Questions de société

"Mastérisation: la grande loterie des bourses au mérite complémentaires" (EducPros, 28/04/10)

Publié le par Bérenger Boulay

Mastérisation : la grande loterie des bourses au mérite complémentaires, EducPros, 28 avril 2010

http://www.educpros.fr/detail-article/h/4d99a76384/a/masterisation-la-grande-loterie-des-bourses-au-merite-complementaires.html

Censées compenser l'absence de rémunération pendant la cinquième année de formation des enseignants, les 12 000 bourses au mérite complémentaires du ministère de l'Education nationale, instaurées à la rentrée 2009, n'ont été versées qu'en mars 2010. Un retard qui s'explique par une absence de rigueur dans leur attribution.

Et si les bourses sur critères sociaux étaient contingentées ? Non seulement, il faudrait, pour les obtenir, justifier d'un seuil de revenus inférieurs à 32 400 € par an, mais en plus, seul un quota d'étudiants y aurait droit, avec une répartition du nombre de bourses à distribuer dans chaque académie au prorata du nombre d'étudiants inscrits dans l'enseignement supérieur. Inconcevable ? C'est pourtant de cette manière que viennent d'être attribuées, pour la première fois, aux étudiants inscrits à un des concours de l'enseignement, 12 000 bourses au mérite complémentaires, créées par le ministère de l'Education nationale.

Trois conditions irréalistes

Annoncées en juin 2009, ces bourses ont été conçues pour compenser en partie, avec la mise en oeuvre de la mastérisation, la suppression de rémunération pendant la cinquième année de formation des enseignants. Sans pour autant concerner tout le monde.

Ces bourses sont accessibles aux étudiants dont le revenu des parents est inférieur à 60 000 euros par an (soit le double du montant exigé pour avoir droit à une bourse sur critères sociaux). Et dans une circulaire, début juin 2009, le ministère avait fixé trois conditions pour leur délivrance : s'engager à passer un concours de l'enseignement, suivre une préparation au concours et être inscrit en M2. La dernière condition donnant lieu à une incohérence, relevée très rapidement par la CPU et la CDIUFM, puisque dans le cadre de l'année transitoire de la mastérisation - le M2 n'étant pas encore requis pour s'inscrire au concours - très peu d'étudiants se trouvaient finalement concernés. Début novembre, les deux instances ont obtenu un aménagement de la troisième condition, et les IUFM ont pu commencer à constituer les dossiers de demande de bourse des étudiants.

Des contingents académiques

A la même date, ont également été annoncés les contingents académiques de ces bourses, selon un calcul qui n'a pas été communiqué. « Le ministère aurait tenu compte du nombre d'étudiants inscrits à l'université - en dehors des IUT - pour appliquer une règle de trois, sur la base du quota de 12 000 bourses », avance un directeur d'IUFM, déplorant que certaines filières dans lesquelles les étudiants sont peu nombreux à passer les concours de l'enseignement n'aient visiblement pas été pondérées, comme médecine. C'est ainsi que l'académie de Paris a reçu un contingent de 1 079 bourses, alors qu'à Créteil, qui concentre plus d'étudiants issus de milieux moins favorisés, le quota est de 513.

Des critères de choix locaux

Pour tenir ces quotas académiques, les IUFM ont dû trier les dossiers selon des critères extrêmement variables d'une académie à l'autre.

puce-32883.gif A Créteil, par exemple, où sont parvenus 772 dossiers pour 513 bourses, a été prépondérant le fait d'avoir obtenu sa licence en trois ou en quatre ans. « Nous avons aussi regardé si les étudiants travaillaient à côté de leur études, pour leur donner un coupe de pouce », explique le directeur de l'IUFM de Créteil, Didier Geiger. « Nous avons également tenu compte du fait que l'étudiant soit déjà détenteur d'une aide au mérite de l'enseignement supérieur [il s'agit d'un autre dispositif non soumis à des quotas celui-ci, attribué à tous les étudiants à partir du moment où ils sont boursiers et méritants] », poursuit-il.

Des critères assez larges dont la volonté était à la fois de repérer les jeunes en difficultés financières et les bons élèves. Mais qui peuvent aussi s'appliquer, stricto sensu, aux étudiants de l'ENS qui préparent l'agrégation. D'autant qu'in fine, ce sont les notes qui ont permis de classer les candidats par ordre de mérite. « Et ceux qui préparent l'agrégation figurent bien le plus souvent parmi les meilleurs étudiants, les plus méritants ! » souligne Patrick Baranger, le directeur de l'IUFM de Lorraine.

puce-32883.gif A Montpellier, ce sont simplement les notes de l'année précédente qui ont été utilisées pour classer 893 dossiers déposés par des détenteurs d'une L3, d'un M1 ou d'un M2 pour un quota de 476 bourses. « Nous n'avions aucun outil pour étudier de manière fiable d'autres critères », souligne le directeur de l'IUFM de Montpellier, Patrick Demougin.

puce-32883.gif En Lorraine, en revanche, les notes n'ont eu aucun impact. Un comité réunissant l'IUFM mais aussi les universités ayant en leur sein des étudiants qui préparent les concours, s'est évertué à éliminer les dossiers (au nombre de 547) pour atteindre pile le quota académique de 438 bourses. Ont donc été écartés : les triplants au concours, les étudiants qui n'étaient pas scolarisés l'année précédente dans une université, les candidats déjà admis à un concours (c'est-à-dire les capésiens qui préparent l'agrég) et pour départager les derniers dossiers, les élèves les moins assidus. Une véritable usine à gaz !

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