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Appels à contributions
Lire la correspondance de Rousseau

Lire la correspondance de Rousseau

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Yannick Séité)

Les universités Paris III-Sorbonne nouvelle & Paris VII-Denis Diderot organisent, sous le patronage scientifique de l’Association Interdisciplinaire de Recherche sur l’Épistolaire et de la Société Jean-Jacques Rousseau, avec le soutien du Centre culturel suisse, un colloque


LIRE LA CORRESPONDANCE DE ROUSSEAU
les 27, 28 & 29 novembre 2002 à Paris.


Désormais disponible dans une édition scientifiquement irréprochable, la correspondance de Jean-Jacques Rousseau, monument ignoré du grand public, n’a pratiquement pas été lue par les chercheurs. S’agissant de l’auteur qui, avec Shakespeare, a suscité le plus de commentaires dans l’histoire des idées et des lettres ; s’agissant d’une perspective — les études épistolaires — en plein développement, cette réserve étonne.
Certaines de ses causes sont sans doute purement conjoncturelles : le 52e et dernier volume de la Correspondance complète de Rousseau, édition critique établie et annotée par Ralph Alexander Leigh, est sorti des presses de la Voltaire Foundation à une date somme toute récente (1998 ; il s’agit de l’Index général, dû à Janet Laming). La nature de cette édition, que son auteur lui-même concevait comme un " beau livre ", en rend en outre l’abord financier et pratique difficile et en réserve peu ou prou la possession aux seules bibliothèques. Il est même possible que la rigueur et la richesse confondantes des informations dont R. A. Leigh a accompagné sa transcription des lettres, aient paradoxalement nourri cette timidité qui semble avoir saisi la communauté scientifique à l’abord de ce massif.
Or la prise en compte de cet ensemble considérable (l’édition Leigh compte plus de 7000 lettres dont près de 2700 sont signées d’un Rousseau qui portait suffisamment d’intérêt à cet aspect de son activité d’écriture pour que de nombreux brouillons de ses missives nous soient parvenus) est susceptible d’infléchir en profondeur notre compréhension de l’œuvre de Rousseau — pour ne rien dire du sujet Rousseau — et pourrait poser aux études épistolaires des questions nouvelles.
Jusqu’à ce jour, tous les grands travaux ou presque qui ont pris en compte la correspondance de Rousseau en ont en quelque sorte usé. Perspective documentaire parfaitement légitime pour ceux qui, tels Michel Launay et Daniel Roche, en ont fait le point de départ d’enquêtes sociologiques ou bien qui, comme Raymond Trousson et Frédéric S. Eigeldinger, l’ont traitée en conservatoire de dates et réservoir de biographèmes. Comment penser les travaux de Claude Labrosse hors d’un rapport constant avec la correspondance ? Mais comment ne pas voir aussi qu’il n’est pas du propos de “La Nouvelle Héloïse” et ses lecteurs d’étudier pour eux-mêmes les échanges épistolaires engendrés par la publication de Julie ? C’est peut-être Anna Jaubert, linguiste, qui, dans la thèse qu’elle a consacrée aux lettres échangées par Rousseau et Henriette***, s’est située au plus près d’une lecture spécifique de la correspondance tant il est vrai que l’approche pragmatique qui a été la sienne est consubstantielle au genre épistolaire.
Reste que ce sont toujours ou presque les mêmes textes que les chercheurs se proposent pour terrain d’enquête : les quatre fameuses lettres à Malesherbes constituent depuis longtemps un corpus classique pour les spécialistes du discours autobiographique (mais Barbara de Negroni a procuré récemment une édition intégrale des échanges épistolaires Rousseau/Malesherbes — Flammarion, 1991) ; les lettres à Henriette*** commencent à jouir également d’une certaine faveur ; on explore à l’occasion certains des grands textes (lettres à Voltaire, à Saint-Germain…) qu’Henri Gouhier avait rassemblés sous le titre de Lettres philosophiques (Vrin, 1974). Gageons encore que la récente publication par Georges May des échanges de Rousseau avec Mme de La Tour (Actes sud, 1998) conférera à ces derniers une certaine visibilité. On le voit, la difficulté est aussi (peut-être d’abord) éditoriale.
Sans interdire à telle ou telle intervention de faire, une fois encore, un usage (historien, linguistique, etc) de la correspondance, ce colloque entend pourtant privilégier des interrogations nouvelles. Qu’est-ce que la prise en compte de sa correspondance apporte à l’intelligence de Rousseau ? Et plus encore — car par là se pose la dimension proprement épistolaire du problème — : qu’en est-il de Rousseau épistolier, de Rousseau écrivain de lettres, si l’on préfère (puisqu’il ne s’agit pas là exactement de la même chose) ? Commencer de répondre à ces questions imposera aux chercheurs, aux rousseauistes en particulier, de renoncer, au moins momentanément, à s’engloutir dans les notes et annexes, infiniment riches, de l’édition procurée par Leigh, pour lire, lire enfin, la correspondance de Rousseau.
Cette conversion, que ce colloque entend favoriser, pourra s’opérer à partir de quelques grands axes d’études, choisis en fonction de la personnalité et de l’œuvre de l’auteur envisagé :


o La poétique épistolaire de Rousseau (usage des topoï, structure du message…)
o Postures épistolaires (se quereller, se plaindre, convaincre, consulter, être consulté… par lettres)
o Dialogues épistolaires (étude de tel échange donné : avec le père, avec Mme de Warens, avec Deleyre, Du Peyrou, le libraire Duchesne, Don Deschamps, le duc de Wurtenberg, le marquis de Mirabeau, … si possible hors des corpus convenus)
o Domaines (penser la musique, la botanique, le livre, l’éducation… dans des lettres)
o Usages (linguistiques, historiens, biographiques…) des lettres de Rousseau.


Les séances de travail des jeudi 27 et samedi 29 novembre auront lieu à l’Université Paris VII, celle du vendredi 28 au Centre culturel suisse (Paris).
Comité scientifique et d’organisation :


Jacques BERCHTOLD : Société Jean-Jacques Rousseau, Université Paris III (Centre de Recherches Littérature et Arts Visuels au XVIIIe siècle)
Marc BUFFAT : A.I.R.E., Université Paris VII (Équipe Théorie de la littérature et sciences humaines — Institut Roland Barthes)
Alain GROSRICHARD : Société Jean-Jacques Rousseau, Université de Genève
Geneviève HAROCHE-BOUZINAC : A.I.R.E., Université d’Orléans
Yannick SÉITÉ : Université Paris VII (Équipe Théorie de la littérature et sciences humaines — Institut Roland Barthes)
Avec la collaboration d’Anne-France GRENON


Les propositions de communications, accompagnées d’un texte de présentation de quelques lignes, sont à adresser, avant le 15 février 2002, à :
(seite@ccr.jussieu.fr.)