Questions de société

"Mauvaise insertion professionnelle : la faute à l'Université…", par S. Pène (SLU 08/08/09)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : SLU)

Sur le site de SLU:

Mauvaise insertion professionnelle : la faute à l'Université… Sophie Pène, 8 août 2009

http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article2875

Dans un article du 1er août 2009, intitulé « l'Etat embarrassé par sa jeunesse »[en brève sur le site de SLU], Fabrice Tassel relate le faible échoreçu par le livre vert coordonné par Martin Hirsch. Il montre que lechômage accable les jeunes et que leur insertion n'est pas facilitéepar leur formation. Puis arrive un bien étrange paragraphe :

« Du côté de l'Education nationale, lebilan ne semble pas plus brillant. Pas sur le plan quantitatif, lenombre de bacheliers et de hauts diplômés demeurant élevé (bien que nosgrandes écoles et universités ne soient pas les mieux classées dans lemonde, loin de là), mais sur la future société qu'elle dessine ».

On comprendra plus loin dans l'article que le bilan « pas plus brillant » que Fabrice Tassel a en tête est « l'ascenseur social bloqué ».Alors, que vient faire ce coq-à-l'âne, hélas trop prévisible, cetteincise méprisante à propos de l'enseignement supérieur français ?Fabrice Tassel reprend sans vergogne ce qui est devenu un lieu commun,les mauvais classements français. Ce refrain, dont le pendant est quenos universités mal classées doivent être réformées, a justifié une « stratégie du choc ».Avec ce même refrain, Valérie Pécresse a imposé une réforme expéditive,dont le coeur idéologique est une certaine idée de l'évaluation. FabriceTassel s'en fait sans nécessité le messager :

  • 1. Il n'est pas rigoureux pour un journaliste d'évoquer de façon générique « les classements »comme un ensemble légitime et cohérent, alors qu'ils concernent desaspects très divers, de l'insertion à la recherche et que de nombreuxcommentaires éclairants sont disponibles sur la question.
  • 2. « Les classements » sontmultiples et des classements respectés mettent au contraire en reliefles excellentes performances d'insertion professionnelles des écoles etde nombreux masters universitaires.
  • 3. Le classement de Shanghai, que chacun a sur leslèvres, très contesté, ne concerne que la performance de recherche etn'a rien à voir avec l'insertion des diplômés.

Il est donc vraiment mal venu de convier le lecteur àassocier la mauvaise insertion des jeunes et la supposée mauvaiseuniversité française.

Ecrire, comme une vérité connue de tous, bien que sans rapport avec le thème traité, que nos grandes écoles et universités «  ne sont pas les mieux classées du monde »n'est pas anodin. En répétant naïvement ces énoncés dévalorisants, desjournalistes peu rigoureux encouragent le public à rester indifférentau sinistre sort de leur enseignement supérieur public, qui estpourtant leur bien commun, un bien commun dont ils risquent dedécouvrir trop tard à quel point il avait de la valeur. Un enseignementsupérieur qui a réussi ce qu'aucune université au monde n'a fait avecaussi peu de moyens : encaisser, sans sélection, avec unequasi-gratuité, le doublement du nombre d'étudiants entre 1980 (1,17million) et 1995 (2 millions). Tout en développant d'innombrablesformations professionnelles, en adoptant une configuration des diplômesqui favorise la mobilité européenne, les passerelles entre cursus, eten maintenant de brillantes performances de recherche. Il y a biend'autres causes à la situation catastrophique de notre jeunesse. Ladégradation de l'emploi salarié, les relations entre entreprises etjeunes, l'abus de stages, les profondes inégalités sociales etculturelles que creusent les politiques de précarité ne sont même pasévoqués dans cet article. Sur un sujet aussi important, la maigreur desinformations fait de ce papier un outil de propagande inconsciente etirresponsable contre l'enseignement supérieur public.

Sophie Pène

Professeur des universités / Ecole Nationale Supérieure de Création Industrielle, Paris.

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Voir aussi: L'Etat embarrassé par sa jeunesse - Fabrice Tassel, Libération, 1er août 2009

http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?breve337

 

Le silence assourdissant entourantla sortie du livre vert sur la jeunesse a, une nouvelle fois, prouvéque la France semble bien embarrassée par ses jeunes. Il a même falluque Martin Hirsch, le haut commissaire à la Solidarité et à laJeunesse, tape du poing sur la table, il y a deux semaines, pour que celivre vert ait un peu d'écho, même si son manque de financement obère,pour l'heure, l'avenir de ce plan.

C'est ainsi, notre société vieillissante parle plus des jeunes lorsque les Beaux Gossesde Riad Sattouf cartonne ou lorsque les quartiers s'embrasent, plutôtque pour évoquer les solutions d'avenir. Contrat d'insertionprofessionnelle (CIP) en 1994, contrat première embauche (CPE) en 2006,réforme des lycées avortée en 2008, crise de l'université cette année,les rendez-vous manqués s'accumulent. Et le bilan du chômages'alourdit : d'après les chiffres de l'office européen Eurostat du 23juillet, le chômage des jeunes a augmenté plus vite au premiertrimestre que pour l'ensemble de la population, touchant 5 millionsd'entre eux.

« Découragement ».Comme à chaque fois en temps de crise, les jeunes trinquent lespremiers, et plus brutalement que leurs aînés. Pour les 15-24 ans des27 pays de l'Union européenne, le taux de chômage s'élève à 18,3 %. EnFrance, 19,7 % des 18-24 ans sont chômeurs et 20,2 % d'entre eux viventsous le seuil de pauvreté (contre 13 % dans l'ensemble de lapopulation). Et à la rentrée, 650 000 jeunes diplômés vont débarquersur un marché du travail en chute libre.

Du côté de l'Education nationale, le bilan ne semblepas plus brillant. Pas sur le plan quantitatif, le nombre de bachelierset de hauts diplômés demeurant élevé (bien que nos grandes écoles etuniversités ne soient pas les mieux classées dans le monde, loin delà), mais sur la future société qu'elle dessine. Car le constat estlargement partagé : l'écart entre les meilleurs et les plus mauvaiss'accroît dangereusement, ancrant de plus en plus profondément l'imaged'un ascenseur social bloqué. « Avec son obsession duclassement, sa manie de trier les vainqueurs et les vaincus de lasélection scolaire, l'école produit très tôt du découragement »,relève le sociologue Olivier Galland, l'un des plus critiques à l'égardde l'institution scolaire. Si les bons élèves, bien entouréssocialement, tirent toujours leur épingle du jeu, les moins bonsdécrochent plus vite, et plus brutalement.

Autonomes. Mais alors,heureux ou pas, les jeunes ? Difficile de répondre, d'où l'intérêt desétudes comme celle dont nous publions les principaux aspectsaujourd'hui. L'école et la famille semblent en recul - mais pas en voiede disparition - dans l'importance que les jeunes y accordent. Mais aupremier rang des « musts » restent les potes… et le portable. Maissurtout, ces jeunes semblent beaucoup plus autonomes que cequ'imaginent souvent les adultes, parents trop stressés. Et ce sont lesjeunes qui fixent le baromètre de leur bonheur, pas leurs aînés. Enmai, une étude réalisée par Ipsos pour la Fondation Wyeth montraitqu'alors que 80 % des adultes interrogés pensaient les jeunes mal dansleur peau, 70 % des jeunes se déclaraient satisfaits de leur vie et74 % confiants dans leur capacité de réussir.

Voir en ligne : http://www.liberation.fr/societe/01...