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Marie Nimier : l’écriture et son double (Lyon)

Marie Nimier : l’écriture et son double (Lyon)

Publié le par Marc Escola (Source : Christian Uwe)

Colloque international

Marie Nimier : l’écriture et son double

du 13-14 avril 2017

organisé par Christian Uwe

sous les auspices de la Faculté de Lettres modernes - Université catholique de Lyon

 

Il est un trait frappant dans l’œuvre narrative de Marie Nimier : la récurrence d’un mode de saisie d’un fait face auquel l’écriture se pose comme à l’affût de son propre reflet. On entend par « mode de saisie » la pratique d’un langage – au sens sémiotique – pouvant être de nature verbale mais aussi musicale, photographique, corporelle, etc. Souvent porté par un personnage autre que le narrateur, ce langage se pose face à la parole du narrateur, tel un miroir déformant où l’écriture se mire, se reconnaît mais aussi se voit déplacée. Nulle part sans doute ce phénomène n’est plus flagrant que dans La nouvelle pornographie. Le récit, assumé par une Marie Nimier romancière et personnage de roman, confronte en effet l’œuvre romanesque déjà réalisée et les coulisses d’un livre en court d’écriture, un livre de commande destiné à révolutionner un genre : l’écriture pornographique. Or, ici comme dans les autres livres, rien ne se passe comme prévu. Cette confrontation entre une œuvre déjà engagée et son double malaisé donne alors lieu à une exploration de la condition d’écrivain depuis les incertitudes de l’imagination jusqu’aux enjeux de la publication, en passant par le travail d’enquête et de documentation, les rapports entre l’écrivain et l’éditeur, sans oublier les difficultés du langage face à soi, face aux autres et face à l’écriture. Récit d’un projet littéraire qui échoue ailleurs, comme on le dirait d’un navire détourné de son cap, le livre donne ainsi au lecteur le spectacle de deux écritures, l’une qui constitue le livre réalisé et l’autre qui laisse entrevoir ce qu’il aurait pu devenir. Face à l’écriture réalisée, il pose son double, un double qui joue du faux comme de son ombre (Papillon, 2010 : 33) et fait planer sur le récit le spectre capricieux de la métafiction.

Or, loin d’être cantonné à ce seul roman, ce dédoublement de l’espace de création se retrouve dans toute l’œuvre narrative de Nimier, quoiqu’il prenne des formes – et une intensité – variées : dans La Reine du silence la romancière fait face à son père, romancier lui-même ; dans Anatomie d’un chœur la musique suspend les conflits en agissant sur le chœur qu’elle transfigure le temps d’un concert ; dans Photo-Photo la narratrice, réinventée pour ainsi dire par le styliste Karl Lagerfeld, redécouvre ses dessins d’enfance et c’est toute une existence qui en est infléchie ; dans Je suis un homme un « macho dans le bon sens du terme » découvre le double de lui-même à travers la lecture illicite du journal intime de sa femme… Récit contre récit, récit contre photographie, ou contre la musique, la danse, contre l’œuvre d’un père : l’écriture est toujours déplacée, décentrée.

Ce jeu de décentrement n’est pas seulement la confrontation d’un dire à un autre. Il est aussi la confrontation de l’écriture à la lecture (La Reine du silence, Les Inséparables, Je suis un homme…) aussi bien que la confrontation d’une invention ou d’un fantasme à la réalité (Anatomie d’un chœur, Domino, Je suis un homme). Ce qui se dédouble dans l’écriture, ce n’est donc pas seulement la représentation du geste d’écrire, c’est l’ensemble des données que génère ce geste : les mots dont le sens se met pour ainsi dire à loucher, le personnage qui se retrouve face à son propre portrait brossé par un autre, le personnage toujours qui voit dans la trajectoire d’un autre une histoire qui pourrait être la sienne (cf. de Medeiros, 2011 : 27), l’écrivain qui trouve dans l’éditeur la figure instable d’un confrère et d’un lecteur… Dès lors, par-delà le partage entre son pan romanesque et le « récit de filiation » (Vercier et Viart, 2008), l’œuvre de Marie Nimier peut s’appréhender à travers ce prisme de l’écriture et son double. Le colloque se propose ainsi d’étudier les détours par lesquels le récit se constitue et s’affirme dans son présent (Strasser, 2009 : 24). L’analyse peut s’articuler autour de plusieurs axes :

 

L’écriture et l’art : travail langagier, l’écriture chez Marie Nimier s’exerce dans la conscience de la nature plurielle de l’art. Ce que le mot cherche à dire est parfois esquissé par les lignes d’un dessin ou provoqué par l’étrangeté d’une photographie, si bien que l’écriture s’établit non pas seulement face à l’événement mais aussi face aux signes, au pluriel. L’écriture et le temps : « Chez Marie Nimier, toute linéarité est absente, et le va-et-vient entre le présent de l’écriture et le passé est constant. » (Strasser, 2009 : 24)  Le rapport que l’écriture établit avec le temps embrasse à la fois le temps vécu et le temps de l’écriture si bien que cette dernière est toujours envisagée dans la double interrogation de sa vérité face au vivre et au dire. L’écriture et soi, à l’instar de ces moments « troublants » qu’évoque l’auteur à qui l’on demande parfois si elle a « un rapport avec Marie Nimier ». L’identité civile mise face à l’identité d’écrivain se trouve elle aussi placée devant un double qui soulève la question de l’incidence qu’a l’écriture sur la vie (de Larquier, 2006). L’écriture et le silence, ou l’écriture face à ce qui semble être à la fois sa condition de possibilité et sa négation. Au-delà du récit qui fait de l’auteur La reine du silence, l’écriture chez Marie Nimier semble osciller entre un désir – et un plaisir – de raconter et l’échec du récit confronté soit à son impossibilité soit à sa futilité. Devant l’impression de n’avoir rien à raconter, de ne rien savoir, « la reine du silence » se montre sur le point d’assumer son titre et c’est alors l’écrivaine qui semble se résorber dans la personne : « Je sens que je m’éloigne » constate-t-elle. Du silence qu’il fallait élucider – le silence qui rendait le récit non seulement possible mais nécessaire – l’écriture menace ainsi de basculer dans un silence d’impuissance. L’écriture et la condition de l’écrivain : les conditions de vie de l’écrivain, parfois précaires, ainsi que son rapport avec les éditeurs – et par ricochet, son rapport au livre comme produit commercial – occupent également une place visible dans certains récits de l’auteur. Cette préoccupation permet de considérer le travail d’écriture face aux déterminations sociologiques qui régissent le processus de sa valorisation économique.

 

Les interventions pourront ainsi s’inscrire dans l’une ou plusieurs de ces perspectives (dont la liste n’est pas exhaustive).

Les personnes intéressées à présenter une communication au colloque doivent transmettre une proposition de communication d’environ 150 mots, accompagnée d’une brève présentation de l’auteur (statut, affiliation institutionnelle et principales publications). Les propositions seront envoyées à « colloque.nimier.lyon@gmail.com » au plus tard le 23 janvier 2017. L’avis du comité sera diffusé au plus tard le 30 janvier 2017.

 

Comité scientifique

 

Thierry Brunel, Institut catholique de Lyon (France)

Jeanne-Sarah de Larquier, Pacific University, Oregon (USA)

Dr David Gascoigne, University of Saint Andrews (UK)

Dr Ana Maria de Medeiros, King’s College London (UK)

Xavier Rockenstrocly, Institut catholique de Lyon (France)

Christian Uwe, Institut catholique de Lyon (France)

 

 

Textes théoriques cités

 

Jeanne-Sarah de Larquier, 2006, « La Nouvelle Pornographie de Marie Nimier: De la question maudite aux mots dits » in Cincinnati Romance Review 25.2, mai 2006, p. 328-342.

Ana Maria de Medeiros, 2011, Puzzling out the Self: Identity and Intertextuality in "Les Inséparables", in Dalhousie French Studies, Vol. 97, Marie Nimier (Winter 2011), p. 25-36.

Joëlle Papillon, 2010, « L’auteure mise en scène et mise à nu. Sur les fausses confessions de La nouvelle pornographie », in Voix plurielles, vol. 7, no 2 (2010), p. 28-35.

Joëlle Papillon, 2012, « Marie Nimier, au cœur du silence », in Temps zéro, nº 5 [en ligne]. URL : http://tempszero.contemporain.info/document907 [consulté le 6 février 2016].

Anne Strasser, 2009, « Raphaële Billetdoux, Marie Nimier : des filles aux pères, le travail de filiation ou l'invention du père  », in Littérature 2009/3 (n° 155), p. 22-35.

Bruno Vercier et Dominique Viart, 2008, La Littérature française au présent : Héritage, modernité, mutation, Éditions Bordas, Paris.

 

  • Responsable :
    Christian Uwe
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    Institut catholique de Lyon