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Littérature et philosophie, enjeux et limites d’un rapport de force (Paris Sorbonne)

Littérature et philosophie, enjeux et limites d’un rapport de force (Paris Sorbonne)

Littérature et philosophie, enjeux et limites d’un rapport de force

Journée d’étude jeunes chercheurs

Vendredi 3 juin 2016

Université Paris-Sorbonne

« Les relations entre littérature et philosophie sont, pour une bonne part, des rapports de force qui fonctionnent selon l’ordre de la hiérarchie des disciplines[1] ».

Pour la critique, cette hiérarchie prend la forme d’une domination du discours philosophique, qui le plus souvent annexe la littérature pour l’assujettir à la production d’un savoir. La valeur et la légitimité de la littérature sont ainsi fondées sur ses seules prétentions heuristiques et les spécificités de son discours s’avèrent occultées. Reste à se demander comment cette hiérarchie dégagée par la critique se trouve réfléchie dans l’espace du texte littéraire. La littérature accuse-t-elle ce rapport de force ? Le remet-elle en question pour renouer le dialogue avec la philosophie ? Le renverse-t-elle à son profit pour affirmer son autorité ?

La tension qui caractérise les rapports entre littérature et philosophie est historiquement déterminée. Elle n’est envisageable que si l’on pense ces deux discours selon un partage disciplinaire réalisé progressivement à partir du XIXe siècle[2]. Toutefois, littérature et philosophie entretiennent dès avant cette période des liens complexes. Ainsi, leur séparation en deux disciplines distinctes au cours de la seconde moitié du XIXe siècle ne peut constituer le point de départ de l’étude de ces rapports de force. Durcissant le débat humaniste sur la confrontation entre rhétorique et philosophie, l’esthétique classique a proposé une nouvelle définition de l’œuvre littéraire qui, quoique clairement énoncée, ne fut pas sans ambiguïtés dans la pratique textuelle (qu’on pense notamment aux pensées ou aux maximes qui mobilisent la figure du moraliste contre celle du philosophe). Du XVIIe siècle à nos jours, on cherchera à appréhender l’évolution de ces rapports de force entre littérature et philosophie en interrogeant l’influence exercée sur eux par le contexte historique et culturel.

Le texte littéraire entretient avec le discours philosophique un rapport ambigu placé sous le signe d’une mise en concurrence : il lui emprunte son vocabulaire, ses images, ses références, jusqu’à définir sa propre sagesse sur le mode de l’analogie avec la philosophie, convoquant la notion de « philosophie littéraire[3] ». Mais par les moyens qui lui sont propres (dialogisme, recours à l’imaginaire, multiplication des registres), le texte littéraire revendique son altérité par rapport au discours philosophique, et cette originalité radicale peut prendre la forme d’une opposition catégorique. En privilégiant une pensée oblique (par l’ironie, ou le symbole par exemple), le texte littéraire se propose d’explorer les marges de la démonstration des sciences humaines, et devient un exercice de l’écart chargé de dévoiler un contenu négligé par la réflexion théorique, de révéler un « impensé de la philosophie[4] ». On se proposera d’étudier les enjeux et les limites de la rivalité entre littérature et philosophie pour dégager ses implications esthétiques dans l’espace du texte littéraire. La convocation de la philosophie dans et par la littérature : mise en débat d’un modèle théorique ou mise en scène critique ?

Cette réflexion pourra prendre les directions suivantes, et interroger :

  • L’appropriation littéraire du discours philosophique : on examinera la légitimation de la littérature dans les textes théoriques par l’utilisation d’un lexique spécifique ou l’emprunt de références ou de citations philosophiques. Quelles sont les modalités de cette convocation ? Comment le texte littéraire présente-il cette hétérénomie discursive ? L’appropriation conduit-elle à une contamination des deux types de discours ?
  • La représentation de la philosophie dans la fiction : favorise-t-elle un dialogue entre discours littéraire et discours philosophique? La philosophie fait-elle l’objet d’un traitement ironique et critique conduisant à un renversement de la hiérarchie établie au profit de la littérature ?
  • La construction de la figure de l’auteur en ce qu’elle serait en concurrence avec la figure du philosophe : l’auteur se donne-t-il à voir comme une nouvelle figure de philosophe ? Comme un penseur à l’opposé du philosophe ?
  • Le discours des philosophes sur la littérature : on insistera notamment sur les exercices d’exégèse des textes littéraires proposés dans les écrits philosophiques en insistant sur la question de la nécessité d’une herméneutique de l’œuvre littéraire.

Les propositions de communication (maximum 250 mots) sont à envoyer au plus tard le vendredi 1er avril, accompagnées de vos coordonnées et d’une courte biographie, à Katia Ouriachi et Florence Schnebelen, responsables du laboratoire junior « littérature et philosophie » du CRLC (EA 4510).

Contacts :

Florence Schnebelen florence.schnebelen@gmail.com

Katia Ouriachi : ouriachi.katia@gmail.com

 

[1] Pascale Casanova, dans Eveline Pinto (dir.), L’écrivain, le savant et le philosophe : La littérature entre philosophie et sciences sociales, coll. "Philosophie", Paris, Publications de la Sorbonne, p. 143.

[2] Sur l’autonomisation des deux disciplines et l’influence du contexte historique, voir notamment Philippe Sabot, Philosophie et littératureApproches et enjeux d’une question, Paris, PUF, 2002.

[3] Selon l’expression de Pierre Macherey dans À quoi pense la littérature? : Exercices de philosophie littéraire, Paris, Presses Universitaires de France, 1990, p. 196.

[4]Camille Dumoulié, « Littérature et philosophie », dans Anne Tomiche, Karl Zieger (dir.), La Recherche en Littérature Générale et comparée en France en 2007, Bilan et perspectives, Presses Universitaires de Valenciennes, 2007, p. 148.