Questions de société

"Modulations des services : V. Pécresse ignore les protestations", par I. Saint-Thiais (SLR)

Publié le par Marc Escola (Source : SLR)

Modulation de services : Valérie Pécresse ignore les protestations

Par Isabelle This-Saint-Jean, le 16 janvier 2009

Face au projet de modification du décret du statut des enseignants-chercheurs, la colère monte dans les universités ; les assemblées générales se multiplient, les pétitions engrangent les signatures (voir notamment http://modulation.recherche-enseign...), l'un après l'autre les conseils centraux des universités (parfois réunis même en congrès des trois conseils) votent des motions demandant le retrait de ce texte. Cette demande est reprise également par le bureau de la Conférence des Présidents d'Université (CPU) dans une lettre ouverte à Nicolas Sarkozy et par deux tiers des membres des bureaux du Conseil National des Université (CNU) dans un texte rendu public ce matin. Pourtant rien n'y fait : Valérie Pécresse dans le nouveau projet présenté ce matin n'entend pas le rejet massif venant de notre communauté. Elle ne recule que de manière tactique sur des points mineurs et en rien sur les points essentiels qui sont à l'origine de ce mouvement massif de protestation.

Certes, selon le communiqué publié aujourd'hui, la ministre se veut rassurante et elle "a insisté sur le fait que les obligations d'enseignement pourront être [réduites] si l'activité de recherche est d'une très grande qualité ou si l'engagement professionnel se traduit dans d'autres missions". Toutefois ne soyons pas naïfs, dans les conditions de l'emploi scientifique actuel qui ont vu cette année une diminution très forte du nombre d'emplois, alors même que de nouvelles obligations reviennent aux universités et que le service d'enseignement des enseignants-chercheurs est déjà plus lourd dans notre pays que dans les autres grands pays de recherche, aucune garantie ne nous permet de penser que, pour la plupart d'entre nous, il n'y aura pas un alourdissement de notre charge d'enseignement. Des calculs simples nous conduisent même à penser le contraire. En outre la relation établie par le projet entre les décharges de service des uns et la surcharge imposée aux autres conduira inéluctablement à une concurrence interne malsaine dans les universités, au détriment de la coopération entre enseignants-chercheurs nécessaire tant pour le bon fonctionnement des équipes pédagogiques que pour celui des laboratoires et viderait de son contenu la notion de collégialité. De telles évolutions auront des effets néfastes, tant pour la recherche que pour nos étudiants.

Certes, concernant les modulations de services qui peuvent être imposées aux enseignants-chercheurs, la ministre fait référence à une "charte nationale" qui "devrait" (le conditionnel est de mise) fixer des garanties ; mais pour l'instant, en son absence, le chèque doit être signé en blanc. Ne refaisons pas l'erreur de 1984 où nous avions accepté un alourdissement de notre service d'enseignement en échange de promesses qui n'ont jamais été réellement tenues (les congés sabbatiques et l'IUF ne concernant qu'une toute petite minorité d'entre nous). En outre de nombreuses questions se posent sur le statut juridique de ce texte.

Enfin la ministre promet au CNU des moyens supplémentaires, mais ces moyens seront-ils réellement suffisants pour permettre une évaluation de qualité, étant donné l'alourdissement considérable du travail des membres du CNU qui va résulter de l'obligation d'évaluer tous les quatre ans les activités de tous les enseignants-chercheurs ? Pourront-ils continuer à remplir correctement leur mission d'évaluation et ne devront-ils pas se contenter de se rabattre sur des évaluations purement quantitatives ? Comment se fera l'évaluation de nos activités d'enseignement ? Toutes ces questions demeurent sans réponse.

Dans les propos de la ministre aucun élément ne nous permet de ne plus craindre que ce projet ne crée une inégalité dans les obligations de services et la carrière, portant ainsi atteinte à la notion même de statuts, ruinant en son principe le lien essentiel entre les activités d'enseignement et de recherche. Cette réforme resterait donc contraire aux principes constitutionnels d'égalité et d'indépendance des enseignants chercheurs.

Espérons donc que la conférence du CNU et son bureau et que la CPU et son bureau ne reculeront pas sur le front du refus et qu'ils resteront à nos côtés pour s'opposer à ce projet inadmissible. Et restons donc plus que jamais mobilisés. Soyons en particulier nombreux le 20, puis le 29, dans les cortèges, afin d'exprimer plus généralement notre refus du saccage de nos institutions et du piétinement de nos valeurs ! Exigeons : un moratoire des réformes en cours, voire pour certaines leur abandon pur et simple ; la création de postes et pour le moins, le rétablissement de tous les postes supprimés aux concours 2009 (chercheurs, enseignants-chercheurs, ITA et BIATOSS) ; et la mise en place d'un débat et d'une véritable négociation avec les personnels, leurs organisations et les instances représentatives existantes.