Questions de société
Livre blanc sur l' « avenir de la Fonction Publique ». Ou comment en finir avec le Statut Général des Fonctionnaires (France).

Livre blanc sur l' « avenir de la Fonction Publique ». Ou comment en finir avec le Statut Général des Fonctionnaires (France).

Publié le par Bérenger Boulay

Communiqué de Sud éducation :

"Riposte syndicale contre la Casse de la Fonction Publique. Livre blanc sur l' « avenir de la Fonction Publique » ou Comment en finir avec le Statut Général des Fonctionnaires .

Le gouvernement a érigé un nouveau dogme : « faire mieux avec moins ». Pour nous c'est donc travailler à la progression de tous nos élèves avec des effectifs encore plus lourds dans nos classes ! Dans la santé, cela se traduit par une « rationalisation des services » qui vise à établir l'équilibre financier des hôpitaux publics, en supprimant des services tels que les urgences ou certains blocs opératoires dans des petites villes ! Cette politique a un nom : la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP). Les ministres veulent profiter du grand nombre de départ à la retraite pour ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux. Résultat : 23000 suppressions de postes au budget 2008, autour de 35 000 à partir de 2009. L'objectif est de faire disparaître 100 000 postes de fonctionnaires d'ici 2012. Moins de fonctionnaires, c'est moins d'enseignants dans les écoles, moins de personnels dans les hôpitaux ! Mais le ministre du budget et de la fonction publique veut aller encore plus loin et prévoit de « moderniser la fonction publique », bien trop rigide (et coûteuse) à son goût. C'est pour cela qu'il a demandé à un conseiller d'état, ayant déjà travaillé pour les gouvernements Balladur et Juppé, Jean-Ludovic Silicani, de rédiger un Livre Blanc sur l'avenir de la Fonction Publique. Il s'agit d'une telle charge contre les droits des salariés de la Fonction Publique, qu'il mérite toute notre attention et toute notre énergie pour faire échec à ses propositions

L'orientation stratégique n°2 : « clarifier les missions du service public et rénover le management de la fonction publique »

= Concurrence, Privatisation, Division des personnels

« Il s'agit de poursuivre l'ouverture progressive à la concurrence des entreprises publiques » Après France Telecom, EDF, GDF, ce sont d'autres entreprises publiques (SNCF, La Poste) qui sont dans le viseur du gouvernement. Mais qui dit ouverture à la concurrence, dit prix régulés par le marché, finies les compensations pour les plus pauvres ! Première conséquence : le pétrole augmente, le gaz aussi : + 4% en janvier, + 5% en mai ! Ouverture à la concurrence signifie également réduction du personnel ! En 10 ans France Telecom a réduit de près d'un tiers le nombre de ses salariés !

« Les collectivités publiques pourraient aussi développer différents modes d'externalisation. » Les enseignants de Seine-Saint-Denis en lutte au printemps 2003 se sont battus contre la décentralisation des personnels ouvriers et d'orientation. Ils y voyaient, entre autres des risques de voir des services externalisés (c'est-à-dire confiés au secteur privé, donc privatisés) par les collectivités territoriales. Ils avaient malheureusement raison ! Alors quels sont les personnels visés par cette privatisation ; les administratifs, les TOS ?

« Les usagers devraient également pouvoir participer à l'évaluation du service public, notamment par le biais de sites internet recueillant leurs observations, ou par des comités d'usagers volontaires. » C'est la généralisation de la notation des profs par leurs élèves, qui a pourtant fait scandale ! Darcos va déjà dans ce sens en voulant rendre publics les résultats aux évaluations nationales des enfants école par école.

« d'importants dysfonctionnements peuvent être identifiés :

l'insuffisance des outils permettant de différencier les carrières et de récompenser les mérites, c'est-à-dire (…) de permettre d'accroître la productivité de l'administration. » Le ministre de l'éducation a proposé dans son document d'orientation (rentrée 2007) d'intégrer les résultats des élèves à l'évaluation des enseignants. C'est un « outil » pour introduire de la concurrence entre enseignants. Mais le terme « productivité » est frappant puisqu'il rentre totalement dans la logique de « faire plus avec moins de moyens ». Les programmes des élèves sont alourdis mais le nombre d'heures de cours diminue. Les résultats doivent être meilleurs mais avec moins de maîtres dans les classes. C'est une logique qui s'impose : moins de moyens humains moins de temps pour apprendre moins de service public, donc moins d'éducation

« (…) autre dysfonctionnement : l'instauration dans de nombreuses administrations, d'une « cogestion de fait » entre les employeurs et les syndicats, qui a débouché sur une gestion uniforme et administrative de la carrière de la plupart des agents. » C'est une attaque frontale contre les organes de défense des droits des salariés que sont les syndicats ! Oui, les syndicats défendent les droits collectifs des agents ! Ce Livre Blanc propose d'en finir avec la consultation (qui n'est pas une cogestion) par les syndicats des décisions de l'administration. Cette « consultation » est déjà largement insuffisante et nécessiterait d'évoluer vers un contrôle réel par les salariés et par leurs syndicats des décisions de l'administration. Mais nous devons déjà refuser toute régression du droit syndical.

Orientation stratégique n°4 : Redéfinir la place et la nature du contrat dans la fonction publique pour en faire le meilleur usage

= Précarisation, licenciement, pression hiérarchique

Plus loin, le document fait le constat suivant : « La fonction publique fait ainsi face (…) à une crise de productivité ». Et comme solution : « Il est donc proposé de concilier le statut et le contrat ». Le « contrat » c'est ce que signent les agents contractuels, c'est-à-dire les non-titulaires, les personnels précaires. Dans l'enseignement primaire, pour l'instant, il n'y a que très peu de professeurs contractuels (précaires). Eh bien, le Livre Blanc propose de changer cela : « Le contrat peut s'avérer indispensable au bon fonctionnement de nombreux services publics de masse (école, hôpital) » ( ! ! !) Mais pour quelles missions embaucher des instituteurs contractuels ? « pour répondre aux besoins occasionnels (besoins ponctuels ou remplacements rapides » Mais il existe déjà un corps d'enseignants titulaires-remplaçants : les Brigades ! C'est une régression sans précédent ! Substituer des postes d'enseignants, de fonctionnaires par des agents contractuels ! C'est l'explosion de la précarité dans la fonction publique. On comprend mieux les refus des Inspecteurs d'Académie de créer les postes de titulaires-remplaçants revendiqués par les collègues ! Les IA s'attendent sans doute à ces recrutements de contractuels après avoir autorisé l'embauche d'instituteurs retraités comme vacataires (en Ile-et-Vilaine) !

« Une approche pragmatique (…) conduit à souligner l'intérêt qu'il y aurait à faire relever les agents contractuels de la fonction publique du droit commun (code du travail) ; » Le texte souligne bien ensuite qu'il s'agit bel et bien d'embaucher des contractuels de droit privé sur des emplois de la Fonction Publique.

L'administration est également appelée à « évaluer le volume d'agents contractuels dont elle aurait besoin à moyen et long terme, dans le cadre de sa politique générale de recrutement. » Il s'agit clairement d'accompagner le plan social de grande ampleur que constitue la RGPP (suppression de 100 000 postes de fonctionnaires) par un recrutement massif de salariés en CDD et en CDI. L'entrée d'agents contractuels de droit privé dans le service public conduit à une attaque majeure contre les droits des salariés de la Fonction Publique. C'est exactement ce qui s'est passé à La Poste (de + en + de contractuels, et plus de concours de recrutement depuis 2004). Les salariés en CDD et en CDI n'ont pas de garantie d'emploi et subissent une pression hiérarchique quotidienne. C'est le chantage au licenciement et la précarité qui s'imposent aux salariés pour qu'ils respectent les « normes de productivité ». C'est ce que nous prépare explicitement le Livre Blanc !

Mais pour les fonctionnaires, il est également prévu : « d'organiser la sortie de la fonction publique des agents (…) dont la valeur professionnelle aura été estimée insuffisante de manière répétée. » Cette « valeur professionnelle », de quoi s'agit-il ? On ne peut que redouter cette approche manageuriale de la Fonction Publique, qui ne voit les missions des agents que par le prisme d'une meilleure productivité. Peut-on définir la productivité d'une institutrice ou d'une infirmière ? Si on peut définir une productivité dans un service public, c'est seulement un aspect quantitatif, de « moindre coût » qui sera pris en compte et en aucun cas la qualité de service.

Ce Livre Blanc pour l' « Avenir de la Fonction Publique » pourrait s'intituler le Livre Noir de la disparition de la Fonction publique. Ces propositions rentrent parfaitement dans les perspectives de régression généralisée des droits des salariés, tracées par le gouvernement. Tous les droits sont battus en brèche dans ce texte : garanties statutaires en terme d'emploi, égalité de traitement des agents, droits syndicaux, protection contre l'arbitraire hiérarchique. Mais c'est aussi une casse du service public en tant que service gratuit assuré à tous sans exigence de rendement, de productivité ni de profit.

SUD éducation rejette l'ensemble des propositions du Livre Blanc de J-L Silicani et exige du gouvernement :

la création d'urgence les postes nécessaires au bon fonctionnement des services publics

l'annulation de toutes les suppressions de postes et de services décidées depuis 6 ans la titularisation immédiate de tous les personnels précaires sans condition de concours ni de nationalité".