Questions de société

"Lycéens, une nouvelle classe dangereuse ?" (liberation.fr)

Publié le par Bérenger Boulay

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Vive tension à Nanterre après la mise en examen de trois élèves àl'issue d'un conseil de discipline houleux en décembre. Ils dénoncentune répression de leur engagement militant. 

Lycéens, une nouvelle classe dangereuse ? Par VÉRONIQUE SOULÉ.

Un lycéen exclu, trois mis enexamen, un professeur avec trois jours d'incapacité de travail aprèsavoir été jeté au sol par un policier, aucun cours depuis la rentrée…Depuis le dépôt d'une plainte par la proviseure à l'encontre de troisélèves, le lycée Joliot-Curie de Nanterre (Hauts-de-Seine) s'enfoncedans la crise. Les élèves, soutenus par une bonne partie desenseignants, demandent le retrait de la plainte. En face, la proviseureet sa hiérarchie refusent.

Tout a commencé le 19 décembre. Ce jour-là, Christophe, 17 ans,redoublant en seconde, passe en conseil de discipline. Motif :70 demi-journées d'absence. Il est exclu. A l'annonce de la décision,le lycéen et les deux déléguées, Gaëlle, 18 ans, en terminale L,et Sarah, 17 ans, en première techno, explosent de colère. Ellesaccusent la proviseure d'avoir fait payer C. pour avoir été l'un desanimateurs des blocages contre les réformes Darcos. La mobilisation vacontinuer de plus belle, avertissent les lycéens, qui s'échauffent : «Vous allez voir, le lycée va cramer…»

Le 29 décembre, ils sont convoqués au commissariat de Nanterre ; laproviseure ayant porté plainte. Christophe et Sarah sont gardés à vuevingt-quatre heures. Puis ils sont envoyés au dépôt pour être déférésdevant un juge des enfants. «Là, on nous a encore fouillés, raconte Sarah. Commej'ai refusé que des policiers hommes palpent mes vêtements, unepolicière est venue, elle m'a fait rester toute nue pendantdix minutes.» Tous deux sont alors mis en examen pour «menaces de mort sur personne chargée de mission de service public et menace d'atteinte aux biens dangereuse pour les personnes». Ils risquent jusqu'à cinq ans de prison. Gaëlle, elle, est poursuivie pour «outrage».

Echauffés. Exclu, Christophe a aussitôt étéréaffecté au - paisible - lycée Richelieu de Rueil-Malmaison. Unerapidité inhabituelle qui en dit long sur la volonté du rectoratd'apaiser les passions à Joliot-Curie. En vain. Lundi, jour de larentrée, les esprits sont échauffés. Les lycéens refusent de reprendreles cours : ils ne comprennent pas pourquoi l'affaire est allée siloin. Les trois mis en cause jurent qu'ils n'ont jamais voulu mettre lefeu au lycée, que ce n'était qu'une façon de parler. La proviseureassure qu'elle s'est bien sentie visée.

Lundi, la police reste à distance du lycée. Mardi, elle estnerveuse. Alors qu'élèves et profs forment une chaîne humaine devant laporte, K., 15 ans, en seconde, est plaqué contre la grille du lycée,les bras tirés en arrière. Un policier le prévient que s'il milite, ildoit en assumer les conséquences… Un enseignant d'anglais est projetéau sol par un policier qui le tutoie. Il s'en sort avec un traumatismeau tibia et trois jours d'arrêt.

Hier, profs et élèves ont fait chacun une assemblée générale. Lesenseignants ont adopté, à une large majorité, une motion dénonçant lesviolences policières et exigeant le retrait de la plainte. Les élèvesont voté l'occupation du lycée et appelé à la manifestation parisienned'aujourd'hui. La proviseure semblait tentée par la proposition desenseignants de créer une commission tripartite de médiation. Elle s'estdéjà engagée à ce que les deux lycéennes qui restent à Joliot-Curie nesoient pas traduites devant le conseil de discipline. Mais pas questionde retirer la plainte. Pour le rectorat, notamment, ce serait un signaldésastreux adressé aux proviseurs, qu'il faut au contraire soutenirface aux «bloqueurs».

Camarades. «Ce que je déplore, c'est que troisgamins se soient retrouvés en garde à vue et que deux aient été déférésau parquet, alors que cette histoire aurait dû se régler dans le cadredu lycée, explique la mère de K., qui a témoigné en faveur de ses trois camarades. Jeme sens moi-même désemparée : faut-il empêcher son gamin de s'engageralors qu'ont dit que c'est bien de militer à leur âge ? Est-ce qu'iln'y a pas autre chose à leur opposer que la violence ? On a parfoisl'impression que ce sont les adultes qui en rajoutent.»