Essai
Nouvelle parution
M. Deutsch, Germania, tragédie et état d’exception.Une introduction à l’oeuvre de Heiner Müller

M. Deutsch, Germania, tragédie et état d’exception.Une introduction à l’oeuvre de Heiner Müller

Publié le par Marc Escola

Michel Deutsch
Germania, tragédie et état d’exception.
Une introduction à l’oeuvre de Heiner Müller

2012, 400 pages, 17 x 24 cm.
ISBN : 978-2-94015-944-4 ; 30 CHF / 25 euros.

L’Allemagne se pensant en exception – le Sonderweg (le chemin à part) des Nibelungen —, en proie à l’hubris, fut démesurément criminelleà l’échelle de l’Europe et du monde. Comment peut-elle alors se représenter et se nommer, se demande Heiner Müller ? Si son Histoire relève incontestablement d’un schème tragique, quelle forme lui donner ?

À partir de la société close de la RDA, le dramaturge a longtemps cherché le principe de la grande communauté humaine communiste. Cependant, dans les années 1970, il développe une mise en cause du bolchevisme et une critique radicale des Lumières et de l’idéologie du progrès. Pour lui, désormais, la technoscience et la bureaucratie, dans les pays capitalistes comme dans ceux du camp socialiste, sont les instruments de la réification de l’homme. Il incombe à la littérature et au théâtre d’organiser la résistance en prenant parti pour le communisme.

Ce livre, qui s’appuie sur une vaste documentation souvent indisponible en français, analyse l’oeuvre de résistance de Heiner Müller, écriture du discord, critique à l’égard de toute forme de consensus comme de toute espèce d’exigence d’apaisement et de totalité. Ses textes, comme ceux d’Artaud ou du Brecht des Lehrstücke (Pièces didactiques), participent ainsi d’une littérature de l’« état d’exception », orientée vers l’effroi, vers un théâtre dionysiaque de la langue et du corps démembré, nourrie aussi des lectures de Carl Schmitt et d’Ernst Jünger.
Au slogan marxiste « le socialisme ou la barbarie » Müller substitue « la barbarie ou le naufrage » et tente, par ce biais, de penser une autre Histoire de l’Allemagne, de déconstruire le mythe de Germania. Ce en quoi il énonce, comme le montre puissamment Michel Deutsch, le bord terminal du théâtre.