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Lettres marranes : instinct de survie, esprit de la pluralité

Lettres marranes : instinct de survie, esprit de la pluralité

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Dans son ouvrage fondateur (Liana Levi, 2002), Cecil Roth considérait les Marranes comme de possibles pionniers de la littérature en langue vernaculaire, gardiens de traditions et intitiateurs de traductions. Devant vivre dans et par le secret transmis, les "crypto-judaisants" ont fait l'objet de riches études de terrain et de paroles vives par Nathan Wachtel (qui fait paraître au Seuil une Anthropologie historique. Des Indiens aux Marranes), d'un beau film de Stan Neumann, et d'une théorisation préoccupée chez Derrida dans Le Dernier des Juifs (préfacé par J.-L. Nancy, Galilée). Culture d'exil et histoires métissées, les mémoires marranes font écho à notre temps, nous obligeant à "interroger la philosophie contemporaine qui oscille entre l'anamnèse et l'amnésie du théâtre judéo-chrétien de la pensée politique", ainsi que l'écrit Marc Goldschmit dans L'hypothèse du Marrane. Le théâtre judéo-chrétien de la pensée politique (éd. du Félin). Dans la douzième livraison de Fabula-LhT, "La langue française n'est pas la langue française", un article de Régine Robin, "Écrire français avec un accent", suggère que cette expérience extrême d'une vie culturelle désirant survivre et se renouvelant en temps de crise et d'oppression pourrait représenter le paradigme de toute pensée de l’écriture aujourd’hui. Fragmentation, déchirements et pluralité fondamentale constituent un individu résolument moderne, ainsi que l'analyse Natalia Muchnik dans De paroles et de gestes. Constructions marranes en terre d'Inquisition (éd. EHESS) : il n'est pas d'identité figée, au temps de l'Inquisition et de son "intolérance suicidaire" (Roth), ni aujourd'hui en démocratie.