Actualité
Appels à contributions
Marges et Déviances

Marges et Déviances

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Emilie Lucas-Leclin)

Marges et Déviances

Dévier de la norme,qu'elle soit sociale ou littéraire, revient toujours à interroger celle-ci, àmettre en question sa validité ou les conditions de son existence, et lespossibilités qu'ouvre un passage à sa marge. Au sens étymologique, déviersignifie « s'écarter du droit chemin » : la déviance implique unécart qui n'est peut-être pas de l'ordre de la transgression, terme qui évoquele franchissement délibéré d'une limite. Entre subversion assumée et simpledérive, la déviance questionne ou provoque la norme à partir de ses marges. Au-delàde la figure récurrente de l'artiste marginal, dans quelle mesure peut-onparler d'écriture ou d'art déviants ?

C'est parexemple aux marges de la société que les auteurs de la Beat Generation ontcherché de nouvelles pistes formelles et thématiques : Jack Kerouac, dans Sur la route, invente « la prosespontanée », technique d'écriture inspirée du jazz be-bop, la musiqueunderground des Noirs américains dans les années 40. Mais dévier de la norme peutaussi être un moyen de s'y confronter brutalement, de créer un hiatus :c'est le cas de Jean Genet, apologiste des voleurs et des traîtres, qui décritamours homosexuelles et vies des voyous dans une langue d'un classicismeconfinant à la préciosité : il propose ainsi un choc brutal entre la normede la langue et la déviance du propos. La déviance se fait alorsprovocation : dans le sens que nous révèle son étymologie, du latin provocare, « appeler dehors, fairevenir », la déviance est alors le moyen de faire bouger les repèresordonnés que la norme maintient.

La présence dela marginalité dans l'oeuvre artistique donne également un espace de visibilitéà des individus que la société tâche de garder loin des regards. Le mouvementsurréaliste, en s'intéressant aux travaux de ceux que l'on appelait encore des« aliénés », a ainsi oeuvré dans le sens de ce dévoilement et danscelui d'une mise en question de la notion de « normalité », dans lasociété comme dans l'écriture.

Car dévier dela norme revient à s'écarter du champ du communément admis, mais aussi ducommunément compris : la réception d'auteurs comme Antonin Artaud ouWilliam Burroughs, dans un premier temps censurés, puis encensés commebrillamment novateurs, est révélatrice d'un processus de reconnaissance parfoislong, et dont le cheminement passe par une réévaluation de la norme elle-même.

L'écrivain« déviant » est ainsi dans la posture contradictoire du« marginal reconnu ». Cet état-limite questionne à la fois la notionde déviance dans la société et le statut du littéraire comme autorité : lalittérature intègre-t-elle le marginal ou tend-elle vers la marge ? L'écrivaindéviant, par définition marginal, ou pour reprendre le terme du sociologueHoward Becker, « désobéissant », en exposant via l'écrit littérairesa position subversive, s'inscrit dans un processus de reconnaissance etd'institutionnalisation littéraire. Quel pouvoir de subversion conserventaujourd'hui les écrits de Villon, de Sade ou d'Henry Miller ? La notion de« déviance », comme la « norme » elle-même, est relative àun espace culturel, mais aussi à un temps donné : elle interroge les modesde constitution du commun et de la communauté, et la capacité de la littératureà faire bouger les lignes de partage entre le dedans et le dehors, le centre etla marge, le normal (la loi, le code, la règle) et le pathologique (leurdérèglement ou dé-rivation). Lalittérature est-elle un lieu privilégié de revendication de la transgression ouun organe de régulation de la marginalité ? On en vient alors à penser àla fois le statut sociologique du fait littéraire tout autant que l'imaginairelittéraire de la déviance ; la marginalité étant « cachée » dansla société, elle ouvre alors de nouvelles pistes à la fiction.

Ce sujet, qui se veut largementouvert, n'est exclusif d'aucune période ni d'aucun genre littéraire (roman,nouvelle, théâtre, poésie, etc.), et peut ouvrir à des comparaisons avec lesarts plastiques ou le cinéma : seule la perspective comparatiste estrequise. Les propositions de communication (3000 signes), accompagnées d'unebrève bibliographie et d'une courte présentation du rédacteur, doivent êtreenvoyées avant le 22 octobre 2011 en fichier word ou rtf àl'adresse : lgcrevue@gmail.com.Les articles retenus seront à envoyer pour le 15 décembre 2011.Nous rappelons que la revue de littérature générale et comparée TRANS-accepte les articles rédigés en français, anglais et espagnol.

Margins and Deviance

Deviating from the norm, whether itbe social or literary, always entails a return to its interrogation, toquestioning its validity or the conditions of its existence as well as thepossibilities opened by moving to its margins. In the etymological sense, todeviate means “to go astray”: deviance implies a distancing that may not be ofthe magnitude of a transgression, a term that evokes the deliberate crossing ofa border. Between assumed subversion and simple diversion, deviance questionsor provokes the norm from its margins. Beyond the recurring figure of themarginal artist, to what extent can we speak of deviant writing or art?

Forexample, it's at the margins of society that the authors of the Beat Generationsought out new formal and thematic routes: Jack Kerouac, in On the Road, invented “spontaneousprose,” a technique inspired by bebop jazz, underground music developed byAfrican Americans in the 1940s. However, deviating from the norm can also be away of brutally confronting it, of creating a hiatus as in the case of JeanGenet, an apologist of thieves and traitors, who described homosexual loves anddelinquents'' lives in a classicist language bordering on preciosity. As suchhis work proposes a brutal collision between the norm of language and thedeviance of the intention. At this point deviance becomes provocation in thesense revealed by its etymology, from the Latin provocare: “to call out, to make come.” Accordingly deviance becomes the way to shakeup the points of reference upheld by the norm.

Thepresence of marginality in an artistic work likewise provides visibility toindividuals whom society attempts to maintain in obscurity. The surrealistmovement, by taking an interest in work by those still referred to as“alienated,” has thereby worked towards this unveiling and questioning of thenotion of “normality” both in society and in writing.

Since deviating from the norm comesback to distancing oneself from the field of the commonly accepted, but alsofrom the commonly understood, the reception of authors such as Antonin Artaudor William Burroughs, initially censored and later acclaimed as brilliantlyinnovative, reveals an at times lengthy process of recognition whose journeyincludes a reevaluation of the norm itself.

The “deviant” writer thus holds thecontradictory posture of being recognized as marginal. This border statesimultaneously questions the notion of deviance in society and the status ofliterature as an authority: Does literature integrate the marginal or does itapproach the margin? The deviant writer, by definition marginal or according tosociologist Howard Becker disobedient, by exposing his or hersubversive position through literary writing inscribes him or herself in aprocess of recognition and literary institutionalization. What subversive powerdo the writings of Villon, Sade, or Henry Miller retain today? The notion ofdeviance, like the norm itself, is relative to a cultural space, but also to agiven time: it interrogates the modes of constituting the common and thecommunity as well as the capacity of literature to make the divisions betweeninside and outside, the center and the margin, the normal (law, code, rule) andthe pathological (deregulation or derivation). Is literature a privileged siteof reclaiming transgression or an organ that regulates marginality? Thesociological statute of the literary act as well as the literary imaginary ofdeviance can thus be considered simultaneously; marginality opens newdirections for fiction because it is “hidden” in society.

This topic, which is intentionallybroad, is open to all periods and genres (novel, story, drama, poetry, etc.)and may be open to comparisons with film and other visual arts; the onlyrequirement is that the approach be comparative. Proposals (3000 characters or500 words), along with a brief bibliography and a short author's statement,must be sent before October 22, 2011 in Word or RTF format to lgcrevue@gmail.com. Selected articles mustbe submitted by December 15, 2011. As a reminder, TRANS- accepts articles inFrench, English and Spanish.

Márgenes y desvíos

Desviarsede la norma, ya sea social o literaria, supone siempre problematizarla,cuestionar su validez o las condiciones de su existencia, así como lasposibilidades que abre situarse en sus márgenes. En sentido etimológico,“desviarse” significa “apartarse del buen camino”: el desvío implica unadesviación que puede no ser la de la trasgresión, término que evoca laviolación deliberada de un límite. A medio camino entre la subversiónconsciente y la simple deriva, el desvío cuestiona o provoca a la norma desdesus márgenes. Más allá de la consabida figura del artista marginal, ¿en quémedida cabe hablar de una escritura o de un arte “desviados”?

A partir de los márgenesde la sociedad, por ejemplo, los autores de la Beat Generation buscaron nuevas vías formales y temáticas: Jack Kerouac en On the road, inventa“la prosa espontánea”, técnica de escritura inspirada en el jazz be-bop, lamúsica underground de los negros americanos en los años 40. Pero desviarse dela norma puede ser una manera de enfrentarse a ella, de abrir una brecha: tales el caso de Jean Genet, apologista de los ladrones y los traidores, quedescribe amores homosexuales y vidas de golfos con un idioma clasicista quelinda con el amaneramiento, creando así un choque brutal entre la normalingüística y lo marginal del tema. El desvío se transforma así en provocaciónen el sentido que nos revela su etimología, del latín provocare, “llamarfuera, hacer venir”, convirtiéndose así en un medio de alterar el orden que lanorma mantiene.

La presencia de lamarginalidad en la obra artística ofrece asimismo visibilidad a individuos quela sociedad procura mantener ocultos. El movimiento surrealista, al interesarsepor las obras de los llamados “alienados”, colaboró en esta labor dedevelamiento así como en el cuestionamiento de la noción de “normalidad”, tantoen la sociedad como en la escritura.

Y es que desviarse de lanorma supone apartarse del ámbito de lo generalmente admitido, pero también delo generalmente comprendido: la recepción de autores como Antonin Artaud oWilliam Burroughs, primero censurados y luego alabados en tanto que brillantesrenovadores, es reveladora de un proceso de reconocimiento a veces largo, ycuya evolución presupone una reevaluación de la propia norma.

El escritor que aceptadesviarse se encuentra así en la situación paradójica del “marginalreconocido”. Esta posición ambigua cuestiona tanto la noción de lo marginal enla sociedad como el estatus de lo literario como forma de autoridad: ¿integrala literatura lo marginal o tiende más bien hacia los márgenes? El escritor“desviado” de la norma, por definición marginal, o, según el término delsociólogo Howard Becker, “desobediente”, al exponer por medio de la escriturasu posición subversiva, se enmarca dentro de un proceso de reconocimiento y deinstitucionalización literaria. ¿Qué poder de subversión conservan hoy lasobras de Villon, de Sade o de Henry Miller? La noción de “desvío”, al igual quela misma “norma”, se refiere a un espacio cultural y a un espacio determinados:cuestiona los medios con los que se constituye lo común y la comunidad, y lacapacidad de la literatura para desplazar las fronteras entre el interior y elexterior, el centro y los márgenes, lo normal (la ley, el código, la regla) ylo patológico (su alteración o deriva). ¿Es la literatura un espacioprivilegiado para la reivindicación de la trasgresión o un órgano regulador dela marginalidad? Ello conduce a pensar tanto el estatuto sociológico del hecholiterario como el imaginario literario del “desvío” de la norma: al estaroculta en la sociedad, la marginalidad abre nuevos caminos a la ficción.

Estetema, que aspira a ser lo más abierto posible, no queda restringido a ningunaépoca ni a ningún género literario (novela, cuento, teatro, poesía etc.), ypuede dar lugar a comparaciones con las artes plásticas o el cine. Sólo seexige una perspectiva comparatista. Laspropuestas de artículo (3000 signos), acompañadas de una breve bibliografía yde una corta presentación del autor, deberán ser enviadas antes del 22 de octubre de 2011, en formato wordo rtf a la dirección: lgcrevue@gmail.com.La fecha límite de envío de los artículos completos que hayan sidoseleccionados será el 15 de diciembre.Recordamos que la revista Trans- acepta artículos en francés, inglés yespañol.