Questions de société
Masterisation:

Masterisation: "Encyclique Allegro ma non troppo", par C. Noille-Clauzade + proposition de l'UFR d'Histoire de Bordeaux 3

Publié le par Bérenger Boulay

Masterisation: Encyclique Allegro ma non troppo

par Christine Noille-Clauzade, PR., UFR Lettres et Arts, Stendhal Grenoble 3.

Chers amis,

Allegro ma non troppo les maquettes des nouveaux masters pour l'enseignement seraient mises en musique un peu partout dans les universités françaises: en se pressant, mais pas trop tout de même...

D'abord parce que si l'air est connu, les paroles sont comme qui dirait ad libitum ... tel le souvenir d'un air qui nous charme (?) sans que nous puissions en fixer les contours, disait à peu près Proust (sur un tout autre sujet, il est vrai).

Et ensuite parce qu'il n'est pas encore trop tard pour inventer d'autres airs.

En effet, pendant que beaucoup d'entre nous tentons de composer de subtiles orchestrations en Y (M1 plus ou moins commun, M2 différenciés suivant des parcours recherche, enseignement, etc.) voire des partitions pour orgues (en différenciant dans des spécialités chacun des tuyaux de master, de façon à afficher une batterie de masters pro en SHS et à ne pas souffrir qu'un Master enseignement puisse s'inscrire sans couac dans un doctorat recherche), il en est qui ont délibérément changé de tempo.

C'est ainsi qu'à Bordeaux III, philosophes et historiens ont proposé à la discussion une maquette de préparation au capes en trois années, les deux premières années occupées par un vrai master recherche, avec quelques adaptations en semestre 4, et la troisième année dévolue à la préparation de l'écrit, de stages encadrés par les collègues de l'IUFM, et de l'oral (3ème année financée sur la ligne budgétaire agrégation et/ou négociée sur le budget globabisé des ex-iufm tel qu'il est reçu par les universités intégratrices). [Voir ci-dessous]

Tandis qu'à Nanterre se produisait un véritable coup de tonnerre dans le concert universitaire. Les historiens ont décidé de ne pas préparer la session d'automne 2010 (voir sur le blog de Sylvestre Huet pour Libération:
http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2010/03/mast%C3%A9risation-nanterre-refuse-de-pr%C3%A9parer-le-capes-histoireg%C3%A9o.html )

 Dans les trois semaines qui viennent, nous aurons tous à nous prononcer, dans nos départements, nos UFR, nos conseils, sur la pertinence et la viabilité de masters engageant nos cursus, nos services et nos étudiants pour les années qui viennent.

Malgré notre lassitude et la complexité des choses, prenons le temps, avant que tout ne soit joué,  de nous accorder - et ne feignons pas de croire que tout cela peut se régler "allegro ma non troppo" ... comme du papier à musique!

En comptant sur vous pour relayer largement dans les UFR et dans d'autres universités,

Bien amicalement,

Christine Noille-Clauzade, PR., UFR Lettres et Arts, Stendhal Grenoble 3.

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Proposition de l'UFR d'Histoire de Bordeaux 3
(proposition reprise et adaptée par l'UFR de philosophie)

[Téléchargement au format pdf conseillé: document joint au bas de cette page]


Dans le cadre des discussions préparatoires au référendum du 29 mars 2010 relatif au projet de formation des enseignants, cette proposition tient compte du cadre règlementaire (décrets et circulaires) et entend répondre aux préoccupations unanimement partagées par les membres de l'UFR : maintien des masters recherche, formation de qualité des futurs enseignants, maintien d'une préparation à l'agrégation.
Cette proposition tient également compte des spécificités des masters recherche en histoire, à savoir l'existence de deux masters recherche, l'un associant l'histoire ancienne et médiévale, l'autre l'histoire moderne et contemporaine.

Etant donné que :
- la réforme de la mastérisation des concours, prévoyant pour les futurs enseignants un parcours en deux  ans alliant recherche, préparation au concours, stages et passage des épreuves écrites et orales, est impossible à mettre en oeuvre, sauf à renier les missions fondamentales de l'université ;
- elle signifie en outre à court terme la disparition des masters recherche d'histoire et, plus largement, de sciences humaines à l'université Bordeaux3 ; 
- elle signifie également à court terme la disparition de la préparation à l'agrégation d'histoire (et d'autres disciplines) à l'université Bordeaux3 ;
L'UFR d'Histoire, soucieuse de maintenir la qualité de la formation de ses étudiants et de la préparation aux concours d'enseignement – capes et agrégation – toutes deux adossées à la recherche universitaire, propose :


- le maintien de ses deux masters recherche, en introduisant toutefois des modifications :

  •    aménagement des formations pour permettre  une soutenance du mémoire en fin de S3 (janvier de l'année de M2), aboutissement d'un travail de recherche commencé dès le S2 (deuxième semestre de M1).
  •   en S4 : mise en place d'un enseignement disciplinaire permettant un début de préparation aux écrits du CAPES et de l'agrégation (l'articulation des deux concours dépendra des programmes), tout en maintenant un  séminaire de recherche et en introduisant un enseignement  d'épistémologie (histoire et géographie).
  • En termes de services des enseignants, l'UFR d'Histoire est favorable à une meilleure priseen compte du travail d'encadrement des mémoires de master. 

-       la mise en place d'une année spécifique de préparation aux concours, post-master, 

  •   incluant la fin de la préparation à l'écrit, la préparation à l'oral ainsi que la formation professionnelle pour laquelle l'IUFM doit constituer un  partenaire privilégié. 
  •   Des stages de pratique accompagnée (mais non des stages en responsabilité à temps plein) devraient  être organisés, assurant aux futurs lauréats une formation 
  •  Cette année permettrait aux candidats d'obtenir une inscription et un statut d'étudiant (sur le modèle actuel de la préparation à l'agrégation).
  • Elle serait accessible aux étudiants déjà détenteurs d'un master ainsi qu'aux candidats en formation continue. 

Ce projet de réorganisation des Masters Recherche comporte plusieurs avantages:

• • Il prend acte des nouvelles dispositions réglementaires qui s'imposent dorénavant aux Universités assurant la formation des enseignants tout en tentant d'en limiter les effets délétères (en évitant les  « reçus-collés » et en refusant les stages en responsabilité en particulier)

• • Il n'engage pas l'avenir définitivement puisqu'il maintient au maximum l'existant en l'état, ménage  la possibilité d'un éventuel retour en arrière et... ne dispense personne de continuer à lutter contre cette  réforme (en particulier la date des écrits et le contenu des programmes)

• • Il défend une idée à laquelle nous sommes attachés, à savoir que la formation à la recherche est une préparation indispensable au métier d'enseignant

• • Il permet de s'entendre avec l'IUFM  pour mutualiser nos forces, nos compétences et nos ressources en vue d'assurer dans les meilleures conditions la formation académique et professionnelle de nos étudiants lors de la préparation du concours (S4-S6)

• • En nous dispensant d'ouvrir de nouveaux Masters professionnels de "Métiers de l'enseignement" ou de nouveaux parcours "Enseignement" dans nos Masters, il évite d'inventer des masters lourds « rien-en-un », de destabiliser de façon définitive les masters recherche ou d'imposer à nos étudiants le choix douloureux de la formation à la Recherche ou à l'Enseignement

• • En nous évitant de dispenser des diplômes universitaires d'enseignants précaires et mal préparés à leurs missions, il nous dispense d'accepter les aspects les plus controversés de la réforme gouvernementale et nous permet de ne pas transiger sur notre refus collectif de brader la formation des futurs enseignants et de produire des cohortes de contractuels 

• • En nous permettant de conserver nos offres de formation spécifique aux concours, il nous permet, enfin et surtout, de pérenniser notre mission traditionnelle de formation des enseignants dans les meilleures conditions, et de nous appuyer sur la réforme de la mastérisation pour contribuer à une réelle revalorisation du statut d'enseignant. 

• • stages: lors de l'année de préparation hors Master, les étudiants devront bénéficier de stages de formation, c'est-à-dire des stages d'observation et d'analyses de pratique de classe. Les modalités d'organisation de ces stages devront être définies en concertation avec l'IUFM d'Aquitaine.  Ils ne devront en aucun cas consister en "stages en responsabilité", qui impliqueraient d'exposer nos étudiants à des tâches pédagogiques et à des responsabilités auxquelles ils ne sont pas préparés.

• l'inscription et le financement se font en utilisant les modalités et la ligne budgétaire « agrégation »  transformée en « concours » et / ou la négociation d'une ligne budgétaire sur le budget globalisé des  iufm reçu par les universités intégratices : elle ne nécessite donc pas la création d'un DU payant

• le coût social d'un tel choix existe néanmoins (même s'il est moindre que dans le cas d'une formation bâclée et/ou contenant un tel nombre d'heures de formation qu'elle exclut de fait nombre d'étudiants. Surtout, s'il implique un allongement initial de la durée des études il permet ensuite d'éviter les « reçus  collés » et la précarisation accentuée du métier d'enseignant) et le développement d'une politique d'aide aux étudiants dans les universités comme une lutte pour que le nombre d'années de bourse soit  prolongé sont une nécessité