Collectif
Nouvelle parution
M. C. Pîrvu, B. Bonhomme & D. Baron (dir.), Traversées poétiques des littératures et des langues

M. C. Pîrvu, B. Bonhomme & D. Baron (dir.), Traversées poétiques des littératures et des langues

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Maria Cristina Pirvu)

Traversées poétiques des littératures et des langues

Sous la direction de Maria Cristina PÎRVU, Béatrice BONHOMME & Dumitra BARON

Avec des illustrations de Serge POPOFF

Paris : L'Harmattan, coll. "Thyrse", 2013.

EAN 9782343009414.

574p.

Prix 51,50EUR

Présentation de l'éditeur :

    Le volume présente les travaux du séminaire de recherche « Bilinguisme, double culture, littératures » qui s’est déroulé conjointement à Nice et à Sibiu entre les années 2009 et 2011, dans le cadre du partenariat scientifique établi entre le C.T.E.L. (Centre Transdisciplinaire d’Épistémologie de la Littérature et des Arts vivants, Université de Nice-Sophia Antipolis, France) et le D.E.F.F. (Département d’Études Françaises et Francophones, Université « Lucian Blaga » de Sibiu, Roumanie).

       La recherche universitaire et la recherche artistique s’y articulent dans un ensemble de vingt-cinq interventions polyphoniques. Ce qui apparaissait au début comme un dialogue entre deux langues (« bilinguisme »), et deux cultures (« double culture ») s’est avéré être un jeu vivant du multiple, du pluriel vécu dans sa diversité heureuse qui élargit en permanence le champ du possible. Au fil des séances de discussions qui suivaient les conférences, une idée s’est imposée de plus en plus : là où il y a l’ouverture vers une deuxième langue, la troisième ne tarde pas à venir. La disponibilité vers une deuxième culture est déjà un pas vers une troisième. Cette idée était en quelque sorte pressentie dans le choix du pluriel du nom « littératures » pour le titre du séminaire et c’est d’ailleurs à travers l’analyse comparée de plusieurs faits littéraires, que le double nous est apparu comme étant la cellule germinative d’un multiple foisonnant et enrichissant, ce qui explique le choix du pluriel pour tous les noms présents dans le titre du volume Traversées poétiques des littératures et des langues.

    La singularité de ce projet consiste dans le choix d’une approche aussi fidèle que possible de la spécificité du processus littéraire, avec une nette dominante poétique. Ce choix le différencie des études effectuées dans une perspective politique, historique ou anthropologique, sous l’angle du post-colonialisme ou du multiculturalisme. L’exercice proposé par ce volume est celui de la traversée poétique, une approche qui ne vise pas à l’exhaustivité : elle ne veut pas « couvrir » un domaine, mais souhaite le « parcourir », en suivant des chemins obliques (lat. transversus, oblique), comme celui de la création, de la traduction, de l’interprétation des textes. Il s’agit de traverser les littératures et les langues par d’autres littératures et d’autres langues. Il s’agit aussi de traverser les textes par des images, grâce aux dessins de Serge Popoff.

     Le fait de traverser les littératures et les langues est un acte de connaissance, une forme d’engendrement du savoir, mais également une expérience de vie et une manière de mettre en avant la nature dynamique des mondes linguistiques et littéraires. Les littératures et les langues  ne sont pas seulement un objet d’étude, mais un lieu de vie : le lieu d’une expérience cognitive. La traversée est un moyen d’étude et d’apprentissage, un mode d’emploi de la différence linguistique ou culturelle. Les traversées poétiques impliquent l’effort de comprendre les formes (des littératures et des langues) en les traversant, ce qui relève de la géométrie, mais aussi de la danse.

     Les traversées réunies dans ce volume sont des traversées poétiques, littéralement et dans tous les sens du terme « poétique ». Certaines d’entre elles relèvent de la Poésie (voir l’intervention du poète James Sacré, la création de l’artiste Serge Popoff, les analyses portant sur les poèmes de Heather Dohollau, Salah Stétié, Fernando Pessoa, Paul Celan, Yvan Goll).

   D’autres traversées du volume empruntent le chemin de la poétique en tant que poïétique (gr. poiein, faire, créer), dans le sens de la création (romanesque, par exemple, comme dans le cas de Yannis Kiourtsakis et de Xiaomin Giafferri, ou bien, poétique et artistique chez Serge Popoff, ou bien encore, sous cette forme humble mais hautement créatrice qu’est la traduction, dont témoignent, en particulier, les interventions de Xiaomin Giafferri et Liliane Hasson).

    Certaines traversées poétiques suivent des exemples d’écrivains dont le faire intègre une réflexion sur le faire. Cette manifestation évidente d’une conscience ou même d’une hyperconscience du créateur au travail, d’une conscience poïétique du passeur littéraire des langues, constitue le centre d’intérêt des interventions portant sur les écrits d’E.M. Cioran, Andreï Makine, Romain Gary, Joseph Conrad, Hubert Aquin.

     Les traversées poétiques opèrent donc par la poésie, par la création, par la réflexion de l’artiste sur sa création (poïétique/poétique), mais aussi par l’analyse et l’interprétation des formes littéraires, or cette analyse est au cœur de la discipline littéraire désignée communément par le terme de « poétique ». Les traversées visent les formes macrostructurelles et les formes microstructurelles de l’œuvre littéraire. Il s’agit d’explorer les formes du poème et les formes du récit (voir les analyses portant sur le choix de la nouvelle fait par l’auteur grec Vizyinos ou sur les romans canadiens), ou bien, une forme générique précise (l’élégie internationale d’Yvan Goll, le journal d’exil de Sanda Stolojan, la correspondance d’E.M. Cioran) ou des formes sonores du passage littéraire d’une langue à l’autre (voir les études portant sur la création de Samuel Beckett, Eugène Ionesco, Fernando Pessoa), sans perdre de vue les formes littéraires minimalistes, qui constituent autant de créations linguistiques, ces pépites d’or ou « samples » d’épices d’une langue étrangère, que les voyageurs littéraires de toute époque portent dans leurs bagages (xénismes, pérégrinismes, contre-traductions ou éléments d’une « langue rapaillée » : anglicismes, urbanismes).

    Les différentes acceptions du terme « poétique » se retrouvent par ailleurs dans la structure du volume, qui est composée de sept parties. Cette structure est traversée poétiquement par les dessins de Serge Popoff et ouverte vers l’image par une présentation de l’artiste, signée par Béatrice Bonhomme.

      L'organisation du volume suit une progression dans l’enchaînement des parties : la recherche par la création à la croisée des langues (1) précède une analyse de la pensée des auteurs sur leur création translinguistique (2) qui ouvre le chemin vers une interprétation philosophique (sur les traces de Derrida, Deleuze, Levinas) d’un haut lieu de la création littéraire : la poésie, comme chemin de passage d’une langue à l’autre (3). Après l’art de la poésie, c’est l’art narratif que traverse un plurilinguisme envisagé par le prisme de la construction narrative : choix d’une forme de récit, choix des temps du récit, construction d’un personnage apparemment secondaire comme celui de la nourrice (4). Après les formes littéraires générales (et génériques) de la poésie et de la narration, on traverse des formes littéraires particulières (correspondance, journal, élégie internationale), avec les contraintes et les libertés qui leur sont propres (5). On affine l’étude des formes et l’intérêt se déplace vers les microformes sonores : rythmes, sons, mélodies, silences, dans leur lutte/danse perpétuelle avec le sens, en passant, avec Samuel Beckett, par les limbes du langage (6). Après avoir pleinement illustré l’idée que chaque écrivain invente sa langue, une langue comme un univers particulier, une langue qui correspond à un style d’écriture, il convient de se placer dans la perspective de la langue collective, commune, anonyme, qui se trouve renouvelée, rapiécée, bousculée, perturbée sans cesse par les apports de ses différents locuteurs et leurs interactions plus ou moins conflictuelles (7).

     Le livre veut fonctionner comme une chambre de résonance, comme une chambre d’échos. Dans ce but, les titres des parties reprennent des formules empruntées à plusieurs contributeurs de l’ouvrage : langue autre, langue inconnue, langue tout à fait étrangère, langue nourrice, langue de l’exil, l’entre-langues, l’outre-langue, pour refléter ainsi, en quelque sorte, la nature vivante du séminaire et les dialogues qui l’ont nourri. Ces formules (auxquelles s’ajoutent celles de langue inventée, hors-langue, langue-fille, tierce-langue, langue-migrante, avant-langue, langue-monde, le devenir-langue, langue d’emprunt, langue rapaillée) s’imposent, au fil des chapitres du volume, par la finesse des argumentaires qui les sous-tendent, et peuvent ainsi fonctionner comme autant de termes opératoires pour les champs d’étude du plurilinguisme littéraire.

     Les articles permettent de mettre en exergue une proposition théorique susceptible d’intéresser à la fois les disciplines de la poétique et les disciplines de la littérature comparée. La notion de traversée poétique intègre la transtextualité (qui, à l’instar de Gérard Genette, se trouve au cœur de la poétique) et la traduction (qui est la base de la pratique comparatiste, dans la vision de Homi K. Bhabha). La traversée poétique des littératures et des langues s’appuie sur ces deux principes, car elle suit le mouvement par lequel un texte va vers un autre texte (transtextualité), mais aussi la manière dont une langue va vers une autre langue (traduction). Elle intègre ces deux pratiques dans une méthode d’analyse qui essaie d’aller avec le texte, de l’accompagner dans son cheminement de production et d’interprétation.

     Chaque article du volume est, à sa manière, une traversée poétique des littératures et des langues. Le volume est une occasion pour mettre en lumière la façon dont les langues sont poétiquement traversées par les littératures qui les cultivent, de même que les différentes littératures s’affirment dans la mesure où elles se laissent traverser par les langues, où elles trouvent le courage d’assumer une position fragile, comme celle d’habiter la frontière ou de s’exiler par rapport à une langue.

Table des matières


   Maria Cristina Pîrvu, Béatrice Bonhomme et Dumitra Baron
Introduction p. 7   
   Béatrice Bonhomme
Traversées avec Serge Popoff  p. 35

Créer ou traduire la langue autre
   
    James Sacré, poète
Mêlée de langues pour quel poème ? p. 41
    Yannis Kiourtsakis, écrivain,
Autour de la trilogie Le Même et l’Autre  p. 51
    Serge Popoff, graveur,
Retour vers l’est. Au cœur d’une langue matricielle paternelle Texte-poème p.  75
    Xiaomin Giafferri, maître de conférences, CTEL, UNS
Aventure linguistique, écrire en français et en chinois p. .95
 


Penser le travail d’écrire dans une langue tout à fait étrangère

    Anna Lushenkova, docteur en littérature comparée, CTEL, UNS
Les langues de Romain Gary et de Joseph Conrad : la tentation de la multiplicité p.  109
    Elena Ciocoiu, ancienne pensionnaire de l’ENS, traductrice
L’alchimie du bilinguisme chez Andreï Makine p. 131
    Dumitra Baron, maître-assistante, DEFF, ULBS
« On n’habite pas un pays, on habite une langue » – exil et bilinguisme chez Cioran p.  147
    Dorin Comşa, maître-assistant, DEFF, ULBS
Hubert Aquin, entre l’engagement politique et l’écriture p. 167

Porter le poème comme une langue inconnue

    Béatrice Bonhomme, Professeur des Universités, CTEL, UNS
Salah Stétié, entre langue française et langue arabe p. 181
    Clémence O’Connor,  maître de conférences, Université d’Aberdeen
Heather Dohollau : la poésie comme langue inconnue p. 197
    Jean-Marie Barnaud, poète
Paul Celan et l’essence du poème  p. 231
    Filomena Iooss, professeur agrégé, docteur, CTEL, UNS
Plurilinguisme et travestissement identitaire chez Pessoa – la langue comme masque d’un nouvel hétéronyme ? p. 251

Franchir le seuil du récit pour dire la langue nourrice
    René Bouchet, Professeur des Universités, CTEL, UNS
Vizyinos et le choix de la prose : un changement d’écriture pour dire l’aporie d’une double culture p. 283
    Cécile Gauthier, maître de conférences, Université de Reims
Trouble dans la langue : langue de la nourrice et langue(s) maternelle(s) p. 315
    Anamaria Enescu, assistante universitaire, DEFF, ULBS

La sortie de soi dans Le Pavillon des miroirs de Sergio Kokis p. 335

Cultiver une forme littéraire à travers la langue de l’exil

    Sandrine Montin, maître de conférences, CTEL, UNS
Yvan / Iwan Goll, poète, traducteur et médiateur européen  p. 345
    Corina Moldovan, maître de conférences, Université « Babes-Bolyai » de Cluj-Napoca
Voies et voix de l’exil féminin roumain en France : Sanda Stolojan p. 361

    Rodica Fofiu, maître de conférences, DEFF, ULBS
« Changer de langue c’est bien plus grave que changer de pays ». Témoignages de la correspondance d’Emil Cioran avec ses proches au sujet du changement de langue  p. 373

    Liliane Hasson, maître de conférences, Université de Nantes
Reinaldo Arenas aux États-Unis, heurs et malheurs p. 389
    Gina Puică, docteur en littérature, Université de Strasbourg
Parages de Théodore Cazaban. « Éclair fixé » dans un exil durable p. 403

Traquer le son dans le passage littéraire de l’entre-langues

    Patricio Ferrari, docteur en linguistique, Université de Lisbonne
Pour une édition critique des poèmes français de Fernando Pessoa et d’Alejandra Pizarnik p. 423
    Arnaud Beaujeu, docteur en littérature, CTEL, UNS, professeur en classe préparatoire
La poésie intime du théâtre beckettien ou la naissance d’un tiers langage, entre anglais et français, entre son et silence p. 453
    Maria Cristina Pîrvu, docteur en littérature, CTEL, UNS
Jeu des langues. Eugène Ionesco et l’autre sens du poème p. 479

Transformer et transporter les mots à bord d’une outre-langue

    Odile Gannier, Professeur des Universités, CTEL, UNS
Pérégrinations et pérégrinismes : emprunts, xénismes, traductions et contre-traductions p. 503
    Voichiţa-Maria Sasu, Professeur des Universités, Université « Babes-Bolyai » de Cluj-Napoca
La langue rapaillée p. 537

Bibliographie générale p. 547

Présentation des auteurs p. 559