Questions de société
Message de P. Dubois (Univ. de Tours) à la SAES (13/10/8).

Message de P. Dubois (Univ. de Tours) à la SAES (13/10/8).

Publié le par Marc Escola

Message à la liste de la SAES (Société des Anglicistes de l'Enseignement Supérieur) du 13/10/2008 :

Chères/chers collègues,

Les informations disponibles sur la réforme des concours […] ont au moins le « mérite » de la clarté :

la discipline enseignée par les futurs professeurs n'aura désormais plus la
moindre importance pour leur recrutement. Effectué sous l'oeil vigilant « des
personnels de direction, des membres de l'administration et de la hiérarchie
de l'Éducation nationale ainsi que des membres de la société civile », ce
recrutement échappera de fait au contrôle des universitaires, jusqu'alors
garants de la compétence acquise par les futurs enseignants dans leur
domaine de spécialité. Il s'agit donc ni plus ni moins de « formater » des
personnels dociles, rompus aux arcanes des règles internes de l'Éducation
nationale, en lieu et place de spécialistes compétents dans leur champ d'étude
et à même, par l'exercice de leurs facultés critiques, d'adapter leur
enseignement à la situation à laquelle ils sont confrontés plutôt que de se
contenter de suivre les dogmes pédagogiques en vigueur.

Une conséquence logique - si l'Université veut éviter le désastre annoncé -
serait de hausser sensiblement - et unanimement - le niveau des compétences
disciplinaires exigibles en fin de Licence, avant le concours - autrement
dit : veiller à faire en 3 années ce qu'on faisait jusqu'à présent en 4,
puisque l'année de préparation au concours sera essentiellement consacrée au
« bachotage » prétendument « épistémologique » sur l'enseignement de la
discipline et autres fadaises technico-administratives (« assurer la
prépondérance des coefficients des épreuves d'admission, afin de privilégier
le choix des candidats sur des critères d'ordre pédagogique et didactique et
de connaissance du futur milieu d'exercice »). Vu le niveau moyen des
étudiants que nous avons en face de nous, après des années de destruction de
l'enseignement de l'anglais dans le primaire et le secondaire (catastrophe
de l'enseignement des langues vivantes en primaire, réduction des horaires
de langue en lycée, etc.), je doute qu'exiger plus en moins de temps soit
vraiment à l'ordre du jour.

La question n'est donc pas tant, me semble-t-il, de regarder dans le détail
« la façon dont, concrètement, la préparation du capes est envisagée pour
2010 dans les universités aujourd'hui » comme le suggérait il y a peu notre
collègue Jean-Paul Révauger et comme l'A.G de la SAES (à laquelle je n'ai pu
être présent) l'a apparemment proposé  : ceci peut avoir un intérêt
documentaire mais rabattra inexorablement les universités sur leur situation
distincte, ce qui est exactement ce à quoi tend - ce que veut nous faire
faire - la réforme dite de « l'autonomie des universités ».  La question n'est
pas technique mais politique. Ne recommençons pas comme nous l'avons fait
pour la réforme dite L.M.D. à envisager les modalités d'application des
changements avant d'avoir fait l'inventaire de la raison, des causes, des
intentions qui guident le projet de réforme. Le but essentiel de l'alignement
du Capes sur le niveau de Master est, n'en doutons pas, de préparer la
possibilité d'un recrutement régional des professeurs, donc de mettre fin à
l'idée d'un concours national, seul garant d'égalité sur l'ensemble du
territoire. Et le but essentiel des dispositions particulières sur le
contenu des épreuves est de transformer les enseignants en autant de
techniciens fonctionnaires, livrés à la seule culture interne de leur
institution.

[…] Il est urgent d'entrer en résistance.


Pierre Dubois
Université Français Rabelais, Tours