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Malraux et la Chine

Malraux et la Chine

Publié le par Jean-Louis Jeannelle (Source : Joel Loehr)

Année de la France en Chine
Malraux et la Chine

Colloque International 

18-19 et 20 avril 2005, Université de Pékin

Programme 

                I - Orient et Occident en miroir

Présidence : Luo Peng

- Henri Godard : « Art occidental et art oriental dans l’œuvre de Malraux »

- Qin Haiying : « Malraux : un regard comparatiste sur l’art »

- Sun Weihong : « L’image des Chinois chez Malraux »
 

                II - De La Tentation de l’Occident à La Condition humaine

A - A l’ouverture d’un cycle asiatique

Présidence : Henri Godard

- Jean-Claude Larrat : « Malraux face à la Chine des années 1920 : mythe et histoire »

- Zhang Xinmu : « Instances narratives dans La Voie royale »

- Liu Chengfu : « André Malraux : un grand humaniste »

B - L’image de la Chine dans La Condition humaine

Présidence : Xu Zhenhua

- Luo Peng : « Malraux et La Condition humaine »

- Julien Dieudonné : « Langage du terrorisme et terrorisme du langage »

- Yves Moraud : « La Chine dans La Condition humaine : une esthétique du mystère »                     

C - La Condition humaine au regard de la Chine

Présidence : Jean-Claude Larrat

- Tian Qingsheng : « La Condition humaine ou le tragique du solitaire »

- Zhang Yinde : « La tentation de Shanghaï : espace malrucien et hétérotopie chinoise »

- Che Jinshan : « La Condition humaine : quel intérêt particulier pour un lecteur chinois ?

 

            III - La place de la Chine dans l’écriture mémorialiste 

Présidence : Meng Hua

- Jacques Lecarme : « La Chine au ‘miroir des limbes’ ou les limbes de la Chine »

- Jean-Louis Jeannelle : « Malraux au pays de l’avenir radieux »

- Jean-Marc Moura : « Dialogues chinois et légende du tiers monde dans Le Miroir des limbes »

                                   

            IV - La Chine dans les Ecrits sur l’art

A - Révélation(s) de la Chine

Présidence :  Tsai Shuling

- Joël Loehr : « La Chine ou la révélation du signe »

- Jean Arrouye : « Malraux, intercesseur de l’art chinois »

- Dong Qiang : « Les Tombeaux des Ming et Facteur Cheval »

B - La Chine des Voix du silence à L’Intemporel 

Présidence : Yves Moraud

- Jérôme Serri : « La place de la Chine dans les Ecrits sur l’art »

- Edson Rosa da Silva : « L’art extrême-oriental dans Les Voix du silence et dans L’Intemporel : tentative d’interprétation »

- Xu Zhenhua : « Du Surnaturel à L’Intemporel : la métamorphose de la littérature»

C - L’élaboration d’un mythe 

Présidence : Zhang Yinde

- Jean-Pierre Zarader : « Les Ecrits sur l’art de Malraux et La Fable des continents de Hugo Santiago et Georges Aperghis : le concert des oeuvres d’art »

- Tsai Shuling : « La construction d’un mythe moderne - André Malraux et Maurice Blanchot »

- Michaël de Saint-Chéron : « Le ch'i ou la Réalité intérieure dans les Ecrits sur l'art »

 

            V – Engagements de Malraux 

Présidence : Jacques Lecarme

- Luo Guoxiang : « Le Ch’i et l’action malrucienne »

- Yang Guozheng : « Malraux et Guo Moruo : deux intellectuels engagés »

- Zong Liang : « Politique des maisons de la culture chez Malraux : démocratisation culturelle ou belle utopie ? »

 

Présentation

La Chine constitue chez Malraux un univers de référence si ancien, si profond et si constant que la place qu’elle occupe dans son œuvre et dans sa réflexion demandait que l’on croisât, à l’occasion d’un colloque international (sans précédent), les regards de spécialistes chinois, français et venus d’autres horizons encore.

On verra ainsi comment, dès ses premiers écrits, Malraux observe

l’entrée de la Chine dans l’Histoire et fait d’elle cet autre pôle à partir duquel repenser l’homme occidental, notamment dans La Tentation de l’Occident. Des communications seront consacrées aux trois romans qui situent leur action en Asie : Les Conquérants, La Voie royale et La Condition humaine. Leur approche en sera renouvelée, y compris par comparaison avec des romans chinois contemporains : dans La Condition humaine, Shanghaï apparaîtra alors à la fois comme un cadre politique où des valeurs s’affrontent et comme un espace irréel où l’homme se confronte à son propre mystère.

Une relecture de l’œuvre « autobiographique » permettra de mesurer les indices de réfraction de la Chine dans le Miroir des limbes, non plus seulement comme pôle de confrontation avec l’Occident, mais aussi dans sa relation de contiguïté avec d’autres grandes civilisations orientales (celle de l’Inde, celle du Japon ...). Dans les Antimémoires, seront éclairés sous un jour neuf les principes et lois de composition de séquences narratives aussi décisives que celle de « la longue marche » et de séquences dialoguées aussi critiquées que l’entretien avec Mao. Ce sera l’occasion, en même temps, de réinterroger les engagements politiques de Malraux, au service d’un certain nombre de valeurs. 

Les écrits sur l’art, qui ont fait l’objet d’une nouvelle édition dans la collection de la Pléiade, fixeront évidemment l’attention de plusieurs spécialistes. Malraux y organise en effet le dialogue des civilisations, la confrontation des pensées et la comparaison des arts de l’Occident et de l’Orient. Il y élabore aussi des notions et des mythes qui seront mesurés dans leur efficacité. Soulignons que certaines des interventions s’accompagneront de projections commentées de films ou de diapositives.

Le colloque sera suivi d’une table ronde ainsi que d’une présentation et d’une projection du film de Malraux « Sierra de Teruel  »

 

Résumés des communications

(Par ordre alphabétique des noms des intervenants)

Jean ARROUYE

André Malraux intercesseur de l’art chinois

La communication étudiera l’évolution de l’idée que donne de l’art chinois André Malraux dans l’ensemble de ses trois séries d’ouvrages sur l’art, Les voix du silence, Le musée imaginaire de la sculpture mondiale, La métamorphose des dieux et sa réflexion parallèle sur les conditions de l’entrée de cet art dans le Musée imaginaire.

De 1949 où dans La création artistique, deuxième ouvrage de ce qui se nommait alors La psychologie de l’art où il commente la « densité » de l’art Han et le « dépouillement » de l’art Wei, à 1976 où, dans L’intemporel, dernier volume de La métamorphose des dieux, il caractérise l’art extrême oriental par sa capacité de révéler la « Réalité intérieure » des choses, la réflexion d’André Malraux s’est précisée et approfondie, le corpus des œuvres qu’il reproduit enrichi et diversifié et la nature des enjeux esthétiques et métaphysiques qui sont, selon le philosophe de l’art, ceux de l’art chinois, a été distingué de façon plus forte et spécifique.

Parallèlement André Malraux poursuit sa réflexion sur la possibilité de mettre cet art à portée du regard de tous et sur la difficulté de l’entreprise, de l’impossibilité matérielle de reproduire par la photographie, sur ses supports habituels, les dégradés et les effets de déperdition de l’encre dans le papier des rouleaux à la difficulté pour le spectateur occidental de se défaire de ses catégories de pensée et de ses critères de jugement fondés, pour le dire de façon symbolique et brève, sur son admiration du portail de Chartres.

C’est la conjonction de ces deux démarches, souci de compréhension exact et de transmission fidèle du sens des œuvres et préoccupation de la création des conditions matérielles propres à leur juste reproduction qui fait d’André Malraux un passeur entre deux mondes. On illustrera la constance et les variations de son rôle d’intercesseur par la projection de diapositives montrant les œuvres qu’il donne à voir dans ses livres.

CHE Jinshan 

La Condition humaine : quel intérêt particulier pour un lecteur chinois ?

En Chine, on reproche souvent à ce roman de Malraux de ne pas avoir rendu une image fidèle et exacte, propre à la Chine. Nous voulons le situer, non dans le contexte événementiel chinois, mais dans la tradition narrative chinoise, pour voir s’il apporte quelques nouveautés à la réflexion littéraire chinoise.

Julien DIEUDONNE

Langage du terrorisme, terrorisme du langage

L’on partira du constat d’une singularité du romancier Malraux : les personnages de La Condition humaine existent d’abord par leur voix. Non dans un souci de caractérisation ou d’illusion réaliste, mais parce que la question de la voix du personnage recoupe un enjeu poétique et métaphysique majeur : elle désigne et engage pour chacun d’entre eux l’essentiel d’un rapport au langage où trouve à se figurer l’un des motifs fondateurs et structurels du roman, au point que Malraux le donne pour source du titre du livre – la scission tragique entre « voix de gorge » et voix-pour-l’oreille, voix intérieure et voix extérieure. Pour nul autre que pour Tchen, cette expérience proprement moderne de ce que Jean Paulhan a nommé la Terreur dans le langage n’est plus prégnante. De sorte que c’est en s’articulant autour de cette figure, que l’on prendra soin de replacer dans le système des personnages, que l’on espère mettre au jour l’importance de cette question pour la pleine entente du texte.

DONG Qiang 

Les Tombeaux des Ming et Facteur Cheval

Lors de sa visite des Tombeaux des Ming, Malraux fait une constatation surprenante et surréaliste : « Père-Lachaise confié au facteur Cheval » (Antimémoires). Certes, dans sa vision de l’art basée sur la forme (dé-formation, trans-formation et métamorphose), l’art chinois n’occupe pas une place primordiale. Pourtant, l’art chinois, - avec ce que Malraux considère comme chinois, - n’a cessé d’étayer ses propres idées sur le musée imaginaire. Au moment où les écrits de Malraux sur l’art commencent à être connus en Chine (les éditeurs sont en train de faire traduire La Métamorphose des dieux, colossales réflexions sur les arts mondiaux, peut-être le plus beau monument qu’un écrivain français n’ait édifié pour l’art), notre intervention tente de relever des réflexions de Malraux sur l’art chinois, en essayant de montrer la juste place qu’occupe l’art chinois dans le musée imaginaire de Malraux, ce qui nous permettra aussi de voir que la connaissance de Malraux sur l’art chinois va de pair avec l’approfondissement de ses réflexions sur l’art moderne occidental.

Henri GODARD

Art occidental et art oriental dans l’œuvre de Malraux

Dans le domaine, électif pour lui, des arts plastiques, la Chine offre à Malraux la référence par excellence pour penser l'art occidental. Dans le
domaine des arts de l'Extrême-Orient, dont il ne néglige aucun aspect ni aucun foyer, c'est la peinture chinoise telle qu'elle s'est constituée sous
la dynastie Tang et s'est développée sans interruption depuis lors, en même temps qu'elle inspirait la peinture des pays voisins, qui lui permet
d'embrasser d'un seul regard l'ensemble de la peinture occidentale depuis la Renaissance. Les deux peintures, comparables en durée de développement et en richesse, se présentent à Malraux comme deux systèmes opposés en tous points : sujets, moyens techniques, modes de représentation, finalité. Malraux récapitule les enseignements qu'il a tirés de cette confrontation dans deux chapitres de son dernier livre, L'Intemporel.

Jean-Louis JEANNELLE

Malraux au pays de l'avenir radieux

Lorsqu'il publie les Antimémoires en 1967, Malraux place l'entretien avec Mao, morceau de bravoure de cet ouvrage qui signe son retour sur le devant de la scène littéraire, dans un chapitre intitulé : « La Condition humaine ». L'écart entre ces deux voyages en Chine révolutionnaire, le premier romanesque, le second officiel, est toutefois tel que l'écrivain supprimera par la suite ce titre et rééquilibrera l'ensemble du chapitre. L'entretien avec Mao concentre aujourd'hui toutes les critiques que l'on adresse aux Mémoires de Malraux : y est poussée à l'extrême la liberté que l'écrivain s'octroie lorsqu'il livre ses conversations avec les grands de ce monde. Nous tenterons d'analyser les règles de composition qui y prévalent et d'expliquer les raisons du malentendu qui semble désormais s'être installé entre l'anti-mémorialiste et son public.

Jean-Claude LARRAT

André Malraux face à la Chine des années 1920: mythe et histoire

Il s'agirait d'étudier, dans les textes écrits par Malraux entre 1920 et 1930 ou 1935 (La Tentation de l'Occident, Pour une jeunesse européenne, le compte rendu de Défense de l'Occident dans la NRF, Les Conquérants, La Condition humaine) et dans telle ou telle de ses déclarations (« A. Malraux et l'Orient », le débat sur Les Conquérants…), le thème (alors largement répandu) de l'entrée de la Chine dans l'Histoire. Les idées de Malraux ne s'organisent pas en une représentation cohérente mais sont intéressantes par les mythes ou les idéologies sur lesquelles elles s'appuient. Par exemple, Malraux s'attache à l'idée d'une Chine qui devrait à une esthétique, une métaphysique « bourgeoises » d'être restée immobile pendant trois mille ans. Il s'appuie alors sur les théories de Groethuysen sur « l'origine de l'esprit bourgeois en France ». Autre exemple, Malraux voit dans l'irruption de l'individualisme le principal facteur de transformation d'une Chine qui place ses luttes révolutionnaires sous le signe du marxisme. C'est en fait (au moins en partie) une réponse à la droite française de l'époque (Massis, par exemple, dans Défense de l'Occident) qui voit dans l'Extrême-Orient d'alors la menace de l'indifférenciation prête à submerger l'Occident chrétien. Dans La Tentation de l'Occident, cependant, on constate que ce mythe de l'Orient anti-individualiste est plus ambigu et apparaît au moins autant comme une tentation que comme une menace.

LIANG Zong

Politique des maisons de la culture chez Malraux - démocratisation culturelle ou belle utopie?

André Malraux était, de 1959 à 1969, « ministre d’Etat, chargé des affaires culturelles », nommé par le général De Gaulle. Pour « rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français », Malraux décidait d’implanter des Maisons de la Culture (MC) dans chaque département avec l’ambition de « présenter la création contemporaine dans tous les milieux sociaux et géographiques de la France » ; autrement dit, de « démocratiser » la culture dans tout le pays. Mais le projet était en réalité mal tenu : les subventions de l’Etat et des municipalités n’étaient pas égales ; l’orientation des MC variait selon les lieux et le vouloir des municipalités ; et l’obstacle le plus grave, c’était le budget du ministère des affaires culturelles de Malraux qui a été diminué. Entre la réalité et l’ambition, existait un décalage difficile à franchir. Le zèle intellectuel de Malraux semblait insuffisant pour surmonter les difficultés administratives qu’il a rencontrées au cours de sa vie de ministre. La politique des maisons de la culture de Malraux réalisait-elle à la fin la démocratisation culturelle ou une belle utopie ? La contribution de Malraux, pour le développement culturel du pays, devait-elle accomplir son idée initiale ou a-t-elle « échoué » ?  Notre étude commencera avec la réponse à ces questions.

LIU Chengfu

André Malraux : un grand humaniste

En tant qu’un écrivain bien légendaire du 20e siècle, André Malraux occupe une place très singulière dans l’histoire de la littérature française. Durant sa jeunesse, il nous a offert six romans qui reflètent d’une manière approfondie quelques événements historiques, surtout ceux d’entre les deux guerres. Sans aucune exagération, son écriture est très puissante. Cette puissance vient de sa révolte contre la situation de son époque, de sa méditation sur le sens de la vie, de son respect envers la dignité de l’homme, surtout de l’espoir qu’il nous a fait voir devant la fragilité de la civilisation occidentale. Dans ce sens-là, André Malraux n’est pas seulement un grand écrivain, mais aussi un grand combattant et un grand penseur. Sa pensée est positive, encourageante, dans laquelle brille toujours une philosophie bien humaniste qui nous encourage de mener la révolte jusqu’au bout.

Joël LOEHR

La Chine ou la révélation du signe 

Dans ses romans déjà, dans les écrits sur l’art encore, dans les Antimémoires enfin, Malraux, armé de son pouvoir d’interrogation et de déchiffrement, muni d’instruments d’optique et d’écoute, cède à l’attraction qu’exercent sur lui ces mondes de contemplation et de méditation qui se trouvent « à l’Orient de notre âme ». Ces mondes s’opposent à la civilisation occidentale d’où il vient et où les hommes ne trouvent le sens de leur présence sur la terre que dans leur action. Le propos sera cependant moins de rendre compte de la confrontation entre ces deux pôles, que de voir comment, à cette occasion, Malraux décline différents visages de l’Orient. Deux principalement, qui « communiquent » dans son œuvre, dans des relations d’homonymie mais aussi d’antonymie : l’Inde d’une part, sans son « bazar » mais dans sa grouillante luxuriance et son déferlement de forêt, où l’Hindou, « soumis ou révolté, fait partie du cosmos », la Chine d’autre part, moins ses « chinoiseries » et avec son « génie de l’ellipse » et de l’allusion, qui fait « l’école buissonnière du destin » dans la brume des lavis et devant « l’inerte coulée » de ses fleuves. On verra que l’opposition principale, aux yeux de Malraux, tient dans le fait que l’Inde est le lieu originel et appartient à l’âge immémorial du symbolique et d’un surnaturel actif dont l’Occident s’est coupé et a fait le deuil, cependant que la Chine n’a pas fondé d’autre révélation et n’a pas rencontré d’autre éternité que celle du signe, que l’Occident a souvent dégradé en leurre et en spectacle.

LUO Guoxiang

Le Ch’i  et l’action malrucienne

Le ch’i, selon le taoïsme est essentiellement l’énergie vitale qui est au centre des exercices respiratoires. L’exercice de ch’i peut procurer à l’adepte des facultés extranaturelles.

André Malraux qui n’a jamais eu aucun contact direct avec le taoïsme, part en mai 1974 à la recherche de la cascade de Nachi au Japon, haut lieu du pèlerinage de kumano; et en parlant du Shigemori, pense que la réalité intérieure n’est pas un sentiment subjectif comme le croient les Occidentaux, mais « objectif » autant que le « Ki » (le Ch’i traduit en japonais).

Dans La Tentation de l’Occident déjà, Malraux envisage que le taoïsme donne aux jeunes chinois « l’ardeur de justifier leurs désirs à leur donner une force plus grande » parce que selon le taoïsme, l’homme est dans le Ch’i et le Ch’i est dans l’homme, et chez l’homme qui se fait de Malraux, l’action n’est-elle pas dans l’homme et l’homme n’est-il pas dans l’action, puisque le Ch’i, comme on le sait, c’est une énergie cosmique selon le taoïsme et donc suffisamment humaine ?

LUO Peng

Malraux et La Condition humaine

Le titre d’un roman de Malraux, La Condition humaine, révèle en effet la plus grande préoccupation de l’auteur, ainsi que d’une grande partie des écrivains de son époque. Les romans de Malraux, quel que soit leur sujet, la révolution chinoise ou la guerre civile en Espagne, se soucient moins de donner des tableaux historiquement fidèles que d’inciter les lecteurs à faire des réflexions philosophiques et anthropologiques sur la condition d’existence des êtres humains.

Jean-Marc MOURA

Dialogues chinois et légende du tiers monde dans Le Miroir des limbes

Je propose une lecture à la fois littéraire et « contextualisante » de la représentation de la Chine dans Le Miroir des limbes, afin d'éclairer la singularité de la vision malrucienne dans le contexte plus large des représentations de la Chine dans les années soixante-soixante-dix. Il s'agira notamment de préciser les éléments de la construction d'une légende de l'(extrême-)Orient et de montrer comment la notion de tiers monde, cardinale pour les débats intellectuels et politiques de l'époque, aide à l'interprétation d'une oeuvre difficile.

QIN Haiying

Malraux : un regard comparatiste sur l’art

Nous essayerons de comprendre l’idée que Malraux se fait de la différence conceptuelle entre l’art occidental et l’art chinois en prenant appui sur deux de ses textes relatifs à ce sujet : La Tentation de l’Occident et un texte publié en 1938 dans la revue Verve, intitulé « De la représentation en Occident et en Extrême-Orient ». Dans ces écrits, le regard comparatiste de Malraux porte notamment sur trois points : 1) conception différente de l’homme et de son rapport au monde; 2) conception différente du temps et de la mort ; 3) clivage entre un art de la représentation et un art de la signification. Si ces trois points sont ceux qui permettent à Malraux de différencier l’Occident de l’Orient en les isolant dans leur tradition respective et selon une vision plus ou moins schématique, ils sont aussi ceux à partir de quoi nous pourrions entrevoir, comme le souhaitait Malraux lui-même, la métamorphose en art et en littérature du monde occidental du 20 ème siècle : aspiration à un rapport plus intime de l’homme avec le monde, refus de vivre dans le temps linéaire, refus de la représentation.

Edson ROSA DA SILVA

L’art extrême-oriental dans Les Voix du silence et dans L’Intemporel  : tentative d’interprétation 

Le but de cette communication est d’examiner la place occupée par l’art chinois dans la pensée de Malraux. Loin de s’attacher à un rapport de cause à conséquence, la réflexion esthétique de Malraux s’intéresse surtout à des rapports de parenté entre oeuvres éloignées dans l’espace et dans le temps. Tout en comparant l’Orient et l’Occident, l’auteur paraît tracer deux parcours qui, en dépit de leurs différences culturelles, se rejoignent en quelques sorte.

Des grottes bouddhiques au rouleaux chinois, nous retrouvons le chemin qui nous mène de la recherche de la représentation à l’autonomie de l’art. Du paysage au signe, voilà peut-être la tendance d’une culture qui s’exprime par des idéogrammes, dont les traces les rapprochent de notre modernité.

Michaël de SAINT-CHERON

Le ch'i ou la réalité Intérieure dans les écrits sur l'art

Si la Maya, l'impermanence ou l'illusion, propre à la pensée de l'Inde, fascina si profondément Malraux, le ch'i ou la Réalité Intérieure, de la philosophie chinoise le fascina également en profondeur. C'est pour la première fois en 1974, dans sa fresque sur Picasso, La Tête d'obsidienne, que Malraux interroge le ch'i, l'une des notions fondamentales de la peinture et de la pensée chinoise et extrême-orientale. «Il nous initie au secret du monde tel que la grande tradition chinoise nous l'a dévoilé, pour une part, dans sa peinture idéographique ».

Jérôme SERRI

La place de la Chine dans Les Ecrits sur l'art d'André Malraux

Dès le  début des Voix du silence, il est fait référence à la peinture chinoise comme à un domaine méconnu et qui nous demeure étranger. De par l'attitude que ses oeuvres requièrent chez ceux qui les regardent, cet art y est présenté comme inconciliable avec l'esprit même du musée et à plus forte raison du Musée imaginaire. S'interrogeant sur la signification de ce dernier, sur ce qui en fait l'unité, André Malraux n'aura de cesse de questionner jusque dans L'Intemporel ce monde extrême-oriental si différent du nôtre, poursuivant ainsi jusqu'à la fin de sa vie le grand dialogue de La Tentation de l'Occident.

SUN Weihong

L'image des Chinois chez Malraux

Parmi les premières oeuvres d’André Malraux, deux romans - Les conquérants et La condition humaine - ont pour cadre la révolution chinoise des années 1920 ; dans les Antimémoires, l’un de ses derniers ouvrages, l’auteur retrace ses entretiens avec les dirigeants chinois, ces révolutionnaires authentiques, et ses impressions sur la Chine socialiste pendant ses voyages en Chine dans les années 60 en tant que ministre des Affaires culturelles. Notre intervention portera alors sur les questions suivantes : quelle est l’image des révolutionnaires chinois que nous dépeint le jeune Malraux dans ses romans? Sur quoi se fonde cette image ? Les rapports entre cette image et la vision du monde de Malraux ? Son attitude envers les Chinois est-elle changée après ces visites officielles des années 60 ? Que découvrons nous derrière ce changement ? Les réponses à ces questions nous conduiraient non seulement à une nouvelle révélation des relations de Malraux avec la Chine, mais aussi à celle de la personnalité et de l’oeuvre de l’écrivain. 

TIAN Qingsheng

La Condition humaine ou le tragique du solitaire

Si le thème de la solitude est présent dans beaucoup d’oeuvres de Malraux, il semble marquer tout particulièrement La condition humaine. L’homme est fondamentalement seul, c’est une idée qui domine toute l’oeuvre. Le titre de l’oeuvre revêt un caractère pascalien. Pascal associe la condition des hommes à celle des condamnés à mort, et Malraux la compare à « celle d’enfermés et d’aphasiques », suggérant l’impossibilité de la communication. Dans une lettre à Gaëtan Picon sur La condition humaine, Malraux lui-même a écrit : « Le cadre n’est naturellement pas fondamental. L’essentiel est évidemment ce que vous appelez l’élément pascalien ». Nous nous proposons ici, à partir de cette piste, d’examiner la mise en texte de la solitude de l’homme dans l’oeuvre de Malraux, en mettant l’accent sur les personnages et la structure narrative.

TSAI Shuling (Stéphanie)

La construction d’un mythe moderne – André Malraux et Maurice Blanchot

Pour André Malraux, un homme se doit de tout posséder, y compris sa propre mort. Sa conception d’un musée imaginaire est dans le droit fil d’une telle attitude philosophique ; elle fait de la construction de l’homme par l’art un mythe « moderne » mais, aujourd’hui, au temps des mutations liées à la mondialisation, ce mythe tel qu’il a été élaboré par Malraux demeure problématique.

En effet, on peut se demander à quel point cette notion d’une communauté culturelle globale est pertinente à présent. Par exemple, à qui le droit de décider la place de l’altérité dans la conceptualisation d’une telle communauté qui se prête à fabriquer les connaissances, les codes et les rituels, bref l’éducation, la formation et la culture du « bon goût » des citoyens du monde? A partir de trois articles consacrés à Malraux par des chercheurs taiwanais, nous pensons pouvoir questionner ce mythe d’une communauté globale, à la lumière des écrits d’un contemporain d’André Malraux, Maurice Blanchot, sur la mort.

XU Zhenhua

Du Surnaturel à l’Intemporel -- la métamorphose de la littérature

La métamorphose, comme force motrice, contribue à la transformation de l’expression plastique du sacré en art, et celui-ci, grâce à la création des formes, aide les êtres humains à échapper à la servitude. Ainsi se succèdent les trois types de relations fondamentales qui existent, selon Malraux, entre les différentes valeurs suprêmes de la littérature et de l’art, dans l’univers des formes : le Surnaturel, l’Irréel et l’Intemporel.

YANG Guozheng

Malraux et Guo Moruo : deux intellectuels engagés

Un point commun entre Malraux et Guo Moruo consiste à ce qu’ils ont tous les deux de brillantes carrières à la fois littéraire et politique. Ils ne sont pas seulement hommes de lettres, mais hommes d’action, ayant pris part active à presque tous les grands événements de leur temps et de leur nation. Mais la différence de leur itinéraire de l’engagement témoigne de leur mentalité et idéologie respectives et des influences des deux cultures. Une question se pose : en tant que bonne conscience de la société, comment les intellectuels gardent-ils l’indépendance et la dignité de leur personnalité ?

Jean - Pierre ZARADER

Les Ecrits sur l’art de Malraux et La Fable des continents de Hugo Santiago et Georges Aperghis : le concert des œuvres d’art

La Fable des continents, peut - et le titre même du film semble nous y inviter - être considéré comme une mise en images d’un dialogue entre les civilisations - ce qui en ferait un film qui irait à l’encontre des thèses de Spengler. Mais l’essentiel est que ce dialogue se noue au niveau de l’art, de la création - et plus précisément de la musique. Premier accord avec Malraux :  l’opposition à Spengler trouve son fondement dans le fait que ce dernier a fait un travail d’historien des civilisations, et ne s’est pas intéressé spécialement à l’art en tant qu’acte créateur. 

D’autres accords avec Malraux pourraient être soulignés : ce dialogue ne passe pas par la connaissance, mais par l’émotion ;  ce dialogue a lieu à l’initiative de l’Occident; ce dialogue n’est pas seulement un dialogue des différentes musiques du monde avec la musique occidentale, mais - par la médiation  de celle-ci - un dialogues des différentes musiques entre elles. Enfin la notion même de métamorphose, en son inachèvement essentiel, est inscrite dans le film : parmi toutes ces musiques du monde, certaines étaient - voire demeurent - des musiques sacrées,  des œuvres cultuelles et non culturelles.

La différence fondamentale est bien sûr que la reproduction, qui a joué un rôle certain dans la naissance du Musée Imaginaire, même si ce dernier ne s’y réduit nullement, est - dans La Fable des continents- absente et pourrait-on dire hors sujet. Mais à vrai dire le dernier plan,  permet peut-être de penser le caractère insuffisant d’une mémoire purement mécanique ou matérielle (la reproduction, dans les écrits sur l’art ;  l’enregistrement, dans La Fable des continents). L’équivoque qui hante ce plan est ainsi l’équivoque même du musée imaginaire   : est-il dû à la simple reproductibilité technique des œuvres ? est-il au contraire, comme Malraux l’affirme aussi, le dialogue en nous des œuvres? C’est donc bien toute la tension qui habite la notion même de musée imaginaire qui est ici mise en scène.

Quant à l’originalité la plus apparente du film -les deux femmes s’expriment par de simples phonèmes ou de simples sons qui n’appartiennent à aucune langue connue- elle retrouve l’affirmation malrucienne : « Le fait pictural est plus puissant que le fait littéraire, puisqu’il n’a pas besoin de traducteurs » (HPL, 286). Le film de Hugo Santiago et de Georges Aperghis, en contraignant les deux femmes à s’exprimer dans une langue inconnue -dans cette langue qui se situe aux marges du langage- permet de libérer par là même une puissance d’universalité : le film, comme le fait pictural, « n’a pas besoin de traducteurs ». 

ZHANG Xinmu

Instances narratives dans La Voie royale 

Malraux a conçu son oeuvre avec une stratégie de structuration et de mise en texte, en construisant une architecture narrée de personnages, de signes spatio-temporels, afin de mieux incarner ses valeurs et son espoir.

ZHANG Yinde

Tentation de Shanghai : espace malrucien et hétérotopie chinoise

La recomposition allusive de Shanghai, dans La Condition humaine de Malraux, contraste avec la profusion descriptive chez ses homologues contemporains chinois. Cette divergence accuse le choix stratégique commun d'une cité coloniale, où Occident et Orient cohabitent dans la confrontation des pouvoirs et des valeurs. Une lecture comparée révèlera un espace symbolique construit sur une topographie conflictuelle et amphibologique, où se jouent, par des jeux de cloisonnement et de partage, les destins collectif et individuel.


Liste des intervenants et participants

 

ARROUYE, Jean, Professeur d'Université, Aix-en-Provence.

CHE Jinshan ≥µÈ»…, Professeur, Institut de littérature et culture comparées, Université de Pékin.

DIEUDONNE, Julien, Agrégé de l'Université, docteur es lettres, chercheur associé à Paris III.

DONG Qiang ∂≠«ø, Professeur associé, Département de français, Université de Pékin.

DU Qinggang ∂≈«‡∏÷, Professeur, directeur du Département de français, Université de Wuhan.

DUAN Yinghong ∂Œ”≥∫Á, Professeur associée, Université de Shenzhen.

FU Rong ∏µ»Ÿ, Professeur, directeur du Département de français, Université des Langues Etrangères de Pékin

GODARD, Henri, Professeur d'Université, Paris IV.

GUO Hong’an π∫Í∞≤, Chercheur, Académie des Sciences Sociales.

HU Sishe ªßÀº…Á, Professeur, vice-président de l’Université des Etudes internationales de Xi’an.

HUANG Xiyun ªùÈ„œ, Professeur, directeur du Département de français, Université Normale de la Capitale.

JEANNELLE, Jean-Louis, Agrégé de l'Université, docteur es lettres, enseignant-chercheur à Paris IV.

LARRAT, Jean-Claude, Professeur d'Université, Caen.

LECARME, Jacques, Professeur d'Université, Paris III

LIANG Zong ó¿óu, Professeur associée, Département de français, Université Tamkang.

LIU Chengfu ¡≥…∏ª, Professeur, directeur du Département de français, Université de Nankin.

LIU Hui ¡ª‘, Chercheur, Académie des Sciences Sociales.

LOEHR, Joël, Agrégé de l'Université, docteur es lettres, professeur en CPGE (ENS Lyon), Paris.

LUO Guoxiang ¬πœÈ, Professeur, Département de français, vice-président de l’Institut de Langues étrangères, Université de Wuhan.

LUO Peng ¬?, Professeur, Département de français, président du conseil scientifique de l’Institut de Langues étrangères, Université de Pékin.

LUO Xinzhang ¬–¬Ë∞, Chercheur, Académie des Sciences Sociales.

MANSENCAL, Fabyène ¬±Ã‰Ÿ, Attachée culturelle près l’Ambassade de France en Chine.

MENG Hua √œª™, Professeur, Institut de littérature et culture comparées, directrice du Centre Etiemble, Université de Pékin.

MORAUD, Yves, Professeur d'Université, Brest.

MOURA, Jean-Marc, Professeur d'Université, Lille.

QIN Haiying «ÿ∫£”•, Professeur, directrice du Département de français, Université de Pékin.

ROSA DA SILVA, Edson, Professeur de Littérature Française à l'Université Fédérale de Rio de Janeiro, Brésil.

SAINT-CHERON, Michaël de, Chargé du patrimoine à la direction régionale des affaires culturelles, chercheur associé à Paris III.

SERRI, Jérôme, Collaborateur parlementaire, responsable des pages "Beaux-arts" au Magazine Lire, Paris.

SUN Weihong ÀÔŒ∞∫Ï, Professeur associée, Département de français, Université de Pékin.

TIAN Qingsheng ÃÔ«Ï…, Professeur associé, Département de français, Université de Pékin.

TSAI Shuling (Stéphanie) ≤àÁ¡·, Professeur associée, directrice du Département de français, Université Tamkang.

TU Weiqun ÕøŒ¿»∫, Chercheur, Académie des Sciences Sociales.

WANG Dongliang Õ∂´¡¡, Professeur, Département de français, vice-président de l’Institut de Langues étrangères, Université de Pékin.

WU Hongmiao Œ‚„¸√Ï, Professeur, directeur du Centre des Hautes Etudes Françaises, Université de Wuhan.

XU Zhenhua –ϒʪ™, Professeur, président de l’Université des Etudes Etrangères de Canton.

XU Zhenzhou –Ì’Ò÷, Professeur, Institut des Relations Internationales, Université de Pékin.

YANG Guozheng —Óπ’, Professeur associé, Département de français, Université de Pékin.

YU Zhongxian ”‡÷–œ», Chercheur, Académie des Sciences Sociales, directeur de la Revue Littératures du monde.

ZARADER, Jean-Pierre, Professeur agrégé de philosophie, chercheur associé à Paris III.

ZHANG Xingang ’≈–≈∏’, Professeur, président de l’Université de la ville de Hongkong.

ZHANG Xinmu ’≈–¬ƒæ, Professeur, Université de Nankin, Département de français.

ZHANG Yinde ’≈“µ¬, Maître de conférences (HDR), Paris III.

 

Informations pratiques


Logement : les intervenants et participants venant de l’étranger et d’autres villes de la Chine seront logés à l’Hôtel Shaoyuan de l’Université de Pékin. La réception de l’Hôtel se trouve dans le Bâtiment 7 de Shaoyuan.

L’Université de Pékin ne prend pas en charge les frais de logement des intervenants et participants.

 

Repas :    durant les 3 journées du colloque (18-19-20 avril), les repas (petit déjeuner, déjeuner et dîner) seront offerts par l’Université de Pékin, sur le campus. Le Buffet-Dîner de clôture sera offert par le Service de coopération et d’action culturelle de l’Ambassade de France en Chine au Centre Culturel Français situé à:

 

Guangcai International Mansion

18, Gongti Xilu, Chaoyang District

100020 Beijing

 

Responsables de l’équipe d’accueil :  Wang Dongliang,  Zhou Mang