimensions des activités de recherche (participation active à des réseaux nationaux et internationaux, implication dans des programmes interdisciplinaires, contribution à la diffusion des travaux scientifiques, gestion de la recherche, etc.) L'évaluation ne peut en outre s'en tenir à une définition restrictive de la notion de « publication » (en ne retenant que les articles dans les revues reconnues) et doit prendre en compte les autres supports de publication propres à notre discipline (publications d'ouvrages, chapitres dans des ouvrages collectifs, actes de colloque, communications dans des colloques ou congrès internationaux sélectifs, etc.). Le classement des revues, quant à lui, ne peut être considéré comme légitime que s'il est établi dans le cadre d'une procédure transparente, sur la base de critères de jugements connus, avec un comité représentatif des différents courants et sensibilités de la discipline, après une consultation suffisamment large de la communauté scientifique. Nous sommes pour l'heure, très loin de ce modèle.

Dans les critères de notation du groupe de travail de l'AERES, devaient être considérés comme C « les revues de second rang ou revues non scientifiques (vulgarisation) ». Le CNU s'étonne d'une telle dévalorisation des publications destinées à vulgariser les résultats de recherches de pointe pour un large public, à un moment où, par ailleurs, les organismes officiels demandent à juste titre de renforcer les efforts de valorisation de la recherche.

2. Après avoir évalué les revues, l'AERES estime aujourd'hui devoir évaluer également les sections du CNU. Outre que l'on peut s'interroger sur la rationalité d'un système qui empilerait les instances d'évaluation à l'infini (qui va évaluer l'AERES ?), on doit s'élever contre le principe de l'évaluation d'une instance représentative reposant sur la légitimité de l'élection par une autre composée exclusivement de membres nommés. Ce dispositif de contrôle porte gravement atteinte à la liberté des enseignants-chercheurs, en contrariété du reste avec les principes d'autonomie et de confiance affirmés par ailleurs.
Il est en revanche parfaitement légitime et nécessaire que chaque section du CNU fasse connaître publiquement ses méthodes de travail et les éléments sur la base desquels elle procède aux qualifications et aux avancements (on pourra se reporter pour cela au bilan de la session 2008 établi par Françoise Dreyfus et au site de la CP-CNU).

3) Des réformes nouvelles annoncées dans la précipitation, sans discussions préalables avec les instances qui représentent les différentes disciplines, confèrent au CNU un rôle nouveau d'évaluation périodique et systématique de leurs collègues, sans qu'on mesure très bien actuellement ni les finalités de cette évaluation, ni son impact sur les carrières et les promotions. Là aussi, un large débat préalable à toute décision s'avère indispensable, afin d'éviter des résultats contre-productifs et dommageables.