Édition
Nouvelle parution
M. Blanchecotte, Nouvelles poésies (éd. É. Rambaud & J. Pinguet)

M. Blanchecotte, Nouvelles poésies (éd. É. Rambaud & J. Pinguet)

Publié le par Marc Escola (Source : Jérémie Pinguet)

Ouvrage disponible au format numérique (PDF, 13,99 €, EAN13 : 9782140274435)

PRÉSENTATION DE L'OUVRAGE

Malvina Blanchecotte (1830-1897) est une grande poétesse et penseuse du XIXe siècle aujourd’hui tombée dans l’oubli. Née dans un milieu ouvrier, cette autodidacte, qui a été couturière et professeuse, se lie d’amitié avec les personnalités littéraires de son temps, de Lamartine à Sainte-Beuve. En 1855, elle publie son premier recueil, Rêves et Réalités, qui est couronné par l’Académie française. Une poétesse est née. Six ans plus tard, elle compose ses Nouvelles poésies impétueuses et sensibles, vives et douloureuses, où le souvenir des êtres et des choses devient obsession.

Blanchecotte est également l’autrice d’un autre ouvrage poétique, Les Militantes, de trois recueils de pensées et d’un témoignage historique sur la Commune de Paris. C’est une personnalité pleine de courage, un esprit complexe, intense et tendre tout à la fois.

Après les Rayons perdus (1868) de Louisa Siefert (1845-1877), le présent volume est le deuxième du projet collectif de la « Bibliothèque poétique des femmes », qui a pour ambition d’explorer la vie et les œuvres de poétesses des siècles passés.

PRÉSENTATION DE L'ÉDITRICE ET DE L'ÉDITEUR SCIENTIFIQUES

Éléonore Rambaud (née en 1994) a suivi une formation littéraire et théâtrale. Elle a édité le présent ouvrage et en a rédigé l’introduction biographique et littéraire et les notes.

Jérémie Pinguet (né en 1993), normalien et agrégé de Lettres classiques, est à l’origine de la « Bibliothèque poétique des femmes ». Il a participé à la conception et à la réalisation de cette nouvelle édition du recueil de Malvina Blanchecotte. Il anime également les sites Neoclassica et macrin.fr.

Ils ont tous les deux étudié à Lyon en classes préparatoires littéraires au lycée Édouard Herriot.

PRÉSENTATION DE LA "BIBLIOTHÈQUE POÉTIQUE DES FEMMES"

En terre de Poésie, les femmes ne sont pas seulement amantes, épouses, mères, filles, sœurs ou  Muses : elles se sont également saisies de la plume et s’en sont servies pour se frayer un chemin dans les bruissements du langage. La « Bibliothèque poétique des femmes » a pour ambition de rendre à nouveau accessibles, dans une édition moderne disponible en librairie, des recueils de poétesses appartenant à notre passé littéraire, qui n’attendent que d’être éditées, lues et étudiées pour faire partie de notre présent. Il s’agit avant tout d’offrir au grand public le plaisir de lire ces poétesses, de cheminer à leurs côtés, de (re)découvrir leur contribution à l’histoire littéraire.

Chaque volume se veut une porte d’entrée vers un ailleurs trop longtemps oublié, mis à l’écart, voire déprécié. Les éditions que nous proposons sont réalisées avec tout le soin nécessaire pour faciliter une pleine compréhension des textes : c’est pourquoi une introduction nourrie, biographique et littéraire, un ensemble de notes explicatives et une bibliographie sélective les accompagnent. Nous privilégions délibérément les autrices et les recueils qui n’ont pas encore trouvé leur place dans le paysage éditorial d’aujourd’hui et nous nous intéressons principalement, pour le moment du moins, à des auteures françaises ou francophones des XIXe et XXe siècles.

Nous savons l’intérêt des anthologies et nous les estimons fort : cependant, nous souhaitons résolument proposer aux lectrices et lecteurs des recueils complets. On ne peut en effet apprécier à sa juste valeur le travail de ces femmes de lettres qu’en les lisant au sein d’un espace à elles, ordonné et réfléchi, et en ne se contentant pas de morceaux choisis, aussi charmants soient-ils.

Force est de constater que la poésie se vend peu. Tant mieux : c’est qu’elle n’a pas de prix ! Être femme et poète, c’est donc un double fardeau mais aussi une double chance : c’est être doublement mise au ban mais faire entendre une parole doublement essentielle. Quelques noms ont réussi à obtenir une place au sein du panthéon poétique : Marie de France, Christine de Pizan, Marguerite de Navarre, Louise Labé, Marceline Desbordes-Valmore, Anna de Noailles, Renée Vivien, Cécile Sauvage, Andrée Chedid… Mais ce ne sont là que les arbres, certes ô combien magnifiques, qui cachent de vastes forêts. En vérité, il ne faut pas chercher bien loin pour trouver des poétesses par dizaines et pour mettre au jour un supposé désert finalement bien peuplé, des trobairitz médiévales aux poétesses contemporaines, de la France au Québec, en passant par tous les pays de l’Afrique francophone, par la Belgique, les Caraïbes, le Luxembourg… Sans oublier toutes les autres langues, tous les autres horizons !

La poésie, fille de la mémoire, vit d’être imprimée, lue, formulée comme un enchantement enchanteur. Car poétesse rime avec richesse, liesse ou tristesse, promesse et prouesse, avec ivresse, avec jeunesse, avec tendresse, avec hardiesse… Il est donc vital d’écrire noir sur blanc les noms des poétesses, de les répéter ad libitum, tel un mantra, et, surtout, de faire vivre leurs œuvres et de connaître leurs vies singulières.

La poésie de ces éminentes poètes est une poésie hautement chamarrée, mouvante, vivante, vibrante. Or face aux écrits des « femmes poètes », il est tout aussi essentiel d’affirmer leur appartenance à l’universel de la République des Lettres que de s’intéresser à la spécificité des écrivaines. Les beaux vers n’ont assurément ni sexe ni genre, mais leur origine importe toutefois. Étudier ces artistes, c’est donc aussi poser une question fondamentale, celle d’une écriture féminine. Qu’est-ce qu’écrire lorsqu’on est une femme ? Et qu’est-ce qu’être une femme qui écrit ?

Notre projet est une étincelle dans laquelle nous mettons toutes nos espérances. Nous souhaitons qu’il amène d’autres personnes à partager notre amour de l’azur poétique et à prolonger la grande quête de sens de ces femmes qui riment, écrivent, pensent, ressentent, animent et inspirent. Faisons de la place à ces femmes libres, engagées, amoureuses, blessées, insolentes, talentueuses, combattives, uniques, puissantes, imaginatives, à ces mères de famille, à ces lesbiennes, à ces amantes, à ces penseuses, à ces rêveuses, à ces créatrices ! Bref, illustrons-les, défendons-les et explorons leurs univers poétiques !

Avec Malvina Blanchecotte se poursuit notre grand voyage poétique, commencé avec les Rayons perdus (1868) de Louisa Siefert (1845-1877) : ce volume est en effet le deuxième de ce que nous espérons être une longue série. Plusieurs autres rééditions de recueils, parmi la multitude qui s’offre à nous, sont aussi en cours depréparation : Ferveur (1902) de Lucie Delarue-Mardrus (1874-1945) ; Les Appels (1906) de Claudine Funck-Brentano (1863-1922) ; et Pour Axel de Missie (1923) de Marie Mercier-Nizet (1859-1922). Puissent maintes autres les rejoindre sur les étagères de notre Bibliothèque !


Éléonore Rambaud, Anne Tannhof,
Adrien Bresson, Alexandre Daudon,
Raphaël Lucchini et Jérémie Pinguet
avril 2022

QUELQUES PENSÉES BLANCHECOTTIENNES

Le Long du chemin. Pensées d’une solitaire (1864)


       L’œil qui a quelque part ici-bas rencontré la vérité doit en avoir conservé la lumière et en répandre le rayonnement. 



       Fais qu’on s’étonne de ce que tu fais, bien plus que de ce que tu ne fais pas : travaille !



       Il y a une chose bien plus triste que de n’aimer pas, c’est de n’aimer plus !



       Le parfum des fleurs ne dure pas : en est-ce moins le parfum ? De ce que la fleur se fane et meurt, en nierez-vous la fleur ? Ainsi de l’amour : il vient, bénissez-le ! Il fut, c’est-à-dire il est passé, il est parti, respectez-le, respirez encore la douceur envolée : souvenez-vous ! 

 
 

Impressions d’une femme. Pensées, sentiments et portraits (1868)


       Faire du bon avec du bon, quoi de plus simple ! mais faire du bon avec du mauvais, mais tirer le meilleur parti possible d’une destinée rebelle, voilà le mérite, voilà le triomphe ! 



       Peu de chose vous affecte quand peu de chose vous étonne. La véritable force est comme la lumière : sereine et impassible.



       Le grand secret de la vie est de prendre l’humanité telle qu’elle est, et de s’y consacrer… quand même !



       « Rien ne me fâche ; tout m’instruit ! » Tel soit ton catéchisme.



       Le poète est un voyant, ouvrant pour les autres la fenêtre qu’il a en lui-même sur l’invisible et sur l’infini. 



Est-il question d’une femme distinguée, on ne demande pas : « A-t-elle du talent ? » On dit tout de suite : « Quel âge a-t-elle ? »

 
 

Le Long de la vie. Nouvelles impressions d’une femme (1875)


       Résolution : Aimer selon toute sa mesure. Penser selon toute sa mesure. Écrire selon toute sa mesure. 



       C’est de chute en chute, puis d’effort en effort, de volonté en volonté que l’on marche et que l’on procède dans la vie. Vivre, c’est – pour les meilleurs – tomber, se relever, retomber, puis se décourager, puis se relever encore, s’exhorter de nouveau, avancer quand même, blessés, meurtris, mais vaillants, résignés, fiers, de plus en plus déterminés, résolus, humbles et militants !



       En ce moment, tu ne vois que le prix douloureux dont tu achètes cette chose qui s’appelle l’expérience. Console-toi ; plus tard ce sentiment aigu disparaîtra ; tu ne verras plus que cette chose elle-même, si précieuse et si rare, cette acquisition inestimable obtenue pour jamais au poids des peines, en échange d’insomnies et de larmes.



       Sentir cette douceur du bien qu’on a fait aux autres : voilà toute, toute la consolation de la vie ; voilà toute la bénédiction qu’on peut et doit recueillir des souffrances. […]



       Nous ne sommes pas éternels ; pourquoi nos sentiments seraient-ils éternels ? […]



       […] L’amour est le soleil de l’âme. — Fait de lumière et de chaleur, il ne cesse jamais d’être, de briller, de rayonner. L’image de Dieu s’y reflète sans nuage et sans rire : illumination d’infini et de rêve.



       Il n’y a dans ce monde qu’une chose supérieure et vraiment enviable, désirable, un bien qu’il faut poursuivre et tâcher d’atteindre absolument : la possession de sa pensée, la liberté, la dignité de son intelligence.



                  […] Le sentiment est une musique d’ensemble. Le cœur, cet instrument incomparable et rare, doit être en harmonie complète avec l’autre cœur, écho ou confident. L’intimité est un accord de présence. Hors de cet orchestre-là, vous faites trop souvent de la cacophonie. Il est des mots qui ne doivent pas même être écrits. Le langage du cœur est fait autant de silence que de parole. […]